Décryptage

Quel avenir pour les dunes du littoral atlantique, remparts contre la montée de l’océan ?

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Dune de per­due… En 30 ans, les dunes de Nou­velle-Aquitaine ont per­du près du tiers de leur super­fi­cie. Alors qu’elles pro­tè­gent le lit­toral de la sub­mer­sion et abri­tent une bio­di­ver­sité excep­tion­nelle, les spé­cial­istes réfléchissent à les déplac­er vers l’intérieur des ter­res pour les pro­téger.

Un petit pas pour le vacanci­er, une grande men­ace pour les dunes. Chaque été, l’arrivée des touristes sur les plages met en émoi les conservateur·rices du lit­toral, qui ten­tent de préserv­er ces collines de sable en dif­fi­culté. Cette année, en amont de la sai­son esti­vale, l’association Cis­tude Nature a tiré la son­nette d’alarme. Selon les résul­tats de son pro­gramme «les Sen­tinelles du cli­mat», le cor­don dunaire atlan­tique aurait per­du «plus d’un tiers de sa sur­face depuis 1997».

Out­re le piétine­ment par les vis­i­teurs, c’est avant tout la mon­tée des eaux causée par le réchauf­fe­ment cli­ma­tique qui est à l’origine de la détéri­o­ra­tion de la dune. Chaque année, l’océan Atlan­tique grig­note en moyenne de 1,7 à 2,5 mètres de lit­toral, selon l’Observatoire de la côte aquitaine. «Dans les zones en éro­sion chronique, comme dans le Sud-Ouest de la France, le trait de côte recule et les dunes sont très hautes et très peu mobiles, explique à Vert Bruno Castelle, directeur de recherche au CNRS et spé­cial­iste de la dynamique physique des lit­toraux. Pris­es en étau, elles se rétré­cis­sent et peu­vent dis­paraitre».

Pro­tégeant depuis des siè­cles les activ­ités humaines de l’ensablement, des inon­da­tions et des tem­pêtes, l’érosion des dunes pour­rait avoir de lour­des con­séquences pour le lit­toral. En févri­er, la destruc­tion du Sig­nal — un immeu­ble bâti sur la dune de Soulac-sur-Mer (Gironde) — est devenu le sym­bole de cette men­ace (Vert). «Si la dune dis­parait et qu’il y a des infra­struc­tures impor­tantes der­rière, il ne reste que deux choix : le repli stratégique ou la con­struc­tion de digues», pré­cise Bruno Castelle.

L’érosion rebat les cartes de la gestion du cordon dunaire

Elle a longtemps été fixée à l’aide de palis­sades, de plan­ta­tion de pins ou de dépôts de bran­chages ; il est désor­mais ques­tion de laiss­er la dune se déplac­er en arrière pour éviter sa dis­pari­tion. «C’est un change­ment total de par­a­digme, explique Adrien Pri­vat, respon­s­able de l’interface terre-mer au Con­ser­va­toire du lit­toral. Mais enlever des arbres [pour laiss­er la dune rouler sur elle-même] n’est pas très facile, surtout quand on est une insti­tu­tion envi­ron­nemen­tale avec des oblig­a­tions régle­men­taires». Des expéri­men­ta­tions essai­ment le long du lit­toral aquitain pour ten­ter de trou­ver la meilleure manière d’utiliser cette solu­tion fondée sur la nature et d’éviter ain­si la con­struc­tion de jetées arti­fi­cielles.

Dune en libre évo­lu­tion à La Teste-de-Buch. © ONF

Dans une dizaine de sites expéri­men­taux, l’Office nation­al des forêts (ONF) s’en remet par exem­ple au «génie écologique» pour laiss­er la dune en «libre évo­lu­tion». Bal­ayées par les vents, les dunes rongées par la mer peu­vent alors s’étaler dans les ter­res. «On aura du mal à le faire partout, il faut qu’il y ait de la place pour reculer et des pro­prié­taires qui acceptent de per­dre des ter­rains sub­mergés par le sable», nuance Adrien Pri­vat.

Construire des digues ou faire reculer le trait de côte, l’infernal dilemme

C’est égale­ment la méth­ode prônée par le pro­gramme des «sen­tinelles du cli­mat» qui étudie «un cortège unique d’espèces extrême­ment rares», aujourd’hui men­acé par la con­trac­tion des dunes. «Ce serait peine per­due de met­tre des pier­res ou de réens­abler chaque année pour pro­téger les dunes», explique Michael Guil­lon, coor­di­na­teur sci­en­tifique du pro­gramme. Selon lui, pour préserv­er des espèces emblé­ma­tiques comme le lézard ocel­lé — le plus gros d’Europe — ou l’alysson de Loise­leur — une plante à fleurs jaunes endémique du lit­toral — laiss­er vivre la dune reste l’unique solu­tion.

Pour par­er à l’impossibilité de reculer la dune à cer­tains endroits, un nou­veau pro­gramme européen vise à com­bin­er les solu­tions naturelles et arti­fi­cielles, en con­stru­isant des dunes devant des digues et inverse­ment. À quelques kilo­mètres de là où se tenait le Sig­nal, une dune embry­on­naire devrait ain­si être expéri­men­tée sur la plage de Soulac-sur-Mer, pour ren­forcer la digue en dif­fi­culté.