La tournée des grands-ducs. Pour la première fois en France, une enquête participative coordonnée par la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) dresse l’état des populations de chouettes et hiboux. Longtemps mal-aimés, ces oiseaux de nuit profitent des actions de protection mises en place depuis la fin du 20ème siècle.
Saviez-vous que certains rapaces nocturnes peuvent vivre le jour ? Que le plus grand hibou du monde, le bien nommé grand-duc d’Europe, habite nos régions ? Ou encore que certaines chouettes sont des «reliques glaciaires», dont les origines remontent à des millénaires ? Pour en savoir plus sur ces oiseaux méconnus, la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) organise à partir de ce samedi des «nuits de la chouette». Conférences, sorties nature, construction de nichoirs… des animations sont prévues dans les villes et villages de France du 1er au 31 mars.
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Pour les 30 ans de l’événement, l’association a publié une grande enquête participative sur les neuf espèces de rapaces nocturnes de France métropolitaine. Entre 2015 et 2018, plus de 1 200 ornithologues bénévoles ont sillonné le territoire à l’écoute de ces oiseaux de nuit, afin de cartographier leur présence. «C’est vraiment la première étude nationale qui traite de ce groupe d’espèces, avec un protocole strict», se félicite Jérémy Dupuy, qui a coordonné l’analyse des données récoltées pour la LPO.
«Beaucoup étaient proches de l’extinction»
Principal enseignement : «Les rapaces nocturnes sont un groupe qui se porte plutôt bien, avec des espèces qui sont plutôt stables voire en augmentation, détaille l’ornithologue. Beaucoup étaient proches de l’extinction, puis se sont mises à reconquérir des territoires à partir du moment où on les a protégées. C’est le même principe pour des oiseaux comme la cigogne (notre article) ou le héron.»
La palme de l’espèce la plus commune revient à la chouette hulotte, dont le chant lugubre est un classique des films d’horreur qui se déroulent en forêt. Avec plus de 260 000 couples nicheurs, ces grosses boules de plumes sont présentes sur l’ensemble de la métropole (à l’exception de la Corse). À l’inverse, le rapace nocturne le plus rare est le hibou des marais. Pour cause : la France se situe à l’extrémité de son aire de répartition.
Parmi les bonnes nouvelles, le retour en force du grand-duc d’Europe et ses 1,80 mètre d’envergure. «C’est une espèce qui a beaucoup été détruite au cours du 20ème siècle, elle s’est réfugiée en montagne et dans les zones reculées de la Provence, raconte Jérémy Dupuy. Avec les lois de protection des espèces des années 1970-1980 et la diminution du braconnage, il a reconquis petit à petit toute la moitié est du pays, et on le voit maintenant progresser dans l’ouest.»
Climat, agriculture intensive, collisions routières… de nouvelles menaces à surveiller
«Les rapaces nocturnes sont des prédateurs en haut de la chaîne alimentaire, ce sont de vrais ambassadeurs de l’état des écosystèmes, complète le spécialiste. Mais ils ont longtemps été considérés comme des oiseaux de mauvais augure». C’est notamment le cas de la belle chouette effraie (surnommée la «dame blanche»), qui était clouée aux portes des granges pour faire partir les mauvais esprits.
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Cette dernière est d’ailleurs la seule à voir ses populations diminuer dans le pays. Un déclin qui s’explique par trois facteurs : l’intensification de l’agriculture, qui dégrade son habitat ; les collisions avec les voitures le long des routes, où elle aime chercher des petits rongeurs ; et la disparition des cavités où elle niche (maisons rénovées, clochers grillagés…). Pour y remédier, la LPO et l’Office français de la biodiversité ont lancé une opération pour installer 3 000 nichoirs dans 60 départements.
D’autres pressions pèsent sur les rapaces nocturnes, comme la disparition des haies, où se plait la petite chevêche d’Athéna. À l’avenir, le changement climatique pourrait aussi bouleverser certaines espèces qui vivent dans les forêts d’altitude. Jérémy Dupuy cite le cas de la fragile chouette de Tengmalm : «Le réchauffement climatique risque d’impacter fortement les hêtraies et sapinières où elle vit, si bien qu’à terme, il y a fort à parier qu’elle disparaîtra des massifs forestiers du sud de l’Europe.»
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