À Barnier avec précaution. Agnès Pannier-Runacher, Catherine Vautrin, Annie Genevard… Vert s’est penché sur les huit profils à qui reviennent la lourde tâche de mettre en œuvre une transition écologique et sociale.
· Agnès Pannier-Runacher, macroniste de la première heure et nouvelle ministre de l’Écologie
Après avoir été ministre déléguée à l’Industrie ou à l’Agriculture, et ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher obtient le portefeuille de la Transition écologique, de l’Énergie, du Climat et de la Prévention des risques. Un intitulé à rallonge qui masque le fait que son ministère perd les compétences des Transports, de la Mer ou de la Forêt.
Énarque au profil très «techno», elle a fait de nombreux aller-retours entre public (Inspection générale des finances, Caisse des dépôts) et privé, avant de rejoindre les soutiens d’Emmanuel Macron en 2016. Son parcours personnel et professionnel l’a placée dans de nombreuses situations de conflits d’intérêts potentiels : son père a dirigé Perenco, le deuxième plus grand pétrolier français ; ses enfants détiennent des parts dans une société familiale elle-même enchevêtrée dans Perenco (Disclose) ; son ex-conjoint était cadre chez Engie.
Active dans la politique de relance du nucléaire, elle a aussi fait adopter une loi sur le développement des renouvelables en 2023. Elle préfère travailler à décarboner l’industrie et proposer une «écologie des solutions» plutôt qu’une «écologie des interdits». La réduction du périmètre de son ministère laisse craindre que celui-ci ne soit cantonné aux sujets énergétiques.
· Annie Genevard, une élue proche du monde rural et d’une agriculture productiviste
À 68 ans, la députée Les Républicains (LR) du Doubs, ancienne proche de François Fillon et maire (2002–2017) de Morteau, commune rurale jurassienne réputée pour sa saucisse, prend la suite du centriste Marc Fesneau à la tête de ministère de l’Agriculture, de la Souveraineté alimentaire et de la Forêt. Ancienne professeure de lettres classiques, cette figure de l’aile conservatrice de LR qui «se voyait bien» à l’Éducation, devra au final faire redémarrer l’imposant chantier de la grande loi d’orientation agricole, stoppé par la dissolution de l’Assemblée nationale le 9 juin dernier.
Co-autrice du livre blanc de LR sur l’agriculture, paru en janvier 2024, elle y soutient une vision de l’agriculture basée sur «la liberté d’entreprendre» et sur laquelle pèseraient «moins de normes», proche de celle du syndicat majoritaire agricole FNSEA. Ce dernier s’est d’ailleurs félicité, samedi, de sa nomination.
· Catherine Vautrin, une conservatrice chargée de retisser le lien avec les territoires
Désormais numéro 3 dans l’ordre protocolaire, l’ancienne ministre du Travail, de la Santé et des Solidarités de 64 ans prend les commandes d’un ministère du Partenariat avec les territoires et de la Décentralisation. Ex-LR très conservatrice, l’ancienne députée de la Marne a participé aux gouvernements Raffarin et Villepin, et s’est opposée au mariage pour tous avant de rallier le parti d’Emmanuel Macron en 2022.
Chargée d’approfondir la décentralisation, elle devra naviguer dans un contexte de défiance des collectivités territoriales envers l’Etat et de probables coupes budgétaires. Trois ministres délégué·es lui sont rattaché·es : Françoise Gatel à la Ruralité, au Commerce et à l’Artisanat ; Fabrice Loher à la Mer et la Pêche, et François Durovray aux Transports.
· Marie-Agnès Poussier-Winsback, le comeback de l’Economie sociale et solidaire au gouvernement
À 57 ans, Marie-Agnès Poussier-Winsback devient ministre déléguée chargée de l’Économie sociale et solidaire, de l’Intéressement et de la Participation. Députée de la 9ème circonscription de Seine-Maritime depuis 2022, elle a été maire de Fécamp (Seine-Maritime) de 2014 à 2022 et conseillère régionale de Normandie. Après avoir quitté les Républicains en 2021 pour Horizons, le parti d’Édouard Philippe, elle s’est fait remarquer comme rapporteuse de la proposition de loi sur la revalorisation du métier de secrétaire de mairie.
