Décryptage

«2025 sera moins chaude que 2024» : évènements extrêmes, enjeux politiques… l’année à venir vue par six experts du climat

Chaud business. Inondations en Bretagne, incendies à Los Angeles, record de chaleur en Espagne… 2025 commence à peine que s’enchaînent les évènements climatiques extrêmes. À quoi pourrait ressembler le reste de l’année ? Vert a posé la question à six scientifiques.
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Après une année 2024 qui a pulvérisé le record de l’année la plus chaude sur Terre (notre article), 2025 pourrait s’annoncer un peu plus fraîche, d’après les scientifiques interrogé·es. Une accalmie qui signe un ralentissement du réchauffement climatique ? Pas si sûr. C’est plutôt l’effet de la fin du phénomène météorologique El Niño, une anomalie océanique naturelle aux effets réchauffants sur l’atmosphère, qui revient tous les deux à sept ans (notre article). En 2023 et 2024, El Niño avait augmenté la température autour du globe et fait tomber de nombreux records. Il a été suivi par son phénomène sœur, la Niña, aux effets refroidissants.

«Après deux années sous El Niño, les températures devraient redescendre un peu – pas au niveau préindustriel [c’est-à-dire au milieu du 19ème siècle, NDLR], mais on ne s’attend pas à ce qu’elles soient plus élevées qu’en 2024», estime Robert Vautard, météorologue, climatologue et co-président de l’un des groupes de travail du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec).

«En matière de climat et météo, il est toujours difficile de prévoir, mais je serais prêt à parier que 2025 sera moins chaude que 2024», abonde Jean Jouzel, paléoclimatologue, ancien vice-président d’un groupe de travail du Giec.

De gauche à droite : Davide Faranda, Jean Jouzel, Marta Torres Gunfaus, Wolfgang Cramer, Jean-Baptiste Sallée et Robert Vautard. © Montage Vert

Ce léger rafraîchissement planétaire prévu cette année n’empêchera pas des températures extrêmes ponctuelles. Preuve en sont les records de chaleur de ces derniers jours autour du globe, en Espagneen Inde, ou encore en Équateur«Avoir des records de températures plus fréquents, c’est tout à fait normal dans un climat qui se réchauffe», confirme Robert Vautard.

Canicules marines à répétition

Comme l’air ambiant, les océans devraient être un peu moins chauds que ces deux dernières années, grâce à l’influence de la Niña«Mais ce qui est à peu près sûr, c’est que l’année 2025 comptera parmi les plus chaudes jamais connues en termes de températures de surface des océans», tempère Jean-Baptiste Sallée, océanographe et climatologue au CNRS.

«Depuis les années 1980, nous avons à peu près un doublement de la fréquence des canicules marines dans le monde. Impossible de prédire s’il y en aura une cet été, mais il est certain que la probabilité augmente d’année en année», détaille-t-il. La mer Méditerranée, par exemple, a particulièrement souffert en 2024. Ses eaux ont dépassé les 30 degrés (°C) dans plusieurs stations de mesure au cours de l’été (notre article).

Les pompiers ont eu des difficultés à maîtriser les incendies de Los Angeles, début janvier, à cause de leur occurrence simultanée à plusieurs endroits. © David Swanson/AFP

Par leur récurrence, ces vagues de chaleur marine bouleversent les écosystèmes : «à terme, on risque une grosse modification de la biodiversité qui ne va pas supporter ces températures, mais aussi des impacts sur les pêcheries et la capacité de l’océan à absorber du CO2», explique Wolfgang Cramer, écologue et directeur de recherche du CNRS à l’Institut méditerranéen de biodiversité et d’écologie marine et continentale (IMBE).

Des événements extrêmes plus intenses, fréquents et consécutifs

2025 a déjà connu son lot d’événements violents, et ça ne risque pas de s’arrêter là. Sécheresses, canicules, typhons : ces catastrophes ne peuvent pas être anticipées, mais la science montre que le dérèglement climatique les rend plus probables. «Il faut s’attendre à une intensification de ces événements, qui deviennent aussi plus fréquents», alerte Jean Jouzel. Avec des impacts variables et difficilement prédictibles selon les régions du monde : «Il est possible d’avoir une année plus ou moins normale en France, comme en 2024, et donc d’être relativement épargné pendant une année dans une certaine région, mais pas à l’échelle planétaire.»

Il n’est pas impossible de voir se multiplier des catastrophes en série sur un même territoire, ce qui mettrait à mal les services de gestion de crise et de secours pour les habitant·es. «On doit aussi s’habituer à avoir des séquences d’évènements climatiques extrêmes qui s’enchaînent», comme des cyclones tropicaux suivis de canicules humides, ou des tempêtes accompagnées de vagues de chaleur, complète Davide Faranda, directeur de recherche du CNRS au sein du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (LSCE) de l’université Paris-Saclay, et spécialiste des liens entre les événements météorologiques extrêmes et le dérèglement climatique – que l’on appelle la science de l’attribution. On peut aussi penser aux récents incendies de Los Angeles (États-Unis), que les pompiers ont eu des difficultés à maîtriser à cause de leur occurrence simultanée à plusieurs endroits (notre article).

Une année clé sur le plan politique

«2025 est une année symbolique, puisqu’elle marque les dix ans de l’Accord de Paris», rappelle Jean Jouzel. Ce traité international historique, signé en 2015, engage les États du monde à contenir la hausse des températures bien en dessous de +2°C à la fin du siècle – par rapport au 19ème siècle, et si possible à +1,5°C.

«C’est un moment test pour la coopération internationale, car les États doivent tous soumettre de nouvelles feuilles de route pour réduire leurs émissions», poursuit Marta Torres Gunfaus, directrice climat à l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri). Les pays du monde se réuniront en novembre à Belém, au Brésil, pour la 30ème conférence mondiale (COP30) sur le climat, avec l’objectif d’intensifier leurs efforts pour lutter contre le changement climatique.

Malgré un contexte géopolitique difficile, marqué entre autres par le retour de Donald Trump au pouvoir aux États-Unis, les spécialistes interrogé·es tentent de garder la tête froide. Pour Davide Faranda, «la transition écologique est intéressante d’un point de vue économique, donc il faut espérer que le nouvel équilibre politique global ne perturbe pas cette bonne dynamique, qui est lente, mais qui pourrait se briser complètement à cause du manque d’engagement de certains grands pays comme les États-Unis»«L’espoir, c’est la mobilisation, veut croire Wolfgang Cramer, par ailleurs membre du mouvement Scientifiques en rébellion. De plus en plus de chercheurs sortent de leurs labos pour informer le public différemment.» Peut-être que ces expert·es seront davantage entendu·es en 2025.

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