Vertes et profits. Dans son projet de loi de finances présenté mercredi, le gouvernement vante les moyens inédits accordés à la transition écologique. Vert a sorti la calculette.
8% pour la transition
Promise cet été, la rallonge de 10 milliards d’euros supplémentaires pour la transition écologique est désormais inscrite dans l’épais projet de loi de 415 pages. 7 milliards d’euros seront décaissés dès 2024, le reste étant des autorisations d’engagements pour des projets futurs. La part «verte» du budget devrait ainsi atteindre près de 40 milliards d’euros, soit 8% du total (491 Mds€), contre 7% l’année dernière.
«C’est une première marche, la planification dure sur sept ans», a précisé le ministre de la transition écologique, Christophe Béchu, promettant une accélération. Après l’avoir jugé trop dispendieux, le gouvernement reprend (partiellement) à son compte le rapport de Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz qu’il avait chargé de chiffrer le coût de la transition. «En cohérence avec le rapport, les besoins d’investissements sont estimés à plus de 60 milliards d’euros de financements de l’État, des collectivités territoriales, des entreprises et des ménages, avec une montée en puissance progressive de ces dispositifs d’ici 2030», précise-t-il dans l’exposé des motifs du projet de loi.
Effectifs : fini la baisse
Pour la première fois depuis plus de 20 ans, le gouvernement va augmenter ses effectifs dédiés à la transition écologique. Plus de 760 ETP (équivalents temps plein) seront créés en 2024, rejoignant les quelque 70 000 agents centraux, départementaux et régionaux déjà en poste. Le manque de moyens humains pour mettre en œuvre la planification écologique est pointée de longue date comme un facteur limitant de la transition.
Transports et énergie
Comme en 2023, la décarbonation des transports (13,3 milliards d’euros) et du mix énergétique (9,5 milliards d’euros) sont les deux principaux postes de dépenses de ce budget «vert», mais le transport est celui qui augmente le plus (+1,6 milliard d’euros). Les aides à l’acquisition ou à la location de véhicules moins polluants atteindront 1,5 milliard d’euros en 2024. En parallèle, le gouvernement veut réformer le barème du bonus/malus pour mieux cibler les ménages modestes et privilégier les modèles européens via l’instauration d’un score environnemental «complet» sur les véhicules, prenant en compte l’étape de leur construction.
Le projet de loi vante d’autre part une «forte hausse des investissements en faveur des transports collectifs et ferroviaires» de quelque 1,2 milliard d’euros. Les ressources affectées à l’Agence de financement des infrastructures de transport de France (AFITF), en charge de ces investissements, atteindront ainsi 4,6 milliards d’euros, en hausse de 20% par rapport à 2023.
Logement
Les dépenses «vertes» allouées au logement connaissent la deuxième plus forte augmentation : 4 milliards permettront de subventionner des travaux de rénovation énergétique et de changement de chauffage, soit une hausse de 1,6 milliard d’euros (+66%). Jusqu’à présent, Maprimerenov’ finançait essentiellement des gestes de rénovation, moins efficaces que des rénovations globales. En réformant les barèmes, le gouvernement espère atteindre 200 000 rénovations performantes par an, contre 60 000 aujourd’hui, selon le ministère du logement.
Agriculture
La transition de l’agriculture et la protection des forêts voient leur moyens augmenter de 1,3 milliard d’euros pour atteindre 2,75 milliards d’euros. À comparer aux 7 milliards de budget total pour le ministère de l’agriculture et 25 milliards de moyens globaux alloués par l’État aux secteurs de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt.
Une timide taxation des transports polluants
Autre nouveauté du budget 2024 : le gouvernement prévoit d’instaurer une taxe sur les «grandes exploitations d’infrastructures de transport de longue distance», à savoir les concessions autoroutières et les aéroports. Le rendement annuel attendu est de 600 millions d’euros par an.
Le gouvernement aurait pu aller beaucoup plus loin, comme le détaille un rapport de l’Inspection générale des finances révélé par Contexte. Saisie par la Première ministère, l’IGF avait testé dix mesures d’«adaptation de la fiscalité aux exigences de la transition écologique», dont le durcissement du malus au poids pour les voitures ou le relèvement du taux de TVA sur les vols domestiques. Applicables dès 2024, elles étaient susceptibles de générer 32 milliards d’euros d’économies cumulées sur la période 2024-2027, et 12 milliards d’euros par an à compter de 2030. Elles ont été, pour la plupart, rejetées.
Le projet de budget sera examiné en octobre par les parlementaires. Elisabeth Borne a déjà indiqué qu’elle devra «certainement» recourir au 49.3 pour le faire adopter sans vote et ainsi contourner les oppositions.