Alors que les océans et les mers couvrent plus de 70% de notre planète, qu’ils produisent une partie de notre oxygène et de notre alimentation, et qu’ils régulent notre climat, ils subissent de plus en plus de pressions qui mettent en danger leur bon fonctionnement. Pollution plastique, dégradation des écosystèmes, espèces menacées, surpêche, réchauffement climatique : les enjeux sont complexes et multiples.
C’est pourquoi la communauté internationale se mobilise pour collaborer autour de la préservation de ces écosystèmes précieux. Elle se réunit toute cette semaine, du 9 au 13 juin, à Nice (Alpes-Maritimes), à l’initiative de la France et du Costa Rica. La ville grouillera au rythme des plus de 30 000 participant·es attendu·es à l’occasion de la troisième conférence mondiale (Unoc) sur l’océan. Une cinquantaine de chef·fes d’État devraient être présent·es, et quelque 130 pays devraient y être représentés, d’après l’Élysée.

Il s’agit de la troisième édition de ce sommet mondial, après une première à New York (États-Unis) en 2017, puis une deuxième à Lisbonne (Portugal) en 2022.
📝 Objectif central : aboutir à une grande déclaration sur l’océan
L’Unoc est une émanation de l’Agenda 2030 pour le développement durable, un programme adopté par les membres des Nations unies en 2015, composé de 17 objectifs thématiques liés aux enjeux environnementaux. Le numéro 14 concerne la conservation et l’exploitation soutenable des océans et des mers. Afin d’assurer la coopération nécessaire à l’atteinte de cet objectif, l’ONU a inauguré ces rendez-vous réguliers pour faire le bilan sur les avancées des États en la matière.
À la différence des COP (du nom donné aux conférences annuelles ou biannuelles des Nations unies sur le climat, la biodiversité ou la désertification), l’Unoc n’est pas liée à un traité international et ne représente pas une enceinte «formelle» de négociation, explique Julien Rochette, directeur Océan de l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
À l’issue de la semaine, il ne faudra donc pas s’attendre à un accord formel et contraignant, plutôt à une déclaration politique faite d’engagements volontaires pris par les États, intitulée «Plan d’action de Nice pour l’océan». L’objectif de cette déclaration sera «d’envoyer un message fort sur la mobilisation» des différents pays, explique le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, ministre française de la transition écologique.
🌊 Enfin un traité sur la haute mer ?
Au menu de cette semaine de discussions entre États : la question du traité sur la haute mer, qui vise à protéger les eaux internationales. Ce que l’on nomme «haute mer» débute à l’extrémité des zones économiques exclusives (les ZEE, situées à moins de 370 kilomètres des côtes d’un pays et sous son contrôle), et n’est sous la juridiction d’aucun État – ce qui complexifie sa protection.
Ce traité a été adopté par les membres des Nations unies en juin 2023, mais il faut au moins 60 ratifications (lesquelles actent leur obligation juridique de l’appliquer) par des États pour qu’il entre officiellement en vigueur. À ce jour, 116 pays l’ont signé (c’est-à-dire qu’ils ont indiqué leur intention d’agir) et 31 l’ont officiellement ratifié – dont la France en 2024. À plusieurs reprises, Emmanuel Macron a dit son intention d’obtenir l’entrée en vigueur du traité à l’occasion de l’Unoc à Nice. Si le chemin reste encore long pour y parvenir, le sommet permettra sûrement d’accélérer le processus pour plusieurs pays, en créant un élan sur le sujet de la haute mer. Une salle dédiée à la ratification du traité sera d’ailleurs à disposition des représentant·es des États à l’Unoc.
Pour nombre de spécialistes des écosystèmes marins, ce traité est un élément essentiel de la préservation de 30% des océans d’ici à 2030, soit l’objectif adopté par les États du monde en 2022 lors de la 15ème conférence mondiale (COP15) sur la biodiversité à Montréal (Canada).
🥤 Pousser pour un accord ambitieux sur la pollution plastique
Au-delà des négociations officielles, l’Unoc sera également l’occasion pour la communauté internationale d’avancer de manière informelle sur des dossiers hautement sensibles. C’est le cas du futur traité sur la pollution plastique, en discussion depuis 2022. Cet accord international contraignant vise à limiter la pollution en agissant sur la production de plastique, son utilisation et son recyclage.
