Terres minées. Après la pandémie, l’artificialisation des sols a bondi en 2021 et la concentration des exploitations a continué de s’intensifier, prévient un récent rapport sur l’état des marchés fonciers ruraux.
Une reprise généralisée des transactions après la crise sanitaire et un modèle qui peine à évoluer : c’est la conclusion du dernier rapport annuel de la fédération nationale des sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural, les Safer. Des organismes qui assurent la transparence des marchés fonciers ruraux et veillent en grands manitous sur les transactions foncières agricoles, sur lesquelles ils ont systématiquement un droit de préemption.
Les marchés de l’urbanisation et de l’artificialisation des terres sont en plein boom : on constate une hausse de 25% du nombre d’opérations entre 2020 et 2021, ce qui signifie l’artificialisation de plus de 33 000 hectares de terrain. Un niveau jamais atteint depuis 2009. Au total, entre 1970 et 2020, quelque trois millions d’hectares de terres agricoles ont été grignotés – soit l’équivalent de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, a calculé Reporterre.
Parmi les causes de cette dynamique impressionnante, les futures restrictions sur l’étendue des zones artificialisées prévues par la loi « climat et résilience » votée en juillet dernier. Le texte prévoit notamment d’atteindre « zéro artificialisation nette » des sols d’ici à 2050 avec une forte réduction de la consommation des espaces agricoles, naturels et forestiers dès 2030. D’aucuns auront voulu anticiper ces futures contraintes en hâtant certaines opérations foncières.
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Confirmant un phénomène de concentration déjà bien enclenché, les Safer alertent sur l’urgent et nécessaire renouvellement générationnel dans la possession des terres. Alors que la moyenne d’âge des agriculteur·rices augmente d’année en année et que les départs en retraite ne sont pas compensés par le nombre de nouvelles exploitations, le réseau appelle de ses vœux la pérennisation des structures à taille humaine : faire place aux jeunes et aux petites exploitations, contre l’accaparement des terres.
Pour la fédération nationale, c’est bien ce renouveau qui pourrait permettre de garantir la souveraineté alimentaire du pays, en « favoris[ant] une agriculture à taille humaine et rémunératrice, respectueuse de l’environnement, de la biodiversité et des paysages, qui garantisse la vitalité et l’équilibre des territoires ». Si c’est bien elle qui peut décider de l’attribution des terres agricoles, elle n’a plus la main dès lors que celles-ci sont détenues par des sociétés agricoles qui cèdent leurs parts, ou lorsque les communes décident d’un changement du plan local d’urbanisme (PLU), en faisant passer des terres agricoles en terrains à urbaniser. Et l’enjeu est essentiel : décider de qui exploite le foncier et comment, c’est aussi décider de notre modèle agricole et de notre capacité à respecter les engagements pris pour s’adapter au bouleversement climatique.
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