Barnier percé. En visite dans le Rhône, département sinistré par les inondations mi-octobre, le premier ministre Michel Barnier a enfin présenté, ce vendredi, la stratégie de la France pour s’adapter à un réchauffement de +4 degrés d’ici à la fin du siècle. Les points à retenir.
Pourquoi +4 degrés d’ici 2100 ?
Ce chiffre correspond au réchauffement que connaîtrait la France si la température moyenne mondiale s’élevait de +3°C par rapport à l’ère préindustrielle (le milieu du 19ème siècle). Ce scénario, sur lequel se base le gouvernement, considère que la hausse des températures moyennes dans l’Hexagone atteindra +2°C dès 2030 et +2,7°C en 2050. La semaine dernière, le Programme des nations unies a calculé que les politiques actuelles de réduction des émissions de gaz à effet de serre plaçaient le monde sur une trajectoire de réchauffement pouvant atteindre +3,1°C en 2100.
Un plan publié avec un an de retard
Les travaux pour la troisième mouture du Plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) ont été lancés en 2023 par le ministre de l’Écologie de l’époque, Christophe Béchu. Le texte devait initialement être présenté fin 2023, avant d’être repoussé au printemps 2024, puis télescopé par l’actualité politique chargée (les élections européennes, la dissolution, puis l’absence de gouvernement tout l’été). C’est donc Michel Barnier, nommé premier ministre début septembre, qui s’en est emparé à nouveau pour le présenter le 25 octobre.
5 axes et 51 mesures pour s’adapter
Le plan avance une mesure clé : le renforcement de 75 millions d’euros dès 2025 du fonds Barnier, qui finance la prévention des risques naturels et améliore la sécurité des personnes et des biens face aux incendies, inondations, submersions marines, etc. «Une goutte d’eau comparée aux montants nécessaires», déplore Anne Bringault, directrice des programmes du Réseau action climat (RAC), qui recense près de trente associations écologistes. Les précédentes versions du plan, consultées par plusieurs médias ces derniers mois, envisageaient une enveloppe de 150 millions d’euros au sein d’un nouveau «fonds adaptation».
Le Pnacc prévoit une cartographie précise de l’exposition aux risques naturels dès 2027, avec un intérêt particulier pour les établissements de santé et les infrastructures de transport et de sécurité. De quoi territorialiser l’adaptation selon les besoins des différentes régions. Une attention particulière sera portée à l’adaptation du patrimoine français, dont de nombreux sites, d’ores et déjà touchés par le changement climatique, seront accompagnés pour limiter leur vulnérabilité.
Le gouvernement promet également des mesures de prévention en faveur des travailleur·ses exposé·es aux fortes chaleurs (aménagement des horaires, adaptation des tenues ou conditions de travail, etc.). Enfin, l’exécutif s’engage à travailler avec les assureurs pour «maintenir une offre assurantielle abordable» sur l’ensemble du territoire et ne pas délaisser les habitant·es des zones les plus à risques – par exemple, vivant dans des régions soumises à la submersion marine.
Une consultation en ligne a été ouverte le 25 octobre pour deux mois, pour permettre aux citoyen·nes d’exprimer leur avis sur ce nouveau plan d’adaptation.
Un manque criant de moyens
Si plusieurs observateur·ices jugent ce travail intéressant, l’absence de moyens pour une mise en œuvre concrète de ces ambitions est largement pointée du doigt.
«Le Pnacc montre la voie d’une adaptation de la France à un climat qui change, mais il évoque beaucoup d’études, de diagnostics, de plans, et peu de moyens concrets», juge Anne Bringault. «Plus qu’attendu, il était vital. […] Mais ce plan est hélas très représentatif des politiques climatiques de ces dernières années : il ne prévoit ni chef de file, ni financements. Sans tête et sans jambes, le Pnacc ne pourra jamais se déployer», abonde Jean Burkard, directeur du plaidoyer au World wildlife fund (WWF) France. Un constat peu étonnant, dans un contexte budgétaire très contraint, et où l’adaptation au changement climatique ne tient pas pour priorité.