Vert au carré

Musk, Zuckerberg… les géants de la tech détruisent le réel : la chronique de Loup Espargilière dans la Terre au carré

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La tech au carré. Cette semaine, le rédacteur en chef de Vert revient sur le soutien de certains patrons de la tech à Donald Trump. Cliquez ici pour (ré)écouter cette chronique, diffusée sur France inter mercredi 15 janvier 2025.

Mathieu Vidard : Loup, vous en faites une tête, qu’est-ce qui vous arrive ?

Eh bien écoutez, je suis comme vous : je suis encore sidéré par l’annonce de la disparition, à seulement 40 ans, de Mark Zuckerberg, patron de Facebook et Instagram. En plus, une mort assez surprenante : dans un accident de jiujitsu brésilien, alors qu’il venait juste de dire qu’il voulait plus d’«énergie masculine» dans son entreprise. Pourquoi vous me faites des grands gestes comme ça, Mathieu ? Il est encore vivant ? Vous êtes sûr ? Parce que, moi, j’ai lu ça sur Facebook, c’était écrit noir sur blanc ! Bon, OK, peut-être.

Par contre, ce qui est bien vrai, c’est que Mark Zuckerberg vient d’annoncer la suppression de son programme de fact checking sur Facebook et Instagram aux États-Unis (notre article). Depuis 2016, Meta, la maison mère, travaille avec des dizaines d’entreprises spécialisées du monde entier, qui publient des «vérifications» sous les posts faux ou trompeurs, les plus problématiques.

📻 Vert est sur France inter ! Tous les mercredis à 14h50, retrouvez une nouvelle chronique d’actualité de nos journalistes Loup Espargilière et Juliette Quef en direct dans la Terre au carré.

Eh bien, Mark Zuckerberg estime qu’elles sont coupables de «censurer» certains contenus, parce que, pour vous la faire courte, elles seraient un peu trop woke. L’entreprise qui opère dans le plus grand nombre de pays, dont les États-Unis, c’est… l’Agence France-Presse. Là, on parle bien de l’extrême – extrême – gauche.

Et comment ont réagi ces entreprises ?

Dans une lettre ouverte à Zuckerberg, le Réseau international de fact checking a rappelé que c’est bien Meta, et non elles, qui avait le pouvoir de supprimer ou non des publications, et donc d’exercer cette «censure».

Mark Zuckerberg veut remplacer ce travail professionnel par des «notes de la communauté», épinglées sur les posts soumis à débat. Une méthode déjà appliquée sur le réseau social X, qui n’a pas encore fait ses preuves. Pour l’heure, on ne sait pas encore quelle politique Meta compte appliquer en Europe ou ailleurs.

Pourquoi ce revirement soudain du patron de Meta ?

Jusqu’à récemment, Donald Trump espérait que Mark Zuckerberg passerait «le reste de sa vie en prison», parce qu’il aurait «comploté» contre sa réélection en 2020, et qu’il a supprimé son compte Facebook après le coup d’État raté de janvier 2021. Pour sauver sa peau, le patron de Meta a viré gros bonhomme viril en quelques jours à peine et il multiplie les preuves d’allégeance au futur re-président.

Autre dinguerie : depuis ce weekend, sur Facebook et Instagram, il n’est officiellement plus interdit de comparer les personnes noires à du «matériel agricole», les femmes à des objets ou l’homosexualité à une maladie mentale.

Les géants de la Silicon Valley opèrent une bascule trumpiste à un rythme stupéfiant : Mark Zuckerberg, mais aussi Sam Altman, le patron d’Open AI, et Jeff Bezos (propriétaire d’Amazon et du Washington Post) vont tous les trois financer la cérémonie d’investiture de Donald Trump, lundi prochain.

Et qu’est-ce que ça implique pour l’écologie ?

C’est l’une des composantes du fascisme : Donald Trump s’ingénie à détruire le réel, avec ses faits alternatifs, ses théories du complot et autres attaques personnelles contre ses ennemi·es – journalistes et scientifiques au premier chef.

Son lieutenant, Elon Musk, a déjà transformé son réseau social X en machine à désinformer sur tous les sujets, dont le climat. D’ailleurs, il a multiplié les mensonges sur les incendies à Los Angeles et expliqué, entre autres, que la «cause principale» n’était pas le changement climatique, mais la politique de diversité et d’inclusion. Pourquoi ? Kristin Crowley, la cheffe des pompiers de Los Angeles, est une femme homosexuelle.

Il est difficile de déterminer avec précision l’influence des réseaux sociaux sur le débat public, mais avec leurs milliards d’utilisateur·ices dans le monde, on sait qu’elle est énorme.

Laisser sciemment se propager les fausses informations et les attaques haineuses, c’est la garantie de mettre à sac le débat démocratique, au moment où l’humanité doit prendre des décisions vitales pour son avenir.

L’Europe est pour l’instant restée muette face à cette brutale accélération de l’histoire. Elle est face à un choix immense : faire preuve d’unité et de courage, et se battre pour la démocratie, ou en donner définitivement les clefs au marché.

Et si elle fait ce second choix, je viendrai vous annoncer la mort d’Elon Musk dans deux semaines.

Photo de couverture : Anthony Quintano

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