Pas la peine de chercher les mots «climat» ou «biodiversité» dans le bref programme du Rassemblement National pour les législatives. Ils n’y figurent pas. Tout juste peut-on trouver quelques attaques contre «l’écologie punitive», glissées ici et là entre l’«immigration» et la «sécurité» (mentionnées 14 fois en 12 pages). Mais ce désintérêt n’est qu’apparent, car le parti promet en réalité de redoutables reculs en la matière, sous couvert de restaurer le pouvoir d’achat des Français ou la souveraineté du pays.
Énergie
Baisse de la TVA : des économies pour les plus riches
Le RN promet de baisser la TVA des produits énergétiques (carburants, fioul, gaz et électricité) de 20 % à 5,5 %. La mesure, inscrite au chapitre «pouvoir d’achat», a deux gros effets pervers. D’une part, comme l’a montré l’Insee, elle profitera davantage aux plus riches, qui se déplacent plus et consomment plus d’énergie que les plus pauvres. D’autre part, cette ristourne de 17 milliards d’euros sonne comme une invitation à consommer plus d’énergie alors que la lutte contre le changement climatique implique d’encourager les économies.
Arrêter les énergies renouvelables : la promesse d’une crise majeure
Totalement allergique aux énergies renouvelables qualifiées d’«intermittentes» que sont le solaire et l’éolien, le RN promet d’arrêter les projets futurs, voire de démanteler progressivement les parcs existants. De quoi plonger le pays dans une crise énergétique sans précédent puisqu’elles ont représenté près de 15% de la production électrique en 2023. D’autre part, leur production décarbonée permet d’éviter l’émission de 22 millions de tonnes de CO2 chaque année, selon le gestionnaire du réseau électrique RTE. S’en passer impliquerait une gigantesque hausse des émissions de gaz à effet de serre, impossible à compenser par les 20 réacteurs nucléaires promis par le RN, dont les premiers n’arriveront pas avant 2035.
Prix de l’électricité : les mauvais calculs du RN
Le parti promet de baisser la facture d’électricité en «sortant des règles européennes de fixation des prix de l’énergie». II souhaite notamment indexer le prix de l’électricité sur les coût de production de l’énergie en France alors qu’ils résultent aujourd’hui des échanges sur le marché de l’électricité européen. Si en 2022, la flambée des prix du gaz – et la mise à l’arrêt de nombreuses centrales nucléaires françaises – ont effectivement tiré les prix à la hausse, cela fait des mois qu’ils sont redescendus à des niveaux bien inférieurs au coût du nucléaire français par exemple. Du reste, au Parlement européen, le RN a voté contre la réforme du marché européen permettant d’éviter l’exposition des consommateur·ices aux variations des prix de marché.
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Bâtiments
Stopper la rénovation des bâtiments : (encore) un cadeau inespéré aux plus riches
S’il arrive au pouvoir, le RN promet d’«abroger toutes les interdictions et obligations liées aux diagnostics de performance énergétique», notamment l’interdiction de louer des passoires thermiques qui doit s’appliquer progressivement à partir du 1er janvier prochain.
Un cadeau inespéré pour les plus riches : selon les chiffres du gouvernement , «60% des logements en location appartiennent à des propriétaires des 9ème et 10ème déciles de revenus», soit les 20% des Français·es les plus aisé·es. À l’inverse, la moitié des ménages exposés à la précarité énergétique sont des locataires qui n’ont pas la main sur ces travaux.
Accessoirement, le secteur du bâtiment représente à lui seul 45% de la consommation d’énergie et 25% des émissions de gaz à effet de serre du pays. Mettre de côté sa rénovation serait un recul majeur pour le climat.
Transport
Moteur thermique : roule bébé
«La bagnole, moi, je l’adore… sauf si elle est électrique», pourrait clamer Jordan Bardella s’il devait résumer ses ambitions sur le transport. Le parti veut faire la peau à l’interdiction de vente des véhicules essence et diesel neufs prévue en 2035 à l’échelle de l’Union européenne. Les voitures individuelles émettent à elles seules plus de 15% nos émissions annuelles de gaz à effet de serre. Le parti entend donc que cela continue. Et ce, alors même que des constructeurs automobiles comme Stellantis s’opposent désormais à un tel revirement.
Supprimer les zones à faibles émissions (ZFE) : à fond la pollution !
Dans la même veine, le RN promet de supprimer les zones à faibles émissions (ZFE) ; ces zones de certains centres-villes pollués où seront exclus les vieux véhicules pour améliorer la qualité de l’air. La mesure fait effectivement polémique, car ces véhicules appartiennent souvent aux plus précaires, qui n’ont souvent pas les moyens d’en changer. Toutefois, on estime que la pollution des villes aux particules fines est synonyme de plus de 40 000 décès prématurés chaque année. Accroître les aides aux mobilités propres serait plus avisé que de reculer sur la mise en œuvre des ZFE. Mais le RN n’a aucune proposition concernant les transports publics ou l’aide à l’achat de véhicules décarbonés.
Agriculture
Revenus des agriculteurs : dire tout et (voter) son contraire
Très vocal sur les sujets agricoles, le RN promet de «garantir aux paysans des prix respectueux de leur travail», de «mettre un terme aux marges abusives de la grande distribution», d’«interdire les importations de produits agricoles ne respectant pas les normes de production française» et de «contraindre les cantines à utiliser 80% de produits agricoles français».
Hélas, les votes du parti à l’Assemblée nationale ou au Parlement européen ne racontent pas la même histoire. Par exemple, le parti a changé d’avis sur l’instauration de prix planchers en agriculture, votant pour en novembre 2023, mais s’abstenant en avril 2024. De même, alors qu’il promettait l’interdiction d’urbaniser les terres agricoles, il s’y est finalement opposé à l’Assemblée nationale.
Soutenir le bio : finalement c’est non
Le soutien à l’agriculture biologique a disparu du programme du parti. En 2022, il promettait encore un plan de soutien sur cinq ans à ces filières biologiques. Mais depuis, il s’est opposé au Parlement européen à la stratégie «de la ferme à la fourchette» (la déclinaison pour l’agriculture du Pacte vert européen) qui prévoyait la réduction des pesticides ou la montée en puissance de l’agriculture biologique. En France, il a défendu des amendements (tous rejetés) visant à prolonger l’utilisation des pesticides et supprimer les objectifs de décarbonation du secteur agricole.
Environnement
Protéger la forêt… ou pas
Dans son programme pour les européennes, le RN promettait de protéger les forêts contre le changement climatique, sans donner plus de détails. Le parti a pourtant voté contre la loi européenne de restauration de la nature, qui prévoit la restauration des écosystèmes dégradés, dont les forêts. Pour les législatives, les mesures en faveur de la protection de l’environnement ont été coupées (rases).
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