Ce qu’il faut retenir
→ La France vient de se doter d’un troisième Plan national d’adaptation au changement climatique, censé préparer la société à un réchauffement de +4 degrés d’ici la fin du siècle – soit la trajectoire actuelle du pays.
→ Le texte comprend 52 mesures pour préparer la population, protéger le patrimoine et assurer l’habitabilité des territoires malgré le réchauffement climatique et les événements extrêmes.
→ Plusieurs associations déplorent encore un manque d’ambition et de moyens accordés à ces mesures pour une adaptation réussie aux impacts du changement climatique.
«Il n’y a pas d’endroit sur notre territoire qui ne soit pas concerné par le changement climatique, pas un Français qui ne soit pas directement ou indirectement menacé», a martelé Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, ce lundi. Plus de deux ans après son lancement, le troisième Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc), censé préparer la France aux conséquences du dérèglement du climat, a enfin été finalisé et présenté. Il avait été initié début 2023 par Christophe Béchu, alors ministre de l’écologie, puis retardé plusieurs fois à cause de l’instabilité politique de ces derniers mois (notre article).
Le plan se base sur une trajectoire de réchauffement de référence (appelée «Tracc») afin d’anticiper une vie à +4°C en 2100 par rapport à l’ère préindustrielle (milieu du 19ème siècle). Un seuil qui n’a pas été choisi au hasard puisque c’est la trajectoire vers laquelle nous nous dirigeons actuellement en France. Elle a été établie avec les données du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec), en prenant en compte les politiques actuelles de lutte contre le changement climatique et les engagements à venir.
Des financements et une action «territorialisée»
En 52 mesures, le plan décline l’action de l’État pour accompagner la population, permettre la résilience des territoires et protéger le patrimoine naturel et culturel de la France. La plupart des mesures n’ont pas bougé depuis la première mouture du plan.
C’est notamment le cas du renforcement du fonds Barnier (qui finance la prévention des risques naturels et améliore la sécurité des personnes et des biens face aux incendies, inondations, submersions marines), abondé de 75 millions d’euros supplémentaires dès 2025. Pour rappel, les premières versions temporaires du Pnacc envisageaient une enveloppe de 150 millions d’euros. Toujours sur la question financière, près d’un milliard d’euros seront mobilisés par les Agences de l’eau pour l’adaptation, dont 40% sur les solutions fondées sur la nature (comme l’utilisation des mangroves pour lutter contre l’érosion côtière, par exemple). Enfin, 30 millions d’euros seront consacrés à la question du retrait-gonflement d’argiles (mouvements des sols argileux qui fragilisent et fissurent des habitations) – quelque 11 millions de maisons sont actuellement situées dans des zones à risque.

Axe majeur du plan depuis sa première version, la territorialisation des mesures reste la priorité du gouvernement, a confirmé Agnès Pannier-Runacher ce lundi. L’objectif est simple : ne pas imposer des politiques inadaptées dans certaines régions. Pour cela, la ministre a annoncé une déclinaison du plan sur trois types de territoires à enjeux spécifiques, à savoir le littoral, la montagne et la forêt, en concertation avec les collectivités locales. Une déclinaison particulière est aussi attendue sur la question de l’agriculture. Agnès Pannier-Runacher appelle de ses vœux une amélioration des connaissances sur l’impact du changement climatique sur le secteur agricole et un renforcement des formations en conséquence.
Réserves citoyennes et fortes chaleurs
Parmi les nouveautés ou les évolutions depuis la première version du texte, on compte également l’ouverture d’une mission pour mettre en place des réserves citoyennes (des volontaires mobilisables en cas d’urgence) à déployer lors d’événements climatiques majeurs pour mobiliser la population et transmettre une culture du risque.
Le plan promet un renforcement des mesures pour adapter les logements aux fortes chaleurs, et pas seulement au froid. Cela faisait partie des sujets identifiés lors de la consultation publique comme étant trop peu développés dans la première version du texte. Un travail devrait être lancé pour éventuellement intégrer des gestes de rénovation de confort d’été dans le dispositif MaPrimeRénov’, mais rien n’est encore fixé.
La ministre a également annoncé le début d’un travail pour donner une valeur juridique à la trajectoire de réchauffement de référence (les +4 degrés) – qui est aujourd’hui utilisée seulement à titre indicatif. Cela faisait partie de nombreuses doléances des acteurs du secteur qui avaient répondu à la consultation publique fin 2024. «Je souhaite que cette trajectoire devienne une référence dans les textes d’urbanisme à chaque renouvellement à partir de 2027», a indiqué Agnès Pannier-Runacher, précisant qu’un travail auprès des élu·es locaux·les devrait aboutir d’ici la fin de l’année.
«Il sera vain sans moyens financiers adéquats»
Les réponses apportées par le gouvernement n’ont pas semblé répondre aux critiques formulées par plusieurs organisations, qui déploraient de sérieux manques de moyens dans la première mouture du plan (notre article). «Le Pnacc fixe un cap pour une adaptation de la France à un climat qui change et propose des outils de diagnostic. Mais il sera vain sans moyens financiers adéquats, en particulier pour les plus vulnérables et pour les collectivités», a jugé Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau action climat (RAC), qui représente près de trente associations écologistes. «Le gouvernement présente un plan qui fait le constat de notre inadaptation mais ne se donne pas de moyens pour l’éviter», a réagi Jean Burkard, directeur du plaidoyer de WWF France.
Comme lors de la phase de consultation publique, l’association Oxfam a dénoncé «une nouvelle occasion manquée». Le plan «reste inopérant, car dépourvu de gouvernance adaptée et de moyens budgétaires pour sa mise en œuvre», a-t-elle détaillé. «C’est non seulement incohérent, mais aussi inefficace, car l’inaction coûtera bien plus cher que l’adaptation et chaque jour de retard pris dans le financement des mesures urgentes fait mathématiquement augmenter la note finale», a tancé Robin Ehl, chargé de campagne et de plaidoyer «Adaptation juste» pour Oxfam.
Le plan «reste plutôt orienté vers le court terme» et «reprend ou renforce les politiques sectorielles existantes» plutôt que d’engager des transformations à long terme, a analysé Adèle Tanguy, chercheuse spécialisée dans les politiques d’adaptation pour l’Institut du développement durable et des relations internationales (Iddri).
Agnès Pannier-Runarcher a promis que chaque action serait assortie d’«indicateurs précis» pour s’assurer que le plan «ne se cantonne pas à égrener des mesures» et pour suivre ses résultats. De quoi vérifier si, à terme, il est suffisant pour adapter la France à une vie à +4°C.
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