Décryptage

«Je suis à court de métaphores pour expliquer l’ampleur du réchauffement» : 2024 a pulvérisé le record de l’année la plus chaude

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Chaud must go onL’année dernière a été la plus chaude jamais enregistrée, et la première à dépasser le seuil symbolique des +1,5°C par rapport au 19ème siècle, révèle l’observatoire européen Copernicus ce vendredi.

«Je suis à court de métaphores pour expliquer l’ampleur du réchauffement que nous observons», s’alarme Carlo Buontempo, directeur du service du changement climatique de Copernicus, au moment de présenter les conclusions du rapport annuel sur les faits climatiques marquants.

C’est officiel : 2024 est la première année au cours de laquelle la température moyenne a dépassé de +1,5 degré Celsius (°C) la moyenne de l’ère préindustrielle (deuxième moitié du 19ème siècle), avec une marque à +1,6°C.

Attention, cela ne signifie pas que l’objectif de l’Accord de Paris est d’ores et déjà enterré – cela nécessiterait qu’une moyenne dépassant les +1,5°C soit établie sur au moins 20 ans – mais cela souligne l’accélération du dérèglement climatique. Pour rappel, en 2015, 196 États se sont engagés, via l’Accord de Paris, à maintenir la hausse des températures bien en dessous de +2°C par rapport à l’ère préindustrielle. Et, si possible, à +1,5°C, pour éviter les impacts les plus dramatiques du dérèglement climatique.

En 2024, la température moyenne mondiale s’est établie à 15,10°C, soit 0,12°C au-dessus de la précédente maximale (en 2023). Un nouveau record absolu de température moyenne quotidienne a même été dépassé le 22 juillet, avec 17,16°C – le précédent datait de… la veille, avec 17,09°C.

Les océans n’ont pas été en reste, avec une température globale moyenne de 20,87°C pour les eaux de surface en 2024, soit 0,51°C de plus que la normale des trente dernières années.

Un climat «très différent de celui de nos parents et grands-parents»

«Les nouvelles ne sont pas encourageantes et l’urgence de l’action climatique n’a jamais été aussi grande», abonde sobrement Mauro Facchini, chef de l’unité d’observation de la Terre à la Commission européenne. 

«En examinant l’évolution du climat sur plusieurs décennies, il est clair que nous vivons aujourd’hui dans un climat très différent de celui qu’ont connu nos parents et nos grands-parents», martèle Samantha Burgess, responsable climat du Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme. Chacune des dix dernières années est l’une des plus torrides jamais vécues sur le globe.

Changement d’origine humaine versus variabilité naturelle

Pour Carlo Buontempo, «les nombreux événements records enregistrés au cours des douze derniers mois ne sont pas des anomalies statistiques, mais bien la conséquence directe du réchauffement généralisé de notre climat», lui-même alimenté par l’action humaine et l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre. D’autres facteurs, comme le phénomène météorologique El Niño qui a eu cours entre 2023 et mi-2024, ont contribué à ces niveaux inhabituels. Ce phénomène apparaît tous les deux à sept ans et a des effets réchauffants sur l’atmosphère du globe.

La hausse de la température des océans a entraîné de fortes pluies en 2024, et des inondations, comme ici à Sedaví, dans la banlieue de Valence (Espagne), le 2 novembre. © Pacopac/Wikimedia commons

L’impact du dérèglement climatique sur la santé ne cesse de se faire sentir. Les conditions climatiques de 2024 ont entraîné une hausse des niveaux de «stress thermique» (soit la surchauffe des corps liée à une chaleur et une humidité élevées). Une large partie de l’hémisphère nord a subi plus de jours que la moyenne avec au moins un «stress thermique fort» (plus de 32°C ressentis). Un nouveau record a été franchi le 10 juillet dernier, lorsque quelque 44% du globe ont été affectés par un «stress thermique fort» ou «extrême» (plus de 46°C ressentis).

«Ces températures mondiales élevées, associées à des niveaux records de vapeur d’eau dans l’atmosphère en 2024, ont entraîné des vagues de chaleur et des précipitations abondantes sans précédent, causant la détresse de millions de personnes», résume Samantha Burgess. L’air n’avait jamais contenu autant de vapeur d’eau que l’année dernière, environ 5% de plus que la moyenne des années 1991-2020. Ce phénomène amplifie les épisodes de fortes précipitations et participe à des événements extrêmes (tempête Kirk en France, inondations meurtrières en Espagne en octobre, etc.).

Un effort conjoint

Pour la première fois cette année, de nombreuses organisations chargées de surveiller le climat planétaire (l’Organisation météorologique mondiale, le Centre européen pour les prévisions météorologiques à moyen terme, le service britannique de météorologie, l’Agence fédérale américaine de l’aéronautique et de l’espace – la Nasa -, l’Administration nationale des océans et de l’atmosphère aux États-Unis) se sont accordées sur une publication coordonnée de leurs données sur l’année écoulée. Un effort conjoint qui vise à «mettre en évidence les conditions exceptionnelles observées au cours de l’année 2024».

«Il est de notre responsabilité de faire le maximum pour éviter le chevauchement des publications» et la confusion des citoyen·nes, souligne Carlo Buontempo, de Copernicus. Malgré la gravité de la situation, ce dernier se veut optimiste : «L’avenir est entre nos mains – une action rapide et résolue peut encore modifier la trajectoire de notre climat futur.»

Les scientifiques ont déjà le regard tourné vers 2025. Hors bouleversement soudain, elle sera probablement dans le top 3 des années les plus chaudes, anticipe Samantha Burgess, mais sûrement plus fraîche que 2024 et 2023.


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