Décryptage

Zéro artificialisation nette : peut-on développer les territoires sans bétonner ?

Paradis artificiels. Adopté à l’été 2021, cet objectif qui vise à limiter la consommation d’espaces naturels, agricoles ou forestiers est sous le feu des projecteurs. Des protestations venues de la droite, à la contestation de l’autoroute A69, son application donne lieu à d’incessants débats et tensions dans les communes françaises.
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Après avoir annoncé fin septembre qu’il souhaitait soustraire la région Auvergne-Rhône-Alpes de l’objectif «zéro artificialisation nette» (ZAN), Laurent Wauquier a de nouveau fustigé, lundi 13 novembre, ce dispositif qu’il qualifie de «loi technocratique déconnectée des réalités auxquelles sont confrontés quotidiennement nos élus».

Tombé d’en haut, le ZAN ? Pas vraiment, puisqu’il émane de la loi Climat et résilience du 22 août 2021, elle-même issue de la Convention citoyenne pour le climat. Cette dernière avait mobilisé, entre octobre 2019 et juin 2020, 150 Français·es tiré·es au sort pour imaginer comment réduire drastiquement les émissions de gaz à effet de serre du pays dans le respect de la justice sociale.

«Les gens sont prêts, souligne William Aucant, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Convention citoyenne pour le climat, à Vert. Le développement tel qu’on l’a connu ces 30 dernières années, ce n’est plus possible. Le ZAN a le mérite d’avoir appuyé sur le frein de l’urbanisation galopante.»

Le dispositif doit permettre d’atteindre «zéro artificialisation nette» à l’horizon 2050. D’ici là, il faudra limiter progressivement la conversion d’espaces naturels, agricoles ou forestiers. Un premier objectif prévoit une réduction par deux de la consommation de terres d’ici à 2030 (en prenant la période 2011-2020 comme référence).

Sur le chantier de construction de l’A69, le 13 novembre 2023 à Cuq-Toulza (Tarn). © Antoine Berlioz / Hans Lucas / AFP

En cas d’artificialisation inévitable, il faudra alors compenser en renaturant un espace équivalent (c’est la dimension «nette» du ZAN). «Cette loi s’inscrit dans un changement plus global de notre perception et notre rapport aux sols comme des réalités vivantes», souligne Marion Waller, à la tête du Pavillon de l’Arsenal, le centre d’urbanisme et d’architecture de Paris.

Le ZAN, c’est la réponse à une situation documentée de longue date : sous l’effet d’une urbanisation soutenue depuis le début du 20ème siècle, la France a «consommé» beaucoup de terres, des dizaines de milliers d’hectares chaque année. En s’artificialisant pour recevoir des constructions (bâtiments, routes, logements), ces espaces représentent autant de pertes pour la biodiversité et l’adaptation à un climat en voie de réchauffement (un sol artificialisé retient moins bien l’eau, stocke peu de carbone, intensifie les phénomènes d’îlots de chaleur…).

Sur le terrain, aux maires désormais d’appliquer le ZAN, en respectant les contraintes d’une artificialisation décroissante et les demandes des entreprises et des habitant·es. «Le ZAN est d’un intérêt évident pour lutter contre le dérèglement climatique, souligne Emmanuel Rivery, le maire divers gauche de Loroux-Bottereau, près de Nantes. Mais il est un peu tombé comme un couperet. Cela va prendre du temps.»

Comment assurer le développement territorial sans manger du kilomètre ? Telle est désormais la question. En qualifiant le ZAN de «ruralicide», Laurent Wauquier ne semble pas croire qu’une autre voie soit possible, ce que démentent les oppositions de plus en plus nombreuses à des projets jugés climaticides, à l’image de la mobilisation massive contre le projet d’autoroute A69 (notre reportage) qui va entraîner l’artificialisation de centaines d’hectares de terres agricoles et naturelles.

Ce samedi 18 novembre à Nantes, Vert animera dans le cadre du Climat Libé Tour la rencontre «Construire : faut-il laisser béton ?» avec Marion Waller, directrice du Pavillon de l’Arsenal ; Franck Boutté, ingénieur et grand prix de l’urbanisme 2022 ; William Aucant, conseiller régional des Pays de la Loire et membre de la Convention citoyenne pour le climat, Emmanuel Rivery, maire de Loroux-Bottereau et Françoise Rossignol, maire de Dainville. Toutes les infos juste ici.