Les associations écologistes n’en mènent pas large depuis la nomination, samedi, de la nouvelle équipe gouvernementale (voir leurs réactions ici, là ou là). Et pour cause : les ministres au casting sont pour la plupart indifférent·es à la question, le ministère de la Transition écologique a été démembré, la biodiversité n’a même plus de portefeuille et le Secrétariat général à la planification énergétique (SGPE) a été délogé de Matignon où il exerçait autrefois son influence (notre récap).
Parmi les maigres notes d’espoir : le Premier ministre, Michel Barnier, semble toujours s’intéresser aux sujets environnementaux (notre article). Dès sa prise de pouvoir, il a d’ailleurs promis de dire la vérité sur «la dette financière et la dette écologique». Et il a choisi de conserver la «planification écologique et énergétique» parmi ses prérogatives.
Pour vérifier si le nouveau gouvernement se hissera (ou pas) à la hauteur des enjeux climatiques et écologiques, les associations environnementales ont repéré plusieurs moments de vérité à venir.
Discours de politique générale : (re)parlera-t-on d’écologie ?
Prévu le 1er octobre prochain devant les député·es, le discours de politique générale de Michel Barnier constituera un premier crash test. Le Premier ministre devra exposer ses priorités et les principales mesures qu’il veut mettre en oeuvre. Osera-t-il développer son point de vue sur la dette écologique, sans craindre d’être destitué par la puissante délégation RN à l’Assemblée, alors que la gauche a déjà promis la censure ? Selon plusieurs médias, le Premier ministre compte bien parler d’écologie mais reste à savoir avec quel niveau d’engagement. Son prédécesseur, Gabriel Attal, était resté très succinct sur le sujet, présageant la suite de son mandat.
Budget 2025 : viser la thune
Le vote du budget sera décisif. Si la politique menée est cohérente avec les préconisations de plusieurs rapports commandés par l’État lui-même, les investissements dans la transition écologique devraient augmenter drastiquement. Pour rappel, le rapport sur les coûts de la transition commandé par l’ex-Première ministre aux économistes Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz estime que les dépenses publiques en faveur du climat devraient s’accroître entre 25 et 34 milliards d’euros par an d’ici à 2030.
Or, ces derniers mois, le gouvernement démissionnaire a enchaîné les coupes budgétaires (notre article). L’ébauche de budget révélé par le média Contexte montre que c’est encore l’écologie qui passera à la caisse en 2025 : moins 1 milliard d’euros pour les aides à la rénovation énergétique (MaPrimeRénov’), moins 500 millions pour le verdissement du parc automobile (leasing social, aides à l’achat), moins 35% de budget pour l’Agence de la transition écologique (Ademe) ou moins 65% pour la transition écologique des collectivités («fonds vert»).
Revenir sur ces «coupes budgétaires incohérentes» est impératif selon le Réseau Action climat, qui réunit plusieurs dizaines d’associations. Le directeur général de Greenpeace France, Jean-François Julliard, va plus loin : «Sans briser le tabou de la taxation des plus riches et des multinationales pour financer les urgences écologiques et sociales, ce gouvernement n’aura aucune crédibilité ni aucune marge de manœuvre».
Quels objectifs pour le climat, l’énergie et le vivant ?
La fixation de nouveaux objectifs en matière de transition écologique sera un marqueur décisif. Alors que les pays de l’Union européenne se sont collectivement entendus dès avril 2021 pour rehausser leurs objectifs climatiques, la France est en rade et n’a toujours rien ancré dans sa loi. Des feuilles de routes cruciales comme la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) ou la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) n’ont pas été révisées depuis plus de cinq ans. Or, elle doivent mettre le pays sur la voie de la neutralité carbone, soit ne plus émettre davantage de gaz à effet de serre que ce que la nature et la technologie ne sont capables d’absorber. En avril dernier, le gouvernement démissionnaire a tout bonnement enterré le projet de loi énergie-climat censé fixer un nouveau cap à 2030, par peur de s’enliser au Parlement. La nouvelle équipe montrera-t-elle davantage de courage ?
Quel traitement des mobilisations écologistes ?
Les prochaines mobilisations sociales et écologiques seront un ultime crash test pour l’équipe de Michel Barnier. Difficile, en effet, d’imaginer qu’un gouvernement à la hauteur de l’urgence écologique continue de criminaliser les défenseurs de l’environnement, comme ce fut le cas ces derniers mois. L’ex-ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, avait sorti l’artillerie lourde pour intimider les «éco-terroristes» : armes de guerre et tentative de dissolution contre les Soulèvements de la terre, arrestations par la police anti-terroriste, etc. Qu’en sera-t-il de son successeur, Bruno Retailleau ? Entre deux sorties xénophobes, il avait lui aussi trouvé le temps de réclamer la dissolution des Soulèvements de la Terre, estimant même que «les élus irresponsables qui paradent auprès [de ces] délinquants» devraient être suspendus de leurs fonctions. Voilà qui commence bien…
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Son prédécesseur avait fait si peu de cas de la transition écologique que la nomination à Matignon de Michel Barnier, ancien ministre de l’Environnement au bilan flatteur, avait fait naître un (relatif) espoir chez certains observateurs. Hélas.