Décryptage

Le gouvernement Barnier sera-t-il à la hauteur sur l’écologie ? Les quatre dossiers crash test qui le diront

Barnier percé. Ministères mutilés voire supprimés, politiques au CV douteux… Pour l’instant, le gouvernement Barnier n’inspire rien qui vaille en matière d’écologie. Mais puisque ce sont les actes qui permettront d’en avoir le cœur net, voici les quatre prochains gros dossiers à surveiller.
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Les asso­ci­a­tions écol­o­gistes n’en mènent pas large depuis la nom­i­na­tion, same­di, de la nou­velle équipe gou­verne­men­tale (voir leurs réac­tions ici, ou ). Et pour cause : les min­istres au cast­ing sont pour la plu­part indifférent·es à la ques­tion, le min­istère de la Tran­si­tion écologique a été démem­bré, la bio­di­ver­sité n’a même plus de porte­feuille et le Secré­tari­at général à la plan­i­fi­ca­tion énergé­tique (SGPE) a été délogé de Matignon où il exerçait autre­fois son influ­ence (notre récap).

Par­mi les mai­gres notes d’espoir : le Pre­mier min­istre, Michel Barnier, sem­ble tou­jours s’intéresser aux sujets envi­ron­nemen­taux (notre arti­cle). Dès sa prise de pou­voir, il a d’ailleurs promis de dire la vérité sur «la dette finan­cière et la dette écologique». Et il a choisi de con­serv­er la «plan­i­fi­ca­tion écologique et énergé­tique» par­mi ses prérog­a­tives.

Pour véri­fi­er si le nou­veau gou­verne­ment se hissera (ou pas) à la hau­teur des enjeux cli­ma­tiques et écologiques, les asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales ont repéré plusieurs moments de vérité à venir.

Discours de politique générale : (re)parlera-t-on d’écologie ?

Prévu le 1er octo­bre prochain devant les député·es, le dis­cours de poli­tique générale de Michel Barnier con­stituera un pre­mier crash test. Le Pre­mier min­istre devra expos­er ses pri­or­ités et les prin­ci­pales mesures qu’il veut met­tre en oeu­vre. Osera-t-il dévelop­per son point de vue sur la dette écologique, sans crain­dre d’être des­ti­tué par la puis­sante délé­ga­tion RN à l’Assemblée, alors que la gauche a déjà promis la cen­sure ? Selon plusieurs médias, le Pre­mier min­istre compte bien par­ler d’écologie mais reste à savoir avec quel niveau d’engagement. Son prédécesseur, Gabriel Attal, était resté très suc­cinct sur le sujet, présageant la suite de son man­dat.

Michel Barnier, suivi d’Annie Genevard, François Durovray et Valérie Létard, le 23 sep­tem­bre 2024 à Paris. © Amau­ry Cor­nu / Hans Lucas / AFP

Budget 2025 : viser la thune

Le vote du bud­get sera décisif. Si la poli­tique menée est cohérente avec les pré­con­i­sa­tions de plusieurs rap­ports com­mandés par l’État lui-même, les investisse­ments dans la tran­si­tion écologique devraient aug­menter dras­tique­ment. Pour rap­pel, le rap­port sur les coûts de la tran­si­tion com­mandé par l’ex-Première min­istre aux écon­o­mistes Jean Pisani-Fer­ry et Sel­ma Mah­fouz estime que les dépens­es publiques en faveur du cli­mat devraient s’accroître entre 25 et 34 mil­liards d’euros par an d’ici à 2030.

Or, ces derniers mois, le gou­verne­ment démis­sion­naire a enchaîné les coupes budgé­taires (notre arti­cle). L’ébauche de bud­get révélé par le média Con­texte mon­tre que c’est encore l’écologie qui passera à la caisse en 2025 : moins 1 mil­liard d’euros pour les aides à la réno­va­tion énergé­tique (MaPrimeRénov’), moins 500 mil­lions pour le verdisse­ment du parc auto­mo­bile (leas­ing social, aides à l’achat), moins 35% de bud­get pour l’Agence de la tran­si­tion écologique (Ademe) ou moins 65% pour la tran­si­tion écologique des col­lec­tiv­ités («fonds vert»).

Revenir sur ces «coupes budgé­taires inco­hérentes» est impératif selon le Réseau Action cli­mat, qui réu­nit plusieurs dizaines d’associations. Le directeur général de Green­peace France, Jean-François Jul­liard, va plus loin : «Sans bris­er le tabou de la tax­a­tion des plus rich­es et des multi­na­tionales pour financer les urgences écologiques et sociales, ce gou­verne­ment n’aura aucune crédi­bil­ité ni aucune marge de manœu­vre».

Quels objectifs pour le climat, l’énergie et le vivant ?

La fix­a­tion de nou­veaux objec­tifs en matière de tran­si­tion écologique sera un mar­queur décisif. Alors que les pays de l’Union européenne se sont col­lec­tive­ment enten­dus dès avril 2021 pour rehauss­er leurs objec­tifs cli­ma­tiques, la France est en rade et n’a tou­jours rien ancré dans sa loi. Des feuilles de routes cru­ciales comme la Stratégie nationale bas car­bone (SNBC) ou la Pro­gram­ma­tion pluri­an­nuelle de l’énergie (PPE) n’ont pas été révisées depuis plus de cinq ans. Or, elle doivent met­tre le pays sur la voie de la neu­tral­ité car­bone, soit ne plus émet­tre davan­tage de gaz à effet de serre que ce que la nature et la tech­nolo­gie ne sont capa­bles d’absorber. En avril dernier, le gou­verne­ment démis­sion­naire a tout bon­nement enter­ré le pro­jet de loi énergie-cli­mat cen­sé fix­er un nou­veau cap à 2030, par peur de s’enliser au Par­lement. La nou­velle équipe mon­tr­era-t-elle davan­tage de courage ?

Quel traitement des mobilisations écologistes ?

Les prochaines mobil­i­sa­tions sociales et écologiques seront un ultime crash test pour l’équipe de Michel Barnier. Dif­fi­cile, en effet, d’imaginer qu’un gou­verne­ment à la hau­teur de l’urgence écologique con­tin­ue de crim­i­nalis­er les défenseurs de l’environnement, comme ce fut le cas ces derniers mois. L’ex-ministre de l’Intérieur, Gérald Dar­manin, avait sor­ti l’artillerie lourde pour intimider les «éco-ter­ror­istes» : armes de guerre et ten­ta­tive de dis­so­lu­tion con­tre les Soulève­ments de la terre, arresta­tions par la police anti-ter­ror­iste, etc. Qu’en sera-t-il de son suc­cesseur, Bruno Retail­leau ? Entre deux sor­ties xéno­phobes, il avait lui aus­si trou­vé le temps de réclamer la dis­so­lu­tion des Soulève­ments de la Terre, esti­mant même que «les élus irre­spon­s­ables qui paradent auprès [de ces] délin­quants» devraient être sus­pendus de leurs fonc­tions. Voilà qui com­mence bien…