Lors de la dernière session de négociation, en décembre 2024, les parties prenantes n’ont pas réussi à trouver un compromis. En cause : un groupe de pays pétroliers qui freinent sur l’adoption de mesures contraignantes de réduction de la production de plastique. Une dernière session est attendue en août à Genève (Suisse), avec l’espoir d’aboutir à un consensus. «L’objectif [de l’Unoc], c’est de faire monter la pression pour avoir un bon traité à Genève en août», a détaillé le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher en amont du sommet.
🐙 Le retour du moratoire sur l’exploitation des fonds marins
Autre serpent de mer qui devrait animer les discussions à l’Unoc : la question de l’exploitation minière des fonds marins. Fragiles et largement méconnues, les profondeurs de l’océan abritent une biodiversité unique et jouent un rôle crucial pour le stockage du dioxyde de carbone (CO2, un gaz responsable du réchauffement climatique). Mais depuis quelques années, plusieurs pays et entreprises poussent pour y autoriser l’extraction de métaux stratégiques comme le nickel ou le cuivre (utilisés pour les batteries de téléphones ou de voitures électriques).
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Lors de la dernière conférence mondiale sur l’océan, à Lisbonne en 2022, Emmanuel Macron avait créé la surprise en appelant à «mettre un coup d’arrêt à l’exploitation minière des fonds en haute mer». À l’heure actuelle, 33 pays se sont prononcés pour un tel moratoire. Avant des négociations cruciales pour la création d’un code minier à Kingston (Jamaïque) en juillet prochain, l’Élysée entend utiliser le sommet de Nice pour «remobiliser la communauté internationale sur l’interdiction [de l’exploitation] des grands fonds marins et la priorité absolue donnée à la recherche scientifique».
Mais cette dynamique pourrait être chamboulée par la position des États-Unis, qui n’ont pas encore confirmé leur participation à l’Unoc. Fin avril, Donald Trump avait créé la stupeur en signant un décret pour «accélérer […] la délivrance de permis d’exploration et d’extraction» des minerais au large des côtes américaines et en haute mer (notre article).
🎣 Pêche et aires marines protégées devraient s’inviter au menu
Lors de la 15ème conférence mondiale (COP15) sur la biodiversité en 2022, 196 États se sont engagés à protéger 30% des mers d’ici à 2030. Là encore, l’objectif des négociations à Nice sera «de poursuivre la mobilisation», selon l’Élysée, pour porter la part d’aires marines protégées dans le monde à plus de 10% (contre 8,5% actuellement).
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De son côté, la France protège déjà plus d’un tiers de son territoire maritime… mais moins de 4% bénéficie d’une protection stricte (un statut qui interdit la plupart des activités de pêche). Plusieurs associations, à l’image de Bloom, comptent profiter du sommet niçois pour demander une meilleure protection des aires marines protégées, par exemple en y interdisant des pratiques de pêche destructrices comme le chalutage (une méthode peu sélective, qui racle les fonds marins).
🚢 Décarbonation du transport maritime, «Giec des océans»… d’autres annonces en vue
À propos de pêche, les représentant·es d’État présents à Nice tenteront également de nouer des accords pour lutter contre les pratiques illégales, non déclarées et non réglementées, qui concernent au moins 15% de poissons pêchés dans le monde.
Concernant la lutte contre le changement climatique, des discussions porteront sur la décarbonation du transport maritime, qui représente 3% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Début avril, un accord pionnier sur la tarification du carbone émis par les navires a été conclu à Londres… mais il est jugé largement insuffisant par plusieurs ONG, ainsi que par les petits États insulaires.
Le sommet de Nice doit aussi voir le lancement officiel de la Plateforme internationale pour la durabilité de l’océan (Ipos), une sorte de «Giec des océans» qui visera à améliorer la connaissance scientifique et les actions politiques en faveur du littoral.
Lutte contre les pollutions marines, financements, technologies de surveillance des aires protégées… de nombreux autres dossiers seront abordés par les États présents. La société civile pourra également porter ses revendications dans une zone dédiée (surnommée «La Baleine»), pour ce qui s’annonce déjà comme le plus grand sommet jamais tenu sur l’océan.