Depuis plus d’un an, partout en France, les locaux de l’Office français de la biodiversité (OFB) sont la cible de dégradations et d’effractions menées par une partie du monde agricole. Une cinquantaine, rien qu’en 2024.
Mais ce mercredi 12 mars, à Gleizé (Rhône), pas de dépôt de fumier à l’horizon. Des mots forts en revanche, en soutien à la police de l’environnement. Personne ici n’a digéré le courrier envoyé aux agriculteur·ices d’Auvergne-Rhône-Alpes le 7 février dernier. Cette lettre, signée par Fabrice Pannekoucke et Laurent Wauquiez (Les Républicains), actuel et ancien présidents de la Région, décrivait les fonctionnaires de l’OFB comme une «coalition d’idéologues» (à lire en intégralité ici). Les deux élus de droite appelaient à la dissolution de ce service public, devenu le bouc émissaire d’une partie du monde agricole. Laurent Wauquiez avait récidivé deux semaines plus tard, lors du salon de l’agriculture. Le chef de file des députés LR à l’Assemblée nationale revenait sur les propos isolés d’un syndicaliste agent de l’OFB, qui avait comparé les agriculteur·ices à des dealers de drogues (notre article).
Alors, ce 12 mars, devant les locaux départementaux de l’établissement, une petite centaine de personnes est venue exprimer son attachement aux missions de l’OFB. Ses agent·es sont non seulement chargé·es de faire respecter les règles en matière d’usage des pesticides, d’arrachage de haies et de respect des arrêtés liés à la sécheresse, mais aussi de contrôler les chasseur·ses et de lutter contre le trafic d’espèces protégées.
Sous une pluie torrentielle, les prises de paroles d’associations environnementales se mêlent à celles d’agent·es de l’OFB et d’un vigneron du syndicat agricole proche de la gauche Confédération paysanne. «Ne nous trompons pas de combat. Ce n’est pas l’OFB qui a provoqué la crise agricole que nous traversons», met-il en garde. Il espère contrecarrer l’idée d’une opposition entre agriculture et protection de l’environnement que tentent d’instaurer certains syndicats agricoles productivistes, comme la FNSEA et la Coordination rurale. «Nous sommes alliés et non ennemis, pour préserver nos ressources tout en produisant mieux», lance Amélie Chantereau, secrétaire régionale du SNE-FSU et agente de l’OFB. Elle reçoit des applaudissements nourris.

Son voisin, Joël Mayet, était chef adjoint du service départemental de l’OFB avant de prendre sa retraite, en 2023. Alors que les missions de la police de l’environnement sont caricaturées à des fins politiques par l’exécutif régional, il liste quelques-unes de ses réussites passées : la constatation d’une pollution grave aux métaux lourds ou l’effacement d’un plan d’eau illégal. Seuls 7,5% des contrôles menées par l’OFB concernent l’agriculture. En 2024, sur 140 contrôles réalisés en Auvergne-Rhône-Alpes, 27 ont abouti à des procédures administratives. «Notre travail ne sert pas à rien, il y a des résultats. Les propos récents tenus par certains protagonistes au sujet de l’OFB m’ont choqué.»
Plusieurs représentant·es d’associations environnementales locales tiennent le micro et rappellent pourquoi il faut protéger la biodiversité et le vivant. En rang d’oignon sous un barnum, chacun·e s’exprime au nom d’une espèce animale ou végétale présente sur le territoire. Derrière son masque de blaireau, une bénévole de France nature environnement fait preuve d’humour : «Mes blaireautins et moi, nous soutenons l’OFB, les paysans qui ont compris le principe de la coexistence, les associations qui cherchent à me protéger, celles et ceux qui aiment se balader dans une nature vivante.»

En guise de conclusion, Pierre Janot, avocat et élu d’opposition à la Région, annonce qu’une plainte contre X va être déposée au nom du groupe Les Écologistes pour abus de pouvoir et détournement de fonds publics. Dans leur courrier, Fabrice Pannekoucke et Laurent Wauquiez invitaient les agriculteur·ices à se tourner vers la Région «pour bénéficier d’une aide juridique en cas de litige» avec l’OFB. Ce qui revient, selon l’élu, à proposer d’utiliser les fonds régionaux, «nos impôts, pour aider juridiquement les contrevenants, les délinquants environnementaux». De quoi faire d’Auvergne-Rhône-Alpes «une collectivité territoriale rebelle contre les intérêts de l’État, contre les intérêts des pouvoirs publics, contre la justice environnementale», assène-t-il.
Cette plainte sera déposée avant la prochaine assemblée plénière de la Région. D’ici là, toutes les organisations qui le souhaitent peuvent se joindre à la procédure.
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