Après un parcours homérique, le projet de loi de «simplification» risque de s’échouer à l’Assemblée nationale. Les député·es macronistes ont annoncé dimanche 15 juin voter contre le texte lors du vote solennel de la loi au Palais-Bourbon ce mardi en fin d’après-midi. Ces parlementaires s’opposent au détricotage de ce projet de loi – qui avait été déposé en 2024 par le ministre macroniste Bruno Le Maire – par la droite et l’extrême droite lors des travaux en commission. Et notamment à la suppression des zones à faibles émissions – ces espaces, dans plusieurs villes de France, où la circulation des véhicules les plus polluants est limitée afin d’améliorer la qualité de l’air – mises en place en 2019.

Étant donné le poids du groupe macroniste à l’Assemblée (94 député·es), et l’hostilité de la gauche, ce projet de loi devrait être rejeté. Mais il ne sera pas forcément abandonné pour autant. En vertu du caractère d’«urgence» du texte décidé par le gouvernement, il devrait poursuivre sa navette parlementaire et être examiné en commission mixte paritaire (CMP), probablement en septembre, où sept député·es et sénateur·ices essayeront d’aboutir à une version commune du texte.
La lutte contre la bétonisation bat de l’aile
Le projet de loi simplification est un texte éclectique, qui prévoit dans sa rédaction actuelle toute une batterie de dispositions pour «simplifier» la vie des particulier·es, des entrepreneur·ses ou des commerçant·es, allant de la simplification du régime des baux commerciaux à celle de la délivrance des licences IV pour la vente de boissons alcoolisées… Les principaux combats parlementaires avaient tourné autour de la simplification de l’action publique, et d’une revue «à la française» des agences de l’État et organes consultatifs susceptibles d’être supprimés – la suppression de l’Office français de la biodiversité avait été évoquée.
Mais le plus gros de la bataille s’est joué sur des questions environnementales – Les Écologistes dénonçant un «détricotage accéléré du droit de l’environnement». Les Républicains et le Rassemblement national (RN) ont obtenu, le 26 mars dernier, la suppression des zones à faibles émissions, avec le concours de certaines voix macronistes et La France insoumise (même si ces dernier·es sont opposé·es au reste du projet de loi).
Initiées en 2019 pour limiter les émissions de particules fines, les ZFE sont une mesure emblématique de la loi Climat et résilience de 2021, lors du premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Elles excluent de leur périmètre certains véhicules très anciens et polluants, identifiés par les vignettes Crit’Air 3 (ou plus, selon les villes), et ne sont obligatoires qu’à Paris et Lyon.
Par ailleurs, contre la gauche et une partie du bloc central, la droite et le RN ont obtenu un important recul de l’objectif «zéro artificialisation nette» (ZAN), ce dispositif de lutte contre la bétonisation d’espaces naturels et agricoles. Le texte permettrait aux collectivités de «dépasser jusqu’à 30%» la limite de surfaces aménageables.
Les ZFE, «ce n’est pas suffisant pour rejeter le texte»
Lors des travaux en commission, les votes, très médiatisés, ont empêché l’émergence de «compromis intéressants», regrette le rapporteur Stéphane Travert, apparenté au groupe macroniste Ensemble pour la République (EPR). «Seules les radicalités se sont exprimées», déplore-t-il, estimant «en responsabilité» impossible une abrogation sèche des ZFE, au nom de la «santé publique».
«Les chantres de la culture du compromis» ne la défendent que «lorsqu’il y a une victoire à la fin de ce qu’ils défendaient», s’agace Ian Boucard (LR), à l’initiative de l’un des amendements supprimant les ZFE.
Horizons, le parti d’Édouard Philippe, votera pour le projet de loi. Il «porte un grand nombre de mesures de simplification attendues par notre tissu économique et nos concitoyens, il faut accélérer», assume le patron du groupe, Paul Christophe. Quant aux ZFE, «ce n’est pas suffisant pour rejeter le texte, d’autant qu’il y a de grandes chances que ce soit un cavalier législatif» – sans lien avec le texte initial – qui serait rejeté in fine par le Conseil constitutionnel, estime-t-il.
Le texte part toutefois en ballotage défavorable, même si la mobilisation de chaque camp, la décision finale des groupes ce mardi, et le suivi des positions pourraient aussi avoir un impact. Lundi, certains macronistes envisageaient de s’abstenir.