Reportage

«La mer est plus forte que nous» : dans le Finistère, des maisons menacées par les eaux seront bientôt rasées

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L’amer monte. Sept maisons du village de Treffiagat (Finistère) vont être détruites pour éviter leur submersion. La dune qui les sépare de la plage menace de céder à chaque tempête.

«On n’a pas vraiment le choix, la mer prend le dessus», lâche Fanch Renevot, devant le camion où s’entassent les meubles de son pavillon blanc, à deux pas de la plage, acheté en 2015 pour passer sa retraite.

Menacées d’être submergées à chaque tempête, sept maisons de Treffiagat, petite commune du pays Bigouden (Finistère), vont être rasées, faute de solution durable pour les protéger de la montée des eaux.

Treffiagat (Finistère), le 19 décembre 2024. Construites en zone basse, ces habitations sont séparées de la plage par une simple dune, qui s’est amincie au fil des années. © Fred Tanneau/AFP

«Six mois après qu’on l’ait achetée, c’est passé en zone rouge», se souvient-il, en référence au classement en «très fort aléa» de submersion marine de ce hameau du Finistère sud.

«Pas sentimental sur de la pierre», Fanch Renevot ne se dit pas affecté par la cession de cette résidence secondaire. «Ma femme, ça l’a un peu plus perturbée : c’est le paradis ici quand même», confie le couvreur de 60 ans, en balayant du regard les quelques maisons dressées au milieu des dunes et des pins.

Construites en zone basse dans les années 1970 et 1980, ces habitations sont séparées de la plage par une simple dune, qui s’est peu à peu amincie. Remblayée avant l’hiver, elle menace de céder aux assauts de la mer à chaque tempête.

En novembre 2023, en prévision du passage de la tempête Ciaran, une vingtaine de maisons avaient été évacuées par arrêté préfectoral. «Tous les systèmes d’endiguement qu’on a pu mettre en œuvre depuis 15-20 ans, à savoir la digue, de l’enrochement, des pieux, ne sont pas efficaces», liste Stéphane Le Doaré, président (Les Républicains) de la Communauté de communes du pays bigouden sud (CCPBS).

Un «gouffre sans fond» pour la collectivité

Chaque année, la collectivité doit débourser «plus de 100 000 euros» pour renforcer la dune, en la confortant avec des milliers de mètres cubes de sable. «C’est un gouffre sans fond, un pansement sur une jambe de bois, car la mer est plus forte que nous», souligne l’élu.

«On n’arrive pas, de façon pérenne, à garantir que les riverains qui sont derrière la dune vont pouvoir vivre en sécurité, explique-t-il. Les modèles prouvent que, de façon inexorable, la mer va entrer à cet endroit-là.»

La CCPBS a donc entrepris de racheter sept maisons pour les détruire. Le rachat des deux premières a été acté début décembre en conseil communautaire. Le nombre définitif de maisons concernées par ce risque d’érosion est encore à l’étude. Des décisions seront prises prochainement à propos des autres résidences. À l’issue du processus, le hameau sera rendu à la nature. Et la construction d’une digue, derrière la dune, est envisagée pour protéger les habitations restantes.

«Je partirai avec la mer»

La perspective de devoir quitter ce bord de mer si prisé ne ravit pas les riverain·es. «C’est un crève-cœur pour tout le monde», lâche une dame, sans vouloir donner son nom. «Ça nous gâche notre retraite», insiste un couple de septuagénaires, à la porte de leur maison.

«Je partirai avec la mer», clame même Denise (le prénom a été changé), depuis la fenêtre de sa cuisine. L’octogénaire, qui habite le quartier depuis ses quatre ans, n’imagine pas déménager. «Quand la mer sera venue jusqu’au bout, je serai bien obligée de monter au grenier et qu’on vienne me chercher», lance-t-elle.

L’activation des aides de l’État du «fonds Barnier» a permis à la CCPBS de proposer des conditions de rachat avantageuses, au prix du marché (soit de 280 000 à 687 000 euros) pour les sept maisons. Des estimations «correctes», convient Fanch Renevot.

Mais l’aspect financier peine à convaincre les habitant·es les plus attaché·es à leur résidence. «Je comprends le traumatisme psychologique pour certaines familles qui habitent là depuis les années 1970 et y ont élevé leurs enfants,compatit Stéphane Le Doaré. Ils vont finir par l’entendre, c’est juste le temps de l’acceptabilité.»


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