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«Vous nous faites honte» : la loi de validation de l’autoroute A69 rejetée à l’Assemblée nationale… pour mieux l’adopter

Libéré sous motion. Lundi soir, la loi de validation de l’autoroute A69 a été rejetée par l’Assemblée nationale avant même le début des débats. Le texte est renvoyé en commission mixte paritaire, où il a de fortes chances d’être adopté.
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L’hémicycle de l’Assemblée nationale se préparait à de longues discussions, lundi soir, au vu des plus de 750 amendements déposés par la gauche. Finalement, les député·es n’ont même pas eu l’occasion de débattre de la proposition de loi de validation de l’autoroute A69 puisqu’elle a été rejetée et renvoyée en commission mixte paritaire.

La députée Les Écologistes Christine Arrighi, lundi soir, dans l’hemicycle. © Assemblée nationale

Ce texte, déjà largement adopté par le Sénat le 15 mai dernier, vise à valider l’autorisation environnementale de la liaison autoroutière A69 entre Toulouse (Haute-Garonne) et Castres (Tarn). Cette dernière avait été retoquée par le tribunal administratif de Toulouse en février dernier, ce qui avait interrompu le chantier.

Depuis, la proposition de loi de validation est ardemment défendue par le gouvernement. «Comment accepter qu’un projet puisse voir son autorisation annulée après le début des travaux ?, a questionné dans l’hémicycle le ministre chargé des transports, Philippe Tabarot. Cette approche permettra d’éviter que de telles situations ne se reproduisent à l’avenir.» Si le texte concerne exclusivement l’A69, l’opposition craint que le recours aux lois de validation ne soit ensuite utilisé au sujet d’autres projets d’infrastructures.

Pour Jean Terlier, député centriste du Tarn, rapporteur du texte et soutien de longue date du projet A69, il est essentiel de faciliter la finalisation des travaux : «Cette autoroute n’a pas été réalisée par coquetterie, elle n’ira pas desservir des stations de ski ou des bords de mer, mais servira pour que les habitants du sud du Tarn puissent travailler ou se soigner.»

Des débats court-circuités

Un argumentaire rejeté par la gauche, et notamment par La France insoumise, qui avait déposé une motion de rejet préalable du texte (dont l’objectif initial était de montrer leur opposition à la proposition de loi). Cette procédure permet d’envoyer un texte, une fois rejeté, en commission mixte paritaire, un organe qui réunit sept député·es et sept sénateur·ices, afin de trouver un compromis avant un vote final dans les deux chambres.

«La justice a parlé et vous essayez par cette loi de la faire taire. Vous créez un précédent extrêmement dangereux et couvrez notre assemblée de honte, a martelé Anne Stambach-Terrenoir, députée LFI de la Haute-Garonne, à l’origine de la motion de rejet. Si vous faites adopter cette loi, vous achèverez la séparation des pouvoirs.»

Mais alors que les parlementaires anticipaient de longues heures de discussion, Jean Terlier a finalement appelé l’hémicycle à voter cette motion de l’opposition – et ainsi à rejeter son propre texte –, «compte tenu de l’obstruction» de la gauche. Une stratégie qui permet de simplifier les débats, en plus petit comité, en commission mixte paritaire. La semaine dernière, les partisan·es de la loi Duplomb (qui vise à «lever les contraintes au métier d’agriculteur») avaient utilisé ce même outil pour rejeter leur propre texte dans l’hémicycle, et ainsi faciliter son adoption.

Une manière de «fuir le débat parlementaire»

Cette manœuvre a été dénoncée par le groupe Les Écologistes, qui a quitté la salle avant le début du scrutin : «Vous nous faites honte», a lâché la députée de la Haute-Garonne Christine Arrighi.

L’ensemble des groupes avaient appelé au vote de la motion de rejet, à l’exception des socialistes qui se sont abstenu·es, et des Écologistes. La motion de rejet préalable a ensuite été adoptée à l’unanimité sur les176 votes exprimés.

«Grâce à vous, l’A69 verra le jour beaucoup plus rapidement que prévu, merci», a ironisé le député Ensemble Jean-René Cazeneuve. «Nous n’avions pas déposé la motion de rejet, mais vous nous avez offert la possibilité d’éviter une obstruction de centaines d’amendements», a renchéri Vincent Thiébaut, élu Horizons.

«Il est honteux qu’en une semaine vous ayez détourné par deux fois les règles de notre assemblée pour fuir le débat parlementaire», a fustigé Claire Lejeune, députée LFI. «On se retrouve exactement dans la même configuration que la semaine dernière avec la loi Duplomb, c’est-à-dire un détournement de procédure pour nous empêcher de débattre», a insisté Christine Arrighi à sa sortie de l’hémicycle.

Le texte sera étudié en commission mixte paritaire dans quelques semaines, et a de grandes chances d’être in fine adopté par le parlement. Si c’est le cas, la gauche compte d’ores et déjà saisir le Conseil constitutionnel pour faire reconnaître l’illégitimité de la loi.