L'ABC de la COP

Bilan mondial ? Pertes et dommages ? L’abécédaire pour comprendre la COP28

Un peu trop COPliqué ? Comme tous les ans, Vert vous a préparé un abécédaire de la COP28, qui s’ouvre le 30 octobre à Dubaï (Émirats arabes unis), pour mieux comprendre les enjeux de ces deux semaines intenses de négociations sur le climat.
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A comme Accord de Paris

L’Accord de Paris a été con­clu à la fin de la 21ème con­férence des Nations unies (COP21) sur le cli­mat à Paris, en 2015. À ce jour, 195 par­ties (194 États + l’Union européenne) ont adhéré à cet accord his­torique. Elles se sont engagées à main­tenir le réchauf­fe­ment cli­ma­tique bien en dessous de +2°C, voire à +1,5°C, à la fin du siè­cle par rap­port à l’ère préin­dus­trielle (soit au milieu du 19ème siè­cle). 1,5°C, c’est la lim­ite à respecter pour ne pas subir les con­séquences les plus graves du change­ment cli­ma­tique, selon les sci­en­tifiques. Les États sig­nataires ont promis de se don­ner des objec­tifs de baisse de leurs émis­sions de gaz à effet de serre de plus en plus ambitieux.

A comme Atténuation

L’objectif des poli­tiques d’atténuation est de réduire le dérè­gle­ment cli­ma­tique en s’attaquant à la source, c’est-à-dire en dimin­u­ant la quan­tité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Les poli­tiques d’atténuation peu­vent aider à réduire les émis­sions de GES qui con­tribuent à la hausse des tem­péra­tures, ou à préserv­er et accroître les puits de car­bone, comme les forêts ou les sols, pour mieux com­penser les émis­sions réal­isées. Par­mi les prin­ci­pales solu­tions mis­es en avant par le Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat (Giec) : sor­tir rapi­de­ment des éner­gies fos­siles (pét­role, char­bon et gaz) et dévelop­per les renou­ve­lables, restau­r­er les écosys­tèmes et employ­er des pra­tiques agri­coles plus respectueuses du vivant.

A comme Adaptation

Les poli­tiques d’adaptation désig­nent l’ensemble des straté­gies et mesures qui per­me­t­tent aux pop­u­la­tions de réduire leur vul­néra­bil­ité face aux change­ments cli­ma­tiques. Elles doivent anticiper leurs impacts pour les dégâts, par exem­ple, en déplaçant des infra­struc­tures pour éviter les risques d’inondation, en con­stru­isant des digues con­tre les sub­mer­sions, en dévelop­pant des cul­tures résis­tantes à la sécher­esse, etc. La ques­tion du finance­ment de l’adaptation, notam­ment dans les pays vul­nérables, est tou­jours un point de ten­sion dans les négo­ci­a­tions cli­ma­tiques. Selon un récent rap­port du Pro­gramme des Nations unies pour l’environnement (PNUE), les besoins économiques pour financer l’adaptation au change­ment cli­ma­tique des pays en développe­ment sont dix à dix-huit fois supérieurs aux flux financiers actuels. Ils sont situés entre 215 et 387 mil­liards de dol­lars (env­i­ron 196 à 353 mil­liards d’euros) chaque année d’ici à 2030, et devraient aug­menter de manière sig­ni­fica­tive d’ici à 2050.

B comme Bilan mondial

La COP28 ver­ra la pub­li­ca­tion du pre­mier bilan mon­di­al (ou «glob­al stock­take» en anglais) depuis la sig­na­ture de l’Accord de Paris en 2015. Il s’agit de l’inventaire du respect — ou non — de tous les engage­ments pris depuis huit ans, des finance­ments cli­ma­tiques, et des besoins en ter­mes d’adaptation et d’atténuation. Dans une pre­mière éval­u­a­tion pub­liée en sep­tem­bre, les Nations unies avaient dressé un état des lieux sévère de la sit­u­a­tion (notre arti­cle). «Ce bilan va pren­dre la forme d’un texte de déci­sion où les pays iden­ti­fieront ce qu’ils doivent amélior­er col­lec­tive­ment», a expliqué Marine Pouget, chargée de la gou­ver­nance inter­na­tionale au Réseau action cli­mat France, qui fédère des asso­ci­a­tions locales et nationales sur les ques­tions écologiques. Ce bilan mon­di­al doit être mis à jour tous les cinq ans.

