Biodiversité

Dans le Jura, les forêts d’épicéas menacées par la hausse des températures

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Ça sent le sapin. Les arbres sont en première ligne face au réchauffement climatique. Illustration dans les montagnes jurassiennes, où les événements extrêmes affaiblissent les épicéas communs et les rendent plus vulnérables aux attaques d’insectes.

Le roi n’est plus maître en son royaume. Arbres symboliques du Jura, les épicéas dépérissent à cause d’une grave épidémie de scolytes. Ces petits insectes se développent sous l’écorce et prolifèrent avec la hausse des températures.

💡 Pollutions, surexploitation, changements climatiques… le «Giec de la biodiversité» a identifié cinq grandes causes de l’effondrement de la biodiversité. À l’occasion de la COP16 de Cali (Colombie), Vert part à la rencontre de cinq espèces qui symbolisent ces problématiques en France.

«Il y a toujours eu des épidémies régulières, ces dernières décennies, mais celle que l’on vit actuellement est accentuée par le réchauffement climatique», souligne Mathieu Mirabel, responsable du département de la santé des forêts à la région Bourgogne-Franche-Comté.

Depuis 2018, les pessières (plantations d’épicéas) de l’est de la France sont marquées par des dépérissements sans précédent. ©DSF BFC

Arbres affaiblis et insectes aguerris

Selon son suivi, entre 10 et 20% des surfaces d’épicéas et de sapins du massif jurassien sont concernées. «La hausse des températures joue à deux niveaux», complète l’expert. «Elle accentue l’affaiblissement des arbres en cas de sécheresse et permet un développement plus rapide des insectes ravageurs».

«Plus il fait chaud, plus leur cycle va s’accélérer et donc plus leur population va augmenter», détaille Coralie Bertheau-Rossel, spécialiste des relations plantes-insectes au laboratoire chrono-environnement de Besançon. Elle rappelle que ces petits coléoptères sont naturellement présents en petit nombre dans les forêts, où ils jouent un rôle crucial de «recycleurs» de bois mort.

Les scolytes sont un groupe de petits insectes qui se développent sous l’écorce des arbres. Le spécialiste de l’épicéa s’appelle le typographe. ©DSF BFC

Mais ils ne cessent de proliférer depuis 2018, à la faveur des sécheresses à répétition qui fragilisent les arbres jurassiens. Les paysages locaux gardent les stigmates de leur passage, avec des forêts entières noircies d’arbres morts.

Épicéas, mais aussi sapins, hêtres… Selon le dernier rapport de l’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN), la mortalité des forêts françaises a doublé en dix ans en raison du réchauffement climatique et de la prolifération de bioagresseurs. Un vrai cercle vicieux, puisque la végétation régule le climat en capturant le carbone qui le réchauffe.

L’économie locale remise en question

Plus globalement, le changement climatique est devenu l’une des principales causes de l’effondrement de la biodiversité. Les arbres sont particulièrement exposés : «leur aire de répartition bouge beaucoup plus lentement et ils meurent, non pas du réchauffement climatique, mais de parasites qui vont en profiter», explique Julien Azuara, chercheur en écologie végétale au laboratoire chrono-environnement.

«Dans le cas de l’épicéa, l’épidémie se propage d’autant plus facilement qu’on a de fortes densités de population», ajoute le scientifique. Après la Seconde Guerre mondiale, ce conifère de montagne a été planté massivement pour répondre aux besoins en bois, y compris en basse altitude.

Depuis quelques années, leur dépérissement massif – qui atteint 90% en plaine – bouleverse l’économie locale. Quand elles et ils remarquent un arbre attaqué (reconnaissable à sa sciure rouge), les gestionnaires des forêts doivent le couper ou enlever l’écorce. «Ça entraine une dépréciation économique du bois et pose la question d’un trou de production dans les années à venir, puisqu’on coupe plus d’arbres qu’il n’en faut», pointe Mathieu Mirabel.

«On n’a jamais été confronté à une telle épidémie, beaucoup de communes souffrent dans une région où la filière bois est importante», appuie Coralie Bertheau-Rossel, qui note tout de même un motif d’espoir. Dans les zones touchées, certains épicéas sont restés indemnes. Pour elle, cela pourrait être lié à un patrimoine génétique plus résistant, qui reste encore à démontrer.

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