Au pied du mur. Il est six heures du matin sur le boulevard Saint-Germain, dans le 7ème arrondissement de Paris. Un fourgon déverse son chargement d’activistes, parpaings et seaux de ciment dans les bras. En quelques minutes, une quinzaine de militant·es d’Extinction rebellion, du collectif de défense des Jardins d’Aubervilliers et d’autres mouvements de luttes écologistes érigent un mur devant l’entrée du ministère de la Transition écologique avant de se disperser. Sur cet ouvrage de près de deux mètres de haut, le tag suivant : « Ministère fermé, reprenons les terres ».
Les activistes entendent ainsi dénoncer « l’inutilité » d’un ministère auquel elles et ils ne font plus confiance pour protéger les terres de l’artificialisation. « On veut affirmer notre colère après un quinquennat violent et inutile sur le plan écologique », soutient auprès de Vert Elicha, membre d’Extinction rebellion.
Par cette action éclair, les militant·es apportent aussi leur pierre à la journée de mobilisation nationale organisée ce mardi. « Au lendemain de la présidentielle, on veut montrer que c’est par le local qu’on peut reprendre le pouvoir. Nous n’attendons rien du gouvernement, on sait que ce sont nos mobilisations qui font avancer les choses », argue Léna Lazare, chargée de mobilisation à Terres de luttes, auprès de Vert.
Blocage d’une ferme-usine dans le Tarn, comptage de camions dans le Bas-Rhin, simulation du procès de « l’élevage industriel » dans les Côtes‑d’Armor, plantation de semis sur le terrain d’une future prison dans le Vaucluse… Au total, une trentaine d’actions ont été menées dans toute la France au cours de la journée.
Sur le plateau de Saclay, dans l’Essonne, la Coordination Île-de-France des luttes locales — qui réunit de nombreux mouvements tels que le Collectif contre la ligne 18, l’Union des associations de sauvegarde du Plateau de Saclay, les Jardins à défendre d’Aubervilliers ou encore Stop Val Béton — a organisé une grande marche funèbre le long des chantiers de la future ligne 18 du métro parisien.
« Scène de crime à Saclay »
Une centaine de manifestant·es se sont retrouvé·es à Palaiseau pour inspecter la « scène de crime » née de la bétonisation du plateau de Saclay. Parmi les actions théâtrales organisées pour sensibiliser le public, une mésange géante a rendu visite aux employé·es d’un tunnelier du futur métro aux notes de la Marche funèbre, puis s’est tenu un die-in (action qui consiste à se coucher pendant plusieurs minutes pour simuler la mort) pour symboliser l’effondrement du vivant.
Situées à une vingtaine de kilomètres de Paris, les terres de Saclay sont réputées pour leur fertilité exceptionnelle, qui permet de les cultiver sans utiliser trop d’eau. « Et quand ces sols sont artificialisés, c’est la catastrophe, car l’eau qui devrait rester stockée dans cette terre limoneuse et argileuse s’écoule dans les vallées et génère de graves inondations, déplore Fabienne Merola, ancienne chercheuse à l’université Paris-Saclay à la manœuvre dans l’organisation de cette marche funèbre. Et ça, c’est une conséquence directe de l’artificialisation des sols ».
Présentes à la manifestation, Martine et Marie-Paule fustigent le développement de projets surdimensionnés au détriment des terres nourricières qui les entourent. Toutes deux membres d’une Amap (association pour le maintien d’une agriculture paysanne) sur le plateau de Saclay, elles évoquent un maillage territorial très dynamique avec de plus en plus de circuits courts entre les habitant·es. « Tout ça va disparaître si la ligne 18 éventre le plateau, et ça va faciliter l’urbanisation », souffle à Vert Marie-Paule.
Plusieurs membres du Collectif pour le triangle de Gonesse ont fait le déplacement depuis le Val d’Oise pour soutenir la mobilisation sur le plateau de Saclay. « C’est la solidarité qui nous permet d’avancer. Et surtout, on apprend les uns des autres dans les luttes locales, indique Bernard Loup, président du collectif et militant depuis 1995, en tête de cortège. Avec, en arrière-fond, le bruit incessant des machines de chantier de la future ligne 18. « On ne tient pas sans les autres ».
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