C comme COP

Organ­isé à Rio de Janeiro (Brésil) en 1992, le Som­met de la Terre a accouché de la Con­ven­tion-cadre des Nations unies sur les change­ments cli­ma­tiques (CCNUCC), un texte fon­da­teur des négo­ci­a­tions inter­na­tionales sur le cli­mat. La CCNUCC organ­ise les COP, pour con­férences des par­ties (Con­fer­ences of the par­ties) sur les change­ments cli­ma­tiques, qui se sont tenues presque tous les ans depuis 1995. Ces som­mets con­stituent les seuls espaces mon­di­aux de négo­ci­a­tion sur tous les sujets liés au cli­mat : adap­ta­tion, tran­si­tion énergé­tique, baisse des émis­sions, etc. Il existe aus­si des COP sur la bio­di­ver­sité et sur la déser­ti­fi­ca­tion. La 27ème con­férence des par­ties (COP27) sur le cli­mat a lieu cette année à Charm el-Cheikh, en Égypte. C’est la pre­mière à se dérouler en Afrique depuis six ans.

C comme Contributions déterminées au niveau national

En 2015, les Etats sig­nataires de l’Accord de Paris ont promis de se fix­er des objec­tifs chiffrés de baisse de leurs émis­sions. Leurs engage­ments sont appelés les «Con­tri­bu­tions déter­minées au niveau nation­al» (CDN). Ces feuilles de route doivent être ren­for­cées tous les cinq ans. La syn­thèse pub­liée cette année par les Nations unies révèle que les engage­ments actuels des dif­férents pays entraîneront une baisse des émis­sions de gaz à effet de serre mon­di­ales de 2% en 2030 par rap­port à 2019 — très loin des 43% néces­saires pour lim­iter le réchauf­fe­ment cli­ma­tique à +1,5°C. S’ils sont respec­tés (ce qui n’est de loin pas garan­ti), ces engage­ments mèn­eraient le monde à un réchauf­fe­ment de +2,5°C à +2,9°C en 2100 par rap­port à l’ère préin­dus­trielle, selon la dernière édi­tion de l’Emissions gap report des Nations unies.

E comme Énergies fossiles

Les éner­gies fos­siles (le char­bon, le pét­role et le gaz) sont, de très loin, les pre­mières caus­es du réchauf­fe­ment cli­ma­tique : elles représen­tent près de 80% des émis­sions de gaz à effet de serre à l’échelle mon­di­ale. Alors que la COP28 est accueil­lie par un pays pétrogazier et présidée par le dirigeant de la com­pag­nie pétrolière nationale des Emi­rats arabes unis, la sor­tie des éner­gies fos­siles sera au cœur des négo­ci­a­tions. Actuelle­ment, les États prévoient de pro­duire deux fois trop de com­bustibles fos­siles en 2030 pour con­tenir le réchauf­fe­ment sous 1,5°C, a prévenu un rap­port con­joint des Nations unies et de plusieurs insti­tuts de recherche, début novem­bre. «Il est cru­cial que les gou­verne­ments adoptent des objec­tifs de réduc­tion de pro­duc­tion et de con­som­ma­tion d’énergies fos­siles à court et long ter­mes», détaille cette étude. En 2021, la déci­sion finale de la COP26 à Glas­gow (Écosse) men­tion­nait pour la pre­mière fois la néces­sité de dimin­uer l’usage du char­bon et les sub­ven­tions «inef­fi­caces» aux éner­gies fos­siles.

F comme Fonds vert pour le climat

En 2009, à la COP15 de Copen­h­ague (Dane­mark), les pays dévelop­pés s’étaient engagés à mobilis­er 100 mil­liards de dol­lars par an dès 2020 dans le cadre d’un Fonds vert. Cette somme doit aider les pays en développe­ment à se dévelop­per de manière «pro­pre» (atténu­a­tion) et se pro­téger des impacts du change­ment cli­ma­tique (adap­ta­tion). Selon l’Organisation de coopéra­tion et de développe­ment économiques (OCDE), seuls 89,6 mil­liards de dol­lars (près de 82 mil­liards d’euros) avaient été mobil­isés en 2021. Une somme très insuff­isante au regard de l’aggravation de la crise cli­ma­tique : il est désor­mais temps de négoci­er l’objectif pour l’après-2025, ce qui fait par­tie des dossiers impor­tants de la COP28.