Alors que l’Economie sociale et solidaire (ESS) représente 15% de l’emploi privé et un million d’entreprises en France, le secteur retrouve un ministère dédié dans ce nouveau gouvernement, sous l’égide du ministère de l’Économie et des Finances — ainsi que l’avait demandé l’association ESS France.
· François Durovray, un spécialiste des mobilités péri-urbaines aux Transports
Élu Les Républicains depuis 2001 et président du conseil départemental de l’Essonne, ce proche de Xavier Bertrand est un fin connaisseur des transports puisqu’il est notamment administrateur d’Ile-de-France Mobilités depuis 2010. Celui qui a échoué à se faire élire député en juillet dernier, dit au Parisien vouloir trouver des solutions pour «les trajets longs du quotidien et un nouveau mode de financement des infrastructures». Désormais ministre à 53 ans, François Durovray prévoit de continuer à présider l’Essonne. Les Transports ont quitté le giron de l’Ecologie pour être rattachés au nouveau ministère de la Décentralisation de Catherine Vautrin.
· Valérie Létard, une ministre de plein exercice pour le Logement
A 61 ans, la centrise (UDI) et ancienne députée de la 21ème circonscription du Nord connaît bien ses futurs dossiers puisqu’elle a été l’adjointe chargée de la politique de la ville auprès de l’ancien maire de Valenciennes (Nord) Jean-Louis Borloo. En tant que sénatrice, elle a également siégé au conseil d’administration de l’Agence du Renouvellement urbain (Anru) et s’est impliquée sur la législation du Zéro artificialisation nette (ZAN), qui vise à limiter l’urbanisation des terres agricoles et zones naturelles. Parmi les sujets urgents qu’elle devra traiter : la hausse des demandes de logement social et l’accélération nécessaire de la rénovation énergétique des bâtiments.
· Olga Givernet, ministre déléguée à l’Énergie très favorable au nucléaire
Celle qui a fait carrière dans le secteur de l’aéronautique et l’aménagement des jets privés à Genève, est désormais ministre déléguée chargée de l’Énergie, attachée au ministère de la Transition écologique. Âgée de 42 ans, l’ancienne députée macroniste de l’Ain est connue pour son enthousiasme pour le nucléaire, autant pour la construction de deux nouveaux réacteurs à grande puissance dans son ancienne circonscription que pour son soutien au développement de miniréacteurs «innovants». Si elle s’est également positionnée plusieurs fois à l’Assemblée nationale pour dire l’importance d’«électrifier le parc automobile français», elle a, pour l’instant, été peu entendue sur le développement des énergies renouvelables.
· Fabrice Loher, ministre délégué chargé de la mer et défenseur de la pêche
Le maire de Lorient (Morbihan) élu avec le soutien des Républicains, Fabrice Loher (57 ans) est aussi l’ancien président de ce port de pêche et un ardent défenseur du secteur, parfois fâché avec les ONG écologistes. Il s’était ainsi opposé à l’interdiction de la pêche en hiver dans le golfe de Gascogne qui visait à protéger les dauphins de captures accidentelles (notre article). Claire Nouvian, fondatrice de l’ONG Bloom de défense des fonds marins, a regretté sur X la nomination d’un «lobby lorientais pour défendre la méthode de pêche la plus climaticide qui soit : le chalutage». À l’agenda de Fabrice Loher, désormais ministre délégué chargé de la Mer : l’éolien en mer, le prix du gazole pour les pêcheurs, ou encore le sommet mondial sur l’Océan en juin 2025. Il a, pour l’instant, prévu de conserver ses mandats à l’agglomération et à la ville de Lorient.