«C’est une mesure séparatiste mise en place par des technos-écolos-bobos urbains contre des Français bien élevés qui travaillent», a lâché Pierre Meurin. Bien aidé par la droite, le député Rassemblement national du Gard a obtenu la suppression des zones à faibles émissions (ZFE), le 26 mars dernier, en commission à l’Assemblée nationale. Ce vote ne marque pas encore la suppression définitive de ces secteurs interdits aux véhicules les plus polluants.
Député·es et sénateur·ices doivent encore débattre du sujet, de retour sur la table cette semaine avec la reprise des travaux parlementaires. Alors, pour pousser dans son sens, le parti d’extrême droite a lancé une pétition sur son site internet, dans laquelle il relaie trois fausses informations.
Les ZFE «sont inutiles pour améliorer la qualité de l’air»
«Elles sont inutiles pour améliorer la qualité de l’air», a déclaré Pierre Meurin, le 26 mars, a rapporté Le Monde. C’était l’enjeu de leur création en 2019 et de leur extension en 2021 : limiter la circulation des véhicules les plus polluants afin d’améliorer la qualité de l’air et de limiter les émissions de particules fines, responsables de maladies respiratoires et de 40 000 décès par an, selon une récente étude de Santé publique France.

Dans les faits, les études montrent que les ZFE ont eu, dans la majorité des cas, un impact non négligeable sur la qualité de l’air et la santé. Elles ont aussi fait baisser les émissions de gaz à effet de serre. À Paris et à Lyon, les ZFE ont permis de réduire «la concentration de dioxyde d’azote de plus d’un tiers», selon un communiqué de la ministre de la transition écologique, Agnès Pannier-Runacher. En Allemagne, elles ont contribué à réduire l’incidence des maladies respiratoires et cardiovasculaires, et à faire baisser la mortalité prématurée liée à la pollution, selon deux études d’organismes de recherche.
Elles impactent «directement plus de dix millions» de personnes
«Sur notre territoire, ce sont 43 nouvelles agglomérations, telles que Lille, Bordeaux ou Nantes qui doivent appliquer ces obligations, impactant directement plus de dix millions de nos concitoyens», lit-on dans la pétition du RN.
Là encore, cet argument est fallacieux. «Pour les Crit’Air 3 [véhicules essence d’avant 2006 et diesel d’avant 2011, NDLR], qui sont concernés depuis le 1er janvier dernier, cela concerne plutôt 650 000 [personnes]», a expliqué Léo Cohen, consultant indépendant sur l’écologie et la participation citoyenne, sur le plateau de l’émission de France 5, «C ce soir», le 9 avril dernier.

Deux villes, Paris et Lyon, ont l’obligation de restreindre la circulation jusqu’aux Crit’Air 3 inclus (les véhicules sont classés en six catégories, de la moins polluante à la plus néfaste : Crit’Air 0, 1, 2, 3, 4 et 5), car la qualité de l’air y dépasse les seuils réglementaires. Mais ces restrictions ne s’appliquent pas le week-end et des dérogations existent par catégories de métiers.
Deux autres villes : Grenoble et Montpellier, ne dépassent pas ces seuils mais ont décidé d’appliquer ces restrictions sur leur territoire. Les 40 autres agglomérations interdisent la circulation aux véhicules classés Crit’Air 4 (voitures diesel de plus de 19 ans) ou Crit’Air 5 (plus de 25 ans).
Des amendes de 135 euros
«Ceux qui ne pourront pas répondre à cette nouvelle exigence, et ne pourront pas changer de véhicule, devront s’acquitter d’une amende pouvant atteindre 135 euros», prétend également le Rassemblement national.
À Lyon et à Paris, où les restrictions sont les plus strictes depuis le 1er janvier, les pouvoirs publics ont annoncé qu’il n’y aurait aucune contravention cette année. À la place d’un PV, c’est un flyer qui sera déposé sur le pare-brise des automobilistes pour faire comprendre le dispositif, a expliqué Philippe Castanet, directeur général des services de la métropole du Grand Paris, sur le plateau de BMFTV le 1er février.
«Au-delà de faire peur aux gens – y compris à ceux qui ne sont pas concernés par la réglementation –, cela crée un deuxième problème, estime Marine Braud, ex-conseillère écologie auprès de la première ministre et du président de la République, notamment sur les ZFE, et associée-fondatrice d’Alameda, une société de conseil en écologie. Je pense que, dans les ZFE, tout n’a pas été bien fait. Mais on passe tellement de temps à lutter contre la désinformation que nous n’avons pas le temps de parler des améliorations qu’il faudrait apporter.»
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