Gouverne lent. Après avoir présenté une première mouture du texte en octobre 2024, avec un an de retard, le ministère de la transition écologique fait le bilan de deux mois de consultations publiques. Objectif : enrichir la stratégie de la France pour faire face aux conséquences du dérèglement climatique.
Face aux inondations, aux canicules et aux feux de forêt à répétition, le troisième plan national d’adaptation au changement climatique (Pnacc) est censé préparer le pays à un réchauffement de +4 degrés (°C) d’ici la fin du siècle, par rapport au milieu du 19ème siècle. C’est la trajectoire vers laquelle nous nous dirigeons actuellement en France (notre article). Ce plan avait été amorcé en 2023, puis retardé à plusieurs reprises à cause des multiples changements de gouvernement.
Présentée fin octobre par le premier ministre d’alors, Michel Barnier, la stratégie a fait l’objet d’une consultation publique jusqu’au 27 décembre dernier. Preuve de l’importance capitale du sujet, le texte a reçu de nombreux retours. Au total, on dénombre près de 6 000 réponses au questionnaire fourni par le ministère, et 175 «cahiers d’acteurs» (des documents qui déclinent, en cinq à dix pages, la position de différentes structures concernées par le plan, dont des entreprises, des collectivités, des ONG, etc.) déposés sur la plateforme.

«La majorité des contributions saluent le projet de troisième plan national d’adaptation et les actions qu’il propose, et nous enjoignent à aller plus loin», se félicite le ministère. De nombreux retours plaident pour l’inscription de la Trajectoire de réchauffement de référence pour l’adaptation au changement climatique (Tracc, fixée à +4°C à la fin du siècle) dans la loi. De quoi lui donner une valeur supplémentaire et permettre aux schémas d’urbanisme ou aux plans de prévention des risques de l’intégrer formellement à l’avenir.
Plusieurs priorités ont émergé des contributions envoyées au ministère : tout d’abord, le renforcement du fonds Barnier (qui finance la prévention des risques naturels et améliore la sécurité des personnes et des biens face aux incendies, inondations, submersions marines), qui doit se voir doté de 75 millions d’euros supplémentaires dès cette année, d’après la première mouture du plan.
La question du recul du trait de côte et de l’adaptation des territoires à l’érosion du littoral, de la préparation des logements aux fortes chaleurs estivales ou des risques d’origine glaciaire (glissement de terrain, chute de blocs, avalanches, etc.) font partie des sujets essentiels identifiés par l’exécutif dans ces retours. Autant de points sur lesquels le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher, ministre de la transition écologique, espère «trouver des réponses concrètes à apporter d’ici la sortie officielle du plan», c’est-à-dire dans quelques semaines.

«De manière générale, le document proposé présente des actions intéressantes, notamment que le plan soit révisé tous les 5 cinq ans, mais il manque d’ambition dans la mise en œuvre opérationnelle d’actions», juge le comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), une organisation intergouvernementale dédiée à la biodiversité, dans ses conclusions.
Un gros manque d’ambitions et de moyens
«Le projet de PNACC 3 a le mérite de traiter les sujets principaux, infrastructures publiques, économiques et essentielles, droit du travail, etc. Il est effectivement un saut qualitatif par rapport aux anciens PNACC, reconnaît l’ONG Oxfam. Mais il faut noter la faiblesse totale des moyens engagés», cingle l’association.
«Tel qu’il est présenté, [le texte] se limite pour une majorité des mesures à ne pas présenter de budget, lequel reste “à définir”, abonde le Réseau action climat (RAC). Or, sans budget défini, comment mettre en place la mesure et avec quelle ambition ?» «La quasi-totalité des contributions reçues font part de l’absence de budget affiché pour les actions du PNACC», concède la synthèse de la consultation publique, sans toutefois répondre à ces appréhensions.
Le RAC, qui fédère 27 associations environnementales, pointe également le manque de coordination prévu par le texte, entre les ministères et les collectivités territoriales. Enfin, le réseau d’ONG déplore l’absence d’attention portée aux inégalités ou à la question du genre – pourtant qualifiée d’enjeu important par plusieurs rapports du Haut conseil pour le climat ou du Conseil économique, social et environnemental (CESE). «Nous n’avons pas forcément questionné ce point, admet le cabinet d’Agnès Pannier-Runacher. Mais on réfléchit pour voir comment on peut l’intégrer au document final.»
Autant de sujets sur lesquels le ministère devra se concentrer afin d’intégrer (ou pas) ces retours pour affiner la stratégie. L’heure tourne, puisque le plan d’adaptation final doit être présenté par Agnès Pannier-Runacher au cours du mois de mars… Et qu’il a déjà près d’un an et demi de retard.
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