Portrait

Michel Barnier nommé Premier ministre : une bonne nouvelle pour l’écologie ?

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Barnier de crabes. Au cours de sa très – très ! – longue car­rière en poli­tique, le nou­veau locataire de Matignon ne s’est jamais mon­tré bien rad­i­cal sur les ques­tions d’environnement. Mais quelques faits d’armes lorsqu’il occu­pait les min­istères de l’Environnement ou de l’Agriculture lui valent aujourd’hui un accueil prudem­ment opti­miste chez cer­tains écol­o­gistes. Pas tous.

Après sept semaines de valse-hési­ta­tion, Emmanuel Macron a finale­ment choisi Michel Barnier, cadre Les Répub­li­cains (LR) de 73 ans, pour ten­ter de gou­vern­er avec une Assem­blée sans majorité. Réputé être un homme de com­pro­mis, expéri­men­té, mais lisse, il a claire­ment été choisi pour son impor­tant savoir-faire plutôt que pour ses engage­ments. Pou­vait-il en être autrement ?

Gabriel Attal et Michel Barnier, jeu­di 5 sep­tem­bre, pen­dant la pas­sa­tion de pou­voir à l’Hô­tel de Matignon. © Stéphane de Sakutin / AFP

Entré en poli­tique il y a plus d’un demi-siè­cle, ce briscard a été par­lemen­taire à Paris, puis à Brux­elles, qua­tre fois min­istres, deux fois com­mis­saire européen et même négo­ci­a­teur du Brex­it. Pas vrai­ment engagé pour une cause ou pour une autre, il aurait tout de même «une fibre envi­ron­nemen­tale indé­ni­able», selon l’avocate engagée pour l’écologie Corinne Lep­age. Celle-ci lui avait suc­cédé en 1995, alors qu’il pas­sait du min­istère de l’Environnement à celui des Affaires européennes, sous Alain Jup­pé. «Il sait de quoi il par­le quand il s’agit d’environnement», assure-t-elle à Vert, cer­taine que ce «gaulliste social» n’oubliera pas de con­cili­er écolo­gie et équité.

Quelques faits d’armes

Min­istre de l’Environnement (1993–1995), Michel Barnier a don­né nais­sance à la loi de ren­force­ment de la pro­tec­tion de l’en­vi­ron­nement (dite «loi Barnier») qui a fait date, en gra­vant dans le droit les principes de pré­cau­tion, de préven­tion ou de pol­lueur-payeur. «Des notions sur lesquelles on se repose encore aujourd’hui», insiste l’avocate. La loi a égale­ment con­tribué à une meilleure prise en compte des risques naturels via la créa­tion du fonds de préven­tion des risques naturels majeurs (dit fonds Barnier). Elle fut aus­si un élan pour la démoc­ra­ti­sa­tion du débat sur l’é­colo­gie, avec la créa­tion de la Com­mis­sion nationale du débat pub­lic (CNDP).

Lorsqu’il était le min­istre de l’Agriculture (2007–2009) de François Fil­lon, «Michel Barnier a su résis­ter aux pres­sions, notam­ment celles de la FNSEA [syn­di­cat agri­cole pro­duc­tiviste, NDLR] durant les négo­ci­a­tions du Grenelle sur les pes­ti­cides», a réa­gi l’association écol­o­giste Généra­tion Futures. «À cette époque, il avait égale­ment ouvert son min­istère aux asso­ci­a­tions envi­ron­nemen­tales, rompant ain­si avec la seule coges­tion tra­di­tion­nelle entre l’État et les syn­di­cats agri­coles dom­i­nants», ajoute l’ONG.

Plus lucide que la moyenne des Républicains

En 2021, lors de sa cam­pagne pour la pri­maire pop­u­laire de la droite (gag­née par Valérie Pécresse), Michel Barnier a fait de l’environnement l’un de ses thèmes de prédilec­tion, mal­gré les moqueries de sa famille poli­tique, rap­pelle Le Monde. «L’écologie n’est pas une lubie de quelques sci­en­tifiques. Ce n’est pas une mode. Ce n’est pas la pro­priété d’un groupe, d’un clan ou d’un par­ti poli­tique. C’est beau­coup plus grave que cela», expli­quait-il à ses partisan·es le 4 octo­bre 2021. «Il faut dire la vérité. […] nous allons subir une aug­men­ta­tion de la tem­péra­ture de 1,5°C à 2°C de plus. Ce fait va tout chang­er […] Et il faut se pré­par­er», détail­lait-il encore dans un élan de lucid­ité rarement vu à droite.

S’il se dit «pas favor­able au tout-nucléaire», Michel Barnier est un par­ti­san de l’atome, «sans qui on ne relèvera pas le défi cli­ma­tique en France». Défenseur du pho­to­voltaïque et des véhicules élec­triques, il est beau­coup plus scep­tique au sujet des éoli­ennes «qui posent beau­coup de prob­lèmes pour le paysage et pour la bio­di­ver­sité, notam­ment marine», selon lui. Comme Pre­mier min­istre, il aura juste­ment la tâche urgente de relancer la plan­i­fi­ca­tion énergé­tique et écologique du pays, lais­sée en plan depuis des mois.

Quelle marge de manœuvre réelle ?

Scep­tique sur son pro­fil, le Réseau Action Cli­mat, qui représente plusieurs dizaines d’ONG, estime que ce sera l’occasion de «tester sa volon­té poli­tique», alors que les nom­breux reniements du Prési­dent de la République sur ces sujets et la frag­men­ta­tion de l’Assemblée nationale ne devraient pas lui faciliter la tâche. La prési­dente des Verts, Marine Ton­de­lier, est plus directe : «Que Michel Barnier soit dit “sen­si­ble” à l’écologie, ce n’est pas le sujet […]. Une poli­tique de droite, dure, austère, ne peut pas être une poli­tique écologique, c’est aus­si sim­ple que ça».