Barnier de crabes. Au cours de sa très – très ! – longue carrière en politique, le nouveau locataire de Matignon ne s’est jamais montré bien radical sur les questions d’environnement. Mais quelques faits d’armes lorsqu’il occupait les ministères de l’Environnement ou de l’Agriculture lui valent aujourd’hui un accueil prudemment optimiste chez certains écologistes. Pas tous.
Après sept semaines de valse-hésitation, Emmanuel Macron a finalement choisi Michel Barnier, cadre Les Républicains (LR) de 73 ans, pour tenter de gouverner avec une Assemblée sans majorité. Réputé être un homme de compromis, expérimenté, mais lisse, il a clairement été choisi pour son important savoir-faire plutôt que pour ses engagements. Pouvait-il en être autrement ?
Entré en politique il y a plus d’un demi-siècle, ce briscard a été parlementaire à Paris, puis à Bruxelles, quatre fois ministres, deux fois commissaire européen et même négociateur du Brexit. Pas vraiment engagé pour une cause ou pour une autre, il aurait tout de même «une fibre environnementale indéniable», selon l’avocate engagée pour l’écologie Corinne Lepage. Celle-ci lui avait succédé en 1995, alors qu’il passait du ministère de l’Environnement à celui des Affaires européennes, sous Alain Juppé. «Il sait de quoi il parle quand il s’agit d’environnement», assure-t-elle à Vert, certaine que ce «gaulliste social» n’oubliera pas de concilier écologie et équité.
Quelques faits d’armes
Ministre de l’Environnement (1993–1995), Michel Barnier a donné naissance à la loi de renforcement de la protection de l’environnement (dite «loi Barnier») qui a fait date, en gravant dans le droit les principes de précaution, de prévention ou de pollueur-payeur. «Des notions sur lesquelles on se repose encore aujourd’hui», insiste l’avocate. La loi a également contribué à une meilleure prise en compte des risques naturels via la création du fonds de prévention des risques naturels majeurs (dit fonds Barnier). Elle fut aussi un élan pour la démocratisation du débat sur l’écologie, avec la création de la Commission nationale du débat public (CNDP).
Lorsqu’il était le ministre de l’Agriculture (2007–2009) de François Fillon, «Michel Barnier a su résister aux pressions, notamment celles de la FNSEA [syndicat agricole productiviste, NDLR] durant les négociations du Grenelle sur les pesticides», a réagi l’association écologiste Génération Futures. «À cette époque, il avait également ouvert son ministère aux associations environnementales, rompant ainsi avec la seule cogestion traditionnelle entre l’État et les syndicats agricoles dominants», ajoute l’ONG.
Plus lucide que la moyenne des Républicains
En 2021, lors de sa campagne pour la primaire populaire de la droite (gagnée par Valérie Pécresse), Michel Barnier a fait de l’environnement l’un de ses thèmes de prédilection, malgré les moqueries de sa famille politique, rappelle Le Monde. «L’écologie n’est pas une lubie de quelques scientifiques. Ce n’est pas une mode. Ce n’est pas la propriété d’un groupe, d’un clan ou d’un parti politique. C’est beaucoup plus grave que cela», expliquait-il à ses partisan·es le 4 octobre 2021. «Il faut dire la vérité. […] nous allons subir une augmentation de la température de 1,5°C à 2°C de plus. Ce fait va tout changer […] Et il faut se préparer», détaillait-il encore dans un élan de lucidité rarement vu à droite.
S’il se dit «pas favorable au tout-nucléaire», Michel Barnier est un partisan de l’atome, «sans qui on ne relèvera pas le défi climatique en France». Défenseur du photovoltaïque et des véhicules électriques, il est beaucoup plus sceptique au sujet des éoliennes «qui posent beaucoup de problèmes pour le paysage et pour la biodiversité, notamment marine», selon lui. Comme Premier ministre, il aura justement la tâche urgente de relancer la planification énergétique et écologique du pays, laissée en plan depuis des mois.
Quelle marge de manœuvre réelle ?
Sceptique sur son profil, le Réseau Action Climat, qui représente plusieurs dizaines d’ONG, estime que ce sera l’occasion de «tester sa volonté politique», alors que les nombreux reniements du Président de la République sur ces sujets et la fragmentation de l’Assemblée nationale ne devraient pas lui faciliter la tâche. La présidente des Verts, Marine Tondelier, est plus directe : «Que Michel Barnier soit dit “sensible” à l’écologie, ce n’est pas le sujet […]. Une politique de droite, dure, austère, ne peut pas être une politique écologique, c’est aussi simple que ça».