Ils nous bassinent ! Les quelque 400 projets d’infrastructures soutenus partout en France par l’Etat et les collectivités locales compromettent les objectifs de neutralité carbone et d’artificialisation des sols, révèle une étude conjointe de Terres de luttes et du cabinet de conseil BL évolution, publiée ce mercredi.
« Nous bâtissons mois après mois, année après année, les conditions de notre échec à atteindre les objectifs fixés » ; le constat de Charles-Adrien Louis, coordinateur de l’étude Projet local, impact global pour le cabinet de conseil, est sans appel.
Le réseau Terres de luttes, qui soutient des collectifs locaux contre des « grands projets inutiles et imposés » partout en France, a recensé plus de 400 projets d’aménagement (centres commerciaux, fermes-usines, aéroports, bassines agricoles, etc) sur le territoire national. Avec l’aide de BL évolution, il a calculé l’impact de 65 d’entre eux, choisis pour leur représentativité. L’objectif : vérifier, à partir de ces données, la compatibilité de l’ensemble des grands projets avec les ambitions climatiques de la France.
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Pas un seul des projets d’aménagement étudiés n’est jugé comme étant « pleinement compatible » avec les stratégies nationales. Les projets qui ont été passés à la loupe sont tous considérés comme « soulevant des vigilances », présentant une « logique de projet incompatible », ou tout simplement « incompatible avec les objectifs de transition écologique ».
Les deux organisations se sont basées sur les objectifs que s’est imposée la France à l’horizon 2030 à travers la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC — feuille de route nationale sur le climat), la Stratégie nationale biodiversité (SNB) et l’objectif Zéro artificialisation nette (ZAN) entériné par la récente loi « climat et résilience ». Ces plans instaurent des limites à ne pas dépasser pour respecter les trajectoires climatiques : l’émission de 5 100 millions de tonnes de CO2 et l’artificialisation « nette » (qui comprend les terres rendues à la nature) de 164 000 hectares de terres d’ici 2030.
Lorsque l’on prend en compte le CO2 et les surfaces nécessaires à la mise en place d’infrastructures de transition (énergies renouvelables, prévention des déchets, mobilités douces), il ne subsiste que de faibles « budgets écologiques » pour développer d’autres projets. À titre d’exemple, 80 % des 53 000 hectares « restants » pour atteindre l’objectif ZAN seraient engloutis par une poignée de projets gourmands en surface, comme la mine d’or Espérance en Guyane, dont l’emprise au sol pourrait atteindre 15 100 hectares.
« Le “en même temps” ne marchera pas. On ne peut pas tout faire et il faudra faire des choix de société », indique à Vert Victor Vauquois, co-fondateur de Terres de luttes. Le réseau fustige la « dualité » et la « contradiction » du discours de l’exécutif, qui s’en tient au statu quo sur la majorité de ces projets polluants quand ceux-ci rendent intenables les objectifs fixés par la France. Le développement de ces 400 projets sur le territoire français répond aux besoins actuels, sans prendre en compte une éventuelle décrue de certains secteurs avec la transition écologique.
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La sobriété reste la grande absente des politiques publiques ; un constat partagé par l’Autorité environnementale dans un sévère bilan publié la semaine dernière (Le Monde). Une situation inconcevable pour Victor Vauquois : « On sait que ces grands projets sont des catalyseurs du mode de vie actuel, donc je ne comprends pas que la sobriété soit encore considérée comme un impensé ».