Il n’y aura pas de traité contre la pollution plastique à Genève : dix jours de pourparlers diplomatiques tendus se sont terminés vendredi à l’aube par le constat d’un échec cuisant pour l’environnement et la diplomatie. Le représentant de la Norvège, co-président d’un groupe de pays qui défendait un traité de «haute ambition» pour protéger l’environnement et la santé humaine face au danger grandissant de la pollution plastique, l’a annoncé en ouverture d’une réunion plénière qui a réuni les 184 gouvernements : «nous n’aurons pas de traité sur la pollution plastique ici à Genève».
Au cours des dernières 24 heures, le président des négociations, l’Equatorien Luis Vayas Valdivieso, avait présenté deux versions différentes d’une proposition de compromis. La dernière avait été transmise dans la nuit du 14 au 15 août, dans une ambiance fiévreuse et inquiète. Mais les chef·fes de délégation réuni·es en session exceptionnelle à l’aube ne se sont pas accordé·es sur cette dernière version, en dépit d’une sensible évolution dans la formulation.
Ce texte, qui comportait encore plus d’une centaine de points à clarifier, constituait une «base acceptable de négociation», avaient indiqué deux sources gouvernementales distinctes juste après la mise en ligne du texte sur le site onusien des négociations. Mais en séance, il n’a pas fait consensus, comme l’ont signalé les représentants de l’Arabie Saoudite, de l’Inde et de l’Uruguay.
Beaucoup de délégué·es ont fait part de leur déception ; la représentante de Fiji a estimé que cet échec «affaibli[ssait] le multilatéralisme». «Je suis déçue car une poignée de pays, guidés par des intérêts financiers de court terme et non par la santé de leurs populations et la durabilité de leur économie, ont bloqué l’adoption d’un traité ambitieux contre la pollution plastique», a regretté la ministre française de la Transition énergétique, Agnès Pannier Runacher.
Des négociations freinées par les pays producteurs de pétrole
Tout au long du processus, une guerre de tranchées a opposé deux camps qui semblaient irréconciliables. Les «ambitieux», dont l’Union européenne, le Canada, l’Australie, beaucoup de pays d’Amérique latine, d’Afrique et d’îles, qui voulaient réduire la production mondiale de plastique et contrôler les molécules les plus préoccupantes pour la santé, afin de réduire la pollution. En face : des pays essentiellement pétroliers qui refusaient toute contrainte sur la production d’hydrocarbures à la base de l’industrie plastique et toute interdiction de molécules ou additifs dangereux.
Ces pays ne supportaient pas que la négociation soit basée sur «toute la durée de vie» du plastique, c’est-à-dire depuis la substance dérivée du pétrole jusqu’à son état de déchet. Ils ont mené une guerre de pilonnage pour obtenir le changement de la portée du texte du traité, qui avait été fixée en 2022 lors de l’assemblée générale Environnement des Nations Unies.
La Chine, premier producteur mondial de plastique, avait au début des négociations signé des documents avec ce groupe, mais est restée relativement discrète durant tout le processus.
Vers de nouvelles négociations ?
Sous l’œil des représentant·es des industries pétrochimiques présent·es dans les couloirs, les pays avaient déjà échoué à produire un texte commun lors de la dernière séquence de négociations, à Busan en Corée du Sud fin 2024.
Le sujet est d’autant plus important que la planète a produit plus de plastique depuis 2000 que durant les 50 années précédentes, en majorité des produits à usage unique et des emballages. Et la tendance s’accélère : la production mondiale de plastique, d’environ 460 millions de tonnes par an (l’équivalent du poids total de l’humanité), devrait tripler d’ici 2060, selon les prévisions de l’OCDE. Moins de 10% est recyclé.
Les négociations pour un traité contre la pollution plastique pourraient reprendre ultérieurement. Interrogé par Vert, Jules Vagner, d’Objectif Zéro Plastique, appelle Emmanuel Macron à se saisir de la question, et garder le «leadership fort» que la France a eu pendant ces négociations. Selon lui, il s’agit «d’une opportunité pour organiser une conférence diplomatique entre 120 pays ou plus qui veulent avancer en laissant honteux ceux qui polluent notre monde et notre avenir.»
La Commissaire européenne à l’Environnement, Jessika Roswal a estimé en que le travail mené pendant ces dix jours représentait une bonne base pour une reprise des négociations. Certains membres ont demandé, au contraire, que les textes non retenus ne soient pas joints à une éventuelle nouvelle session.
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