Reportage

Une journée de mobilisation dans toute la France pour soutenir les luttes locales contre les projets écocides

À l’appel du mouvement Terres de luttes, plus de 120 collectifs locaux de résistance contre des projets polluants se sont coordonnés, ce mardi, pour une mobilisation nationale intitulée « Retour sur terres ». Au total, plus de 30 actions variées ont eu lieu dans toute la France pour dénoncer la multiplication de projets jugés toxiques et inutiles par les habitant·es. Reportage en région parisienne.
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Au pied du mur. Il est six heures du matin sur le boule­vard Saint-Ger­main, dans le 7ème arrondisse­ment de Paris. Un four­gon déverse son charge­ment d’activistes, parpaings et seaux de ciment dans les bras. En quelques min­utes, une quin­zaine de militant·es d’Extinction rebel­lion, du col­lec­tif de défense des Jardins d’Aubervilliers et d’autres mou­ve­ments de luttes écol­o­gistes éri­gent un mur devant l’entrée du min­istère de la Tran­si­tion écologique avant de se dis­pers­er. Sur cet ouvrage de près de deux mètres de haut, le tag suiv­ant : « Min­istère fer­mé, reprenons les ter­res ».

L’en­trée du min­istère de la Tran­si­tion écologique mar­di 26 avril au matin, après le pas­sage des activistes. © Jus­tine Pra­dos / Vert

Les activistes enten­dent ain­si dénon­cer « l’inutilité » d’un min­istère auquel elles et ils ne font plus con­fi­ance pour pro­téger les ter­res de l’artificialisation. « On veut affirmer notre colère après un quin­quen­nat vio­lent et inutile sur le plan écologique », sou­tient auprès de Vert Elicha, mem­bre d’Extinction rebel­lion.

Par cette action éclair, les militant·es appor­tent aus­si leur pierre à la journée de mobil­i­sa­tion nationale organ­isée ce mar­di. « Au lende­main de la prési­den­tielle, on veut mon­tr­er que c’est par le local qu’on peut repren­dre le pou­voir. Nous n’attendons rien du gou­verne­ment, on sait que ce sont nos mobil­i­sa­tions qui font avancer les choses », argue Léna Lazare, chargée de mobil­i­sa­tion à Ter­res de luttes, auprès de Vert.

Blocage d’une ferme-usine dans le Tarn, comp­tage de camions dans le Bas-Rhin, sim­u­la­tion du procès de « l’élevage indus­triel » dans les Côtes‑d’Armor, plan­ta­tion de semis sur le ter­rain d’une future prison dans le Vau­cluse… Au total, une trentaine d’actions ont été menées dans toute la France au cours de la journée.

Sur le plateau de Saclay, dans l’Essonne, la Coor­di­na­tion Île-de-France des luttes locales — qui réu­nit de nom­breux mou­ve­ments tels que le Col­lec­tif con­tre la ligne 18, l’Union des asso­ci­a­tions de sauve­g­arde du Plateau de Saclay, les Jardins à défendre d’Aubervilliers ou encore Stop Val Béton — a organ­isé une grande marche funèbre le long des chantiers de la future ligne 18 du métro parisien.

« Scène de crime à Saclay »

Une cen­taine de manifestant·es se sont retrouvé·es à Palaiseau pour inspecter la « scène de crime » née de la béton­i­sa­tion du plateau de Saclay. Par­mi les actions théâ­trales organ­isées pour sen­si­bilis­er le pub­lic, une mésange géante a ren­du vis­ite aux employé·es d’un tun­neli­er du futur métro aux notes de la Marche funèbre, puis s’est tenu un die-in (action qui con­siste à se couch­er pen­dant plusieurs min­utes pour simuler la mort) pour sym­bol­is­er l’effondrement du vivant.

Les manifestant·es sont resté·es couché·es de longues min­utes sur la route pour représen­ter la mort de la bio­di­ver­sité face à la béton­i­sa­tion des ter­res. © Jus­tine Pra­dos / Vert

Situées à une ving­taine de kilo­mètres de Paris, les ter­res de Saclay sont réputées pour leur fer­til­ité excep­tion­nelle, qui per­met de les cul­tiv­er sans utilis­er trop d’eau. « Et quand ces sols sont arti­fi­cial­isés, c’est la cat­a­stro­phe, car l’eau qui devrait rester stock­ée dans cette terre limoneuse et argileuse s’écoule dans les val­lées et génère de graves inon­da­tions, déplore Fabi­enne Mero­la, anci­enne chercheuse à l’université Paris-Saclay à la manœu­vre dans l’organisation de cette marche funèbre. Et ça, c’est une con­séquence directe de l’artificialisation des sols ».

Présentes à la man­i­fes­ta­tion, Mar­tine et Marie-Paule fusti­gent le développe­ment de pro­jets sur­di­men­sion­nés au détri­ment des ter­res nourri­cières qui les entourent. Toutes deux mem­bres d’une Amap (asso­ci­a­tion pour le main­tien d’une agri­cul­ture paysanne) sur le plateau de Saclay, elles évo­quent un mail­lage ter­ri­to­r­i­al très dynamique avec de plus en plus de cir­cuits courts entre les habitant·es. « Tout ça va dis­paraître si la ligne 18 éven­tre le plateau, et ça va faciliter l’urbanisation », souf­fle à Vert Marie-Paule.

Plusieurs mem­bres du Col­lec­tif pour le tri­an­gle de Gonesse ont fait le déplace­ment depuis le Val d’Oise pour soutenir la mobil­i­sa­tion sur le plateau de Saclay. « C’est la sol­i­dar­ité qui nous per­met d’avancer. Et surtout, on apprend les uns des autres dans les luttes locales, indique Bernard Loup, prési­dent du col­lec­tif et mil­i­tant depuis 1995, en tête de cortège. Avec, en arrière-fond, le bruit inces­sant des machines de chantier de la future ligne 18. « On ne tient pas sans les autres ».