Analyse

Rénovation des logements : le gouvernement en marche arrière

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Du bluff avec du vieux. Révision du Diagnostic de performance énergétique, coupe budgétaireLes ministres de Gabriel Attal viennent de porter de sérieux coups de canif aux objectifs de rénovation énergétique des logements. L’enveloppe de MaPrimeRénov’ est même réduite d’un milliard d’euros.

Il aura fallu moins de six mois avant que l’État ne renonce à son «effort historique» pour subventionner la rénovation thermique des logements. Alors que le gouvernement d’Elisabeth Borne avait promis d’augmenter le budget de MaPrimeRénov’ de 1,6 milliard d’euros en 2024 (pour atteindre 4 Mds€), celui de Gabriel Attal vient d’opter pour un rabais d’un milliard d’euros – la hausse ne sera donc que de 600 millions cette année. Le secteur de la rénovation est ainsi celui qui paie le plus lourd tribut à la cure d’austérité de 10 milliards d’euros annoncée ce dimanche par le ministre de l’Économie Bruno Le Maire.

Un sérieux coup de rabot qui met en péril l’objectif fixé par le précédent gouvernement d’atteindre 200 000 rénovations performantes en 2024 (contre 71 000 en 2023).

Le Premier ministre Gabriel Attal et Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, mercredi 21 février à Matignon, à Paris. © Alain Jocard / AFP

Réduire artificiellement le nombre de passoires à rénover

Pour justifier une telle baisse, le ministre délégué aux comptes publics, Thomas Cazenave a effectivement annoncé lundi qu’il y aurait bientôt «moins de rénovations» que prévu (et donc moins de besoins en subventions). Et pour cause : pour dégripper le marché de la location immobilière, l’émissaire à la Transition écologique, Christophe Béchu a promis plusieurs dérogations à l’interdiction de louer des passoires thermiques. Celle-ci était censée s’appliquer dès le 1er janvier 2025 aux 600 000 logements classés G (la pire note du Diagnostic de performance énergétique – DPE), puis, en 2028 au 1,2 million de logements classés F.

L’une de ces mesures consiste, comme il l’a dit au Parisien, à corriger un «biais» de calcul dans le DPE qui défavorise les petites surfaces : «On s’est rendu compte que plus la surface d’un logement est petite, plus la part de l’eau chaude sanitaire pèse sur son classement». Résultat : 140 000 logements de moins de 40 mètres carrés sortiront du statut de passoire thermique dès juillet.

Le gouvernement prévoit de déposer plusieurs amendements au projet de loi sur les copropriétés dégradées, qui sera examiné en mars au Sénat, pour assouplir encore l’interdiction de louer ces gouffres énergétiques. Par exemple, l’interdiction de louer un logement classé G ne s’appliquera pas au jour du 1er janvier 2025, mais uniquement au moment du renouvellement du bail après cette date (soit jusqu’à six ans plus tard). D’autre part, l’interdiction pourra être levée si les travaux sont refusés par la copropriété ou par le locataire.

Un cadeau aux plus aisés ?

«Ces aménagements réduisent seulement artificiellement le nombre de passoires à rénover», remarque auprès de Vert Isabelle Gasquet, du Cler – Réseau pour la transition énergétique. Elle signale que «la plupart des propriétaires-bailleurs ont largement les moyens financiers d’engager les travaux nécessaires».

Un cadeau fait aux plus riches ? Selon les chiffres du gouvernement lui-même, «60% des logements en location appartiennent à des propriétaires des 9ème et 10ème déciles de revenus», soit les 20% des Français·es les plus riches. À l’inverse, 45% des ménages exposés à la précarité énergétique sont des locataires qui n’ont pas la main sur ces travaux. Et le coup de rabot de 20% sur le budget de MaPrimeRenov’ impactera en premier lieu les propriétaires-occupants modestes et très modestes qui constituent 68% des bénéficiaires.

Alors que d’autres mesures de «simplification» devraient suivre en mars, le gouvernement menace de rétropédaler sur d’autres décisions, qui visaient notamment à subventionner davantage les bouquets de travaux plutôt que des mono-gestes inefficaces (comme le fait de ne changer que sa chaudière). «Revenir ainsi sur des mesures à peine actées est le meilleur moyen de perdre tout le monde et créer de l’attentisme», s’inquiète Isabelle Gasquet. Elle ajoute : «c’est difficile ces derniers jours d’y comprendre quoique ce soit, sinon que la transition écologique n’est plus la priorité du gouvernement».