Discours toujours. Le Premier ministre a présenté mardi sa feuille de route politique pour les mois à venir. Après quelques formules incantatoires sur la gravité de la crise écologique, il a enchaîné les contradictions et ouvert la voie à des reculs environnementaux.
Pour sa déclaration de politique générale, Michel Barnier avait promis de «dire la vérité» sur la dette écologique du pays. Il laisse finalement la désagréable sensation d’avoir trahi par omission. «On est plus inquiets maintenant qu’avant», résume ainsi Anne Bringault, porte-parole du Réseau action climat, qui fédère plusieurs dizaines d’associations.
Mentionnée dès les premières minutes de son discours d’une heure trente, l’écologie a d’abord inspiré au Premier ministre des citations sages et profondes — «Nous n’héritons pas la Terre de nos parents, nous l’empruntons à nos enfants» (Antoine de Saint-Exupéry), «il ne faut jamais sacrifier l’avenir au présent» (Pierre Mendès France). Surtout, Michel Barnier s’est fixé comme exigence première «la réduction de notre double dette budgétaire et écologique». «L’épée de Damoclès est là sur la tête des Français, a‑t-il déclaré. Faute de courage maintenant, cette épée pèsera beaucoup plus lourdement demain sur nos enfants.» Soit.
Faire plus avec moins
«La suite n’est que contradictions», désespère Anne Bringault. Tout en martelant que «nous pouvons et nous devons faire plus pour lutter contre le changement climatique», le Premier ministre n’a pas levé les inquiétudes sur la baisse des moyens alloués à la transition écologique en 2025. Réduire le déficit public (qui franchira les 6% en 2024) passera avant tout par la réduction des dépenses, a martelé Michel Barnier. «La mise en place d’une participation des grandes entreprises et des plus fortunés est une bonne nouvelle, mais on ne sait pas si ces ressources seront fléchées vers la transition», pointe Anne Bringault.
Pire, en cinq minutes consacrées au climat, le Premier ministre a finalement instillé l’inquiétude chez les défenseur·ses de l’environnement. D’abord en stigmatisant les éoliennes, atout précieux de la transition énergétique mais bête noire de l’extrême droite. Il prévoit ainsi de «mesurer mieux tous leurs impacts». En revanche, il entend pousser sans sourciller «la filière française des biocarburants pour l’aviation» malgré des impacts très controversés et un apport limité à la décarbonation de l’aérien.
Reculer pour mieux sauter ?
Au prétexte de «revitaliser la construction de logements», le Premier ministre promet de faire «évoluer» la réglementation Zéro artificialisation nette (ZAN), qui vise à limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers. «On sait pourtant qu’il existe des leviers pour construire de nouveaux logements sans artificialiser de nouvelles terres», signale Anne Bringault. Un nouveau gage à la droite et à l’extrême droite, vent debout contre cette mesure issue de la Convention citoyenne pour le climat.
Enfin, sur la rénovation énergétique des bâtiments, qui a déjà subi les reculades du précédent gouvernement, Michel Barnier a aussi semé le doute. «Nous allons mieux cibler l’accompagnement des particuliers et des entreprises. En attendant, le diagnostic de performance énergétique sera simplifié et son calendrier sera adapté». Même masquée, il semble que l’interdiction (progressive) de louer des passoires thermiques soit dans son viseur. Les (riches) propriétaires-bailleurs apprécieront.
Au final, l’annonce de la reprise «immédiate» des travaux de planification écologique reste le rare motif de satisfaction. Pour rappel, alors que les pays de l’Union européenne se sont collectivement entendus dès avril 2021 pour rehausser leurs objectifs climatiques, la France est en rade et n’a toujours rien ancré dans sa loi. Des feuilles de routes cruciales comme la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC) ou la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’ont pas été révisées depuis plus de cinq ans.
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