Saisie du projet de loi de «simplification», l’Assemblée nationale a approuvé mercredi un recul du principe de zéro artificialisation nette (ZAN)… et la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), qui restreignent la circulation des véhicules les plus polluants.

Introduite en commission à l’initiative des Républicains (LR) et du Rassemblement national (RN), la suppression des zones à faibles émissions a été adoptée par 98 voix contre 51, avec celles de l’alliance RN-Union des droites pour la République (UDR), de la droite, de La France insoumise (LFI) et de quelques macronistes.
Écologistes et socialistes ont largement voté contre, comme certain·es député·es MoDem et Horizons. Le gouvernement était opposé à la suppression, proposant – sans succès – un compromis.
«Je ne vais pas vous dire que je pleure»
Initiées en 2019 pour limiter les émissions de particules fines, les ZFE sont une mesure emblématique de la loi Climat et résilience de 2021, lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron, excluant de leur périmètre certains véhicules très anciens et polluants, identifiés par les vignettes Crit’Air 3, ou plus, selon les villes. Elles ne sont obligatoires qu’à Paris et Lyon.
«La pollution de l’air cause plus de 8 000 décès prématurés chaque année en Île-de-France», les ZFE sont «un outil indispensable pour protéger la santé publique et répondre à l’urgence climatique», a réagi la ville de Paris, appelant «à rétablir cette mesure essentielle». Le maire (Les Écologistes) de Lyon (Rhône) Grégory Doucet a dénoncé «un vote contre la santé des Français» et celui de Montpellier Michaël Delafosse (Parti socialiste) «une erreur funeste pour les générations à venir».
En Europe, la plupart des ZFE mises en place ont permis de réduire la concentration de polluants atmosphériques, avec des effets allant jusqu’à une réduction de 32% de la concentration de dioxyde d’azote à Madrid (Espagne). D’après Santé publique France, les émissions de particules fines seraient responsables de maladies respiratoires et de 40 000 décès par an. En outre, supprimer les ZFE pourrait coûter plus de trois milliards d’euros, selon une note de Bercy datée d’avril dernier. Pour cause, ce retour en arrière risque de compromettre le versement de subventions européennes à la France.
Mais les ZFE sont critiquées, jusque dans les rangs du gouvernement, par de nombreux responsables politiques, notamment à droite, qui considèrent qu’elles excluent des catégories de la population ne pouvant acheter des véhicules moins polluants. «Je ne vais pas vous dire que je pleure», a réagi sur CNews et Europe 1 le ministre (LR) des Transports, Philippe Tabarot. «Le texte tel qu’il a été défini aujourd’hui est dépassé», a-t-il ajouté, appelant à améliorer le dispositif par «des mesures de bon sens», mais «certainement pas en montant les Français contre les Français».
Leur suppression «n’est pas une défaite pour l’écologie» mais «pour l’écologie punitive et pour tous ceux qui veulent systématiquement taper sur les Français», a abondé sur X la patronne des député·es RN Marine Le Pen. Le groupe LFI a également salué une «victoire» contre «un dispositif injuste». Les Insoumis·es ont proposé «dès 2022 un moratoire sur les ZFE […] Il est urgent de planifier nos mobilités en mettant de réels moyens dans des alternatives en transports en commun», est-il souligné dans leur communiqué.
«Démagogie anti-écolo»
La ministre macroniste de la transition écologique Agnès Pannier-Runacher a tenté, en vain, de faire adopter un compromis, pour sanctuariser le fait que les ZFE ne seraient obligatoires qu’autour de Paris et Lyon, et instaurer toute une batterie d’exceptions à la main des collectivités qui veulent les mettre en place. Désormais, «ce ne sera pas possible de le faire, même pour ceux qui le souhaitent», a déploré le ministère après le vote de l’Assemblée.
L’ancien ministre macroniste des transports Clément Beaune, désormais Haut-commissaire au Plan, a déploré sur X une «triste semaine de démagogie anti-écolo», citant également le contournement des débats sur la proposition de loi Duplomb, qui vise entre autres à réautoriser l’usage de certains néonicotinoïdes – ces pesticides «tueurs d’abeilles» – par les agriculteur·ices.
Concernant la loi simplification, les député·es ont aussi adopté mercredi un article pour faciliter l’implantation de vastes centres de données numériques. Mais après son passage en commission, il comporte surtout une révision significative du zéro artificialisation nette, dispositif de lutte contre la bétonisation d’espaces naturels et agricoles.
L’article permet de «dépasser jusqu’à 30%» la limite de surfaces naturelles aménageables, «sans justification», et prévoit d’exclure du décompte du ZAN les constructions reconnues par décret comme «projet d’intérêt national majeur».
L’Assemblée a aussi adopté un amendement visant à sécuriser la conformité de projets comme celui de l’autoroute A69 – une limitation du «droit aux recours», selon la gauche –, ou un article ambitionnant de simplifier l’implantation d’antennes relais.
Des député·es estiment toutefois que certaines dispositions, comme l’abrogation des ZFE, encourent un risque de censure au Conseil constitutionnel, comme cavaliers législatifs (soit une mesure introduite par un amendement dans une loi en préparation, et qui n’a aucun lien avec le texte en question. Le Conseil constitutionnel peut rejeter tout amendement qu’il identifierait comme étant un cavalier législatif).
Les votes sur les articles devront encore être confirmés par celui sur le projet de loi dit de simplification, alors que les débats sur ce texte, morcelés depuis début avril, doivent reprendre mi-juin, avec 623 amendements à étudier.