Reportage

Procès des militants de la Confédération paysanne : devant le tribunal de Paris, leurs soutiens dénoncent des «violences policières»

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Que personne ne bouse. Un rassemblement était organisé ce 4 février en soutien à deux agriculteur·ices de la Confédération paysanne poursuivi·es pour des violences contre la police au cours d’une manifestation à Paris en décembre dernier. Le procès a été renvoyé en octobre 2025.

«Ils sont encore là ? Ils n’ont rien d’autre à faire !», fulmine Laurence Marandola, la porte-parole du syndicat agricole Confédération paysanne. D’un œil inquiet, l’éleveuse ariégeoise observe les policier·es près du rassemblement organisé par son syndicat sur le parvis du tribunal de Paris. Une cinquantaine de sympathisant⸱es sont venu⸱es manifester leur soutien à deux agriculteur⸱ices accusé⸱es de violences contre les forces de l’ordre. Les faits remontent à une action de la Confédération paysanne contre la spéculation sur les produits agricoles, le 5 décembre 2024.

Mardi, une cinquantaine de personnes se sont réunies devant le tribunal de Paris pour soutenir deux agriculteur·ices de la Confédération paysanne avant leur audience. © Esteban Grépinet/Vert

«C’était une manifestation hautement symbolique et médiatique, mais nous avons été très violemment réprimés», proteste Laurence Marandola. La Confédération paysanne s’était rassemblée (sans déclaration préalable en préfecture) devant le Grand Palais pour l’inauguration de la 64e Bourse de commerce européenne, grand raout du marché des céréales. Une immense banderole «Sauvez les paysan·nes, mangez un trader !» avait été brandie et plusieurs personnes s’étaient introduites à l’intérieur pour perturber l’événement.

Le maintien de l’ordre en question

Après intervention des policier·es, cinq manifestant·es avaient été placé·es en garde à vue, dont deux sont poursuivi·es pour des faits de rébellion et de violences contre des fonctionnaires de police. Initialement prévu ce 4 février, leur procès a finalement été renvoyé au 14 octobre 2025.

«Ils ont dit que j’avais étranglé un policier, mais j’ai juste essayé de me retenir, dans la brutalité du mouvement de foule, se défend l’une des deux prévenu⸱es, Claire (le prénom a été modifié), cultivatrice de fruits. Au lieu de faire comme une gouttière pour nous évacuer un par un, les policiers nous ont chargé à dix, c’était plutôt une mêlée de rugby !»

«D’après moi, la nasse [technique policière controversée qui vise à encercler un groupe de manifestant·es, NDLR] était illégale, et les premiers à transgresser la loi, c’était les policiers», témoigne de son côté Thierry, poursuivi pour avoir mordu un policier.

Le 5 décembre dernier, l’intervention policière lors de l’action de la Confédération paysanne «a été d’une violence extrême», selon la porte-parole du syndicat, Laurence Marandola. © Esteban Grépinet/Vert

Dans la foule, d’autres témoins racontent l’intervention musclée de la Brigade de répression de l’action violente motorisée (la tristement célèbre «Brav-M»), les bousculades, les manifestant·es qui s’agrippaient les un⸱es aux autres pour ne pas être interpellé⸱es… Des faits que l’on voit dans des vidéos prises sur le moment par l’agence de presse CLPresse, et dont les implications seront jugées par la justice.

«Un “deux poids, deux mesures” insupportable»

«Le feuilleton n’est pas fini, on va continuer le combat contre les violences policières et pour les libertés syndicales», martèle au micro Laurence Marandola, après l’audience express au tribunal. La Confédération paysanne a annoncé avoir déposé une dizaine de signalements à l’Inspection générale de la police nationale (l’IGPN, la «police des polices») contre «la nasse et les charges policières injustifiées» et a saisi la défenseure des droits.

«L’État devrait s’attaquer aux vrais problèmes des agriculteurs : les revenus insuffisants, le partage de la valeur, la transition agroécologique, la lutte contre les effets du changement climatique et de la destruction de la biodiversité», liste Romane, qui a pris la parole pour l’ONG Greenpeace. D’autres associations sont venues apporter leur soutien à la Confédération paysanne, comme Attac ou Action justice climat (ex-Alternatiba Paris).

Présent lors du rassemblement, le député (La France insoumise, Savoie) Jean-François Coulomme dénonce les inégalités de traitement policier entre les syndicats agricoles productivistes d’un côté, et la Confédération paysanne de l’autre : «Certains demandent à ce qu’on fasse sauter toutes les normes qui protègent la profession, l’environnement et les consommateurs ; alors que les autres veulent une agriculture raisonnée, subventionnée pour ce qu’elle produit de meilleur.»

Devant les drapeaux jaunes de la Confédération paysanne, Laurence Marandola rappelle l’action soutenue par la FNSEA (le syndicat agricole majoritaire) contre l’Institut national de la recherche agronomique (Inrae), le 28 novembre dernier : une centaine de manifestant·es avaient muré l’entrée du bâtiment, sans être inquiété·es par les forces de l’ordre.

Elle dénonce aussi «un “deux poids, deux mesures” insupportable» : «le jour de notre manifestation, des militants de la FNSEA ont dégradé des permanences de parlementaires et ont été accompagnés par la police, avec zéro empêchement, zéro répression». Une ambiance pesante, à quelques jours des résultats des élections professionnelles agricoles, et alors que le salon de l’agriculture ouvrira ses portes le 23 février prochain.

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