J comme Justice climatique

La jus­tice cli­ma­tique est brandie par l’ensemble des organ­i­sa­tions de la société civile comme un principe struc­turant de la mobil­i­sa­tion inter­na­tionale con­tre le dérè­gle­ment cli­ma­tique, qui néces­site d’intégrer les luttes sociales aux luttes envi­ron­nemen­tales. Ce con­cept souligne que les pays les plus vul­nérables, qui subis­sent le plus lour­de­ment les con­séquences du boule­verse­ment cli­ma­tique, ne sont pas les plus gros con­tribu­teurs. Cet enjeu vise à pren­dre en compte les dif­férentes dimen­sions de la vul­néra­bil­ité aux boule­verse­ments du cli­mat, y com­pris la vul­néra­bil­ité sociale, et les dis­par­ités dans les leviers d’action pour y faire face. Le con­cept de jus­tice cli­ma­tique défend l’idée que les pays dévelop­pés sont his­torique­ment davan­tage respon­s­ables des dégâts causés aux humains et à la planète, et qu’ils doivent agir en con­séquence (notam­ment au niveau des moyens financiers). La ques­tion de la répar­ti­tion de l’effort entre nations fait par­tie des points de ten­sions entre les dif­férents pays du monde dans le cadre des négo­ci­a­tions sur le cli­mat.

P comme Pertes et dommages

Les pertes et dom­mages désig­nent les dégâts irréversibles causés par le dérè­gle­ment cli­ma­tique : ils peu­vent être liés à des événe­ments extrêmes (cyclones, inon­da­tions, etc), ou à des proces­sus de long terme (mon­tée du niveau de la mer, assèche­ment des ressources en eau, etc). Depuis 1991, les pays les plus vul­nérables au change­ment cli­ma­tique (les États insu­laires du Paci­fique en tête) récla­ment une aide de la com­mu­nauté inter­na­tionale pour faire face à ces événe­ments. Le sujet a longtemps peiné à se fray­er un chemin dans les négo­ci­a­tions inter­na­tionales, car les pays dévelop­pés refu­saient d’ouvrir la voie à la créa­tion d’un mécan­isme de finance­ment partagé des pertes et dom­mages – ce serait admet­tre leur respon­s­abil­ité dans la crise cli­ma­tique. À la sur­prise générale, les pays du monde s’é­taient accordés sur la créa­tion d’un fonds pour les pertes et dom­mages à l’occasion de la COP27 de Charm el-Cheikh (Égypte) en 2022 (notre arti­cle). Un des enjeux majeurs de la COP28 sera de met­tre sur pied un mécan­isme opéra­tionnel et déter­min­er quel organ­isme gou­vern­era ce fonds, qui pour­ra en béné­fici­er, qui devra y con­tribuer et à quel niveau, etc. Celui-ci pour­rait être placé sous l’égide de la Banque mon­di­ale.

R comme Responsabilité commune mais différenciée

La respon­s­abil­ité com­mune mais dif­féren­ciée est un principe du droit inter­na­tion­al de l’environnement con­sacré par la Déc­la­ra­tion de Rio en 1992. Le principe 7 du texte explique qu’« étant don­né la diver­sité des rôles joués dans la dégra­da­tion de l’en­vi­ron­nement mon­di­al, les États ont des respon­s­abil­ités com­munes mais dif­féren­ciées. Les pays dévelop­pés admet­tent la respon­s­abil­ité qui leur incombe dans l’ef­fort inter­na­tion­al en faveur du développe­ment durable, compte tenu des pres­sions que leurs sociétés exer­cent sur l’en­vi­ron­nement mon­di­al et des tech­niques et des ressources finan­cières dont ils dis­posent ». Ce principe fait écho à la ques­tion de la jus­tice cli­ma­tique (voir plus haut), car cer­tains prob­lèmes envi­ron­nemen­taux sont liés à la sur­ex­ploita­tion des ressources et de l’industrialisation menée par les pays dévelop­pés — qui sont aus­si ceux avec le plus de moyens financiers, tan­dis que les pays les plus vul­nérables sont his­torique­ment moins respon­s­ables du dérè­gle­ment cli­ma­tique mais sont par­mi les plus touchés par ce dernier.