Noyé, le poisson ? Dans l’océan Atlantique et en mer du Nord, les populations de cabillauds s’effondrent. Moratoires et quotas de pêche limitent aujourd’hui ce déclin, mais le réchauffement climatique apparaît comme une nouvelle menace.
On le mange en papillote ou à la vapeur, en filet séché et salé (on l’appelle alors «morue»), ou même sous forme d’huile de foie… Victime de la surpêche, le cabillaud est en grave déclin dans les eaux françaises.
💡 Pollutions, surexploitation, changements climatiques… le «Giec de la biodiversité» a identifié cinq grandes causes de l’effondrement de la biodiversité. À l’occasion de la COP16 de Cali (Colombie), Vert part à la rencontre de cinq espèces qui symbolisent ces problématiques en France.
«La pêche, notamment industrielle, est le principal levier de destruction de la biodiversité marine», pointe Frédéric Le Manach, directeur scientifique de l’association de protection des océans Bloom, en s’appuyant sur les conclusions du rapport global de l’IPBES (le «Giec de la biodiversité»).
«On pêche à un rythme qui ne laisse pas le temps aux populations de se reconstituer»
En France, le cabillaud est un cas d’école de la surpêche : dans les eaux au nord de la Bretagne (sa zone de présence historique en métropole), ce poisson d’eau froide est en grave déclin depuis des décennies. Même constat de l’autre côté de l’Atlantique, à Saint-Pierre-et-Miquelon, archipel français au large du Canada, où l’effondrement du cabillaud à la fin du XXe siècle a été un traumatisme pour l’économie locale.
«Les pêcheurs français, qui ont un rayon limité, ne pêchent plus le cabillaud», indique Frédéric Le Manach. «Ceux qui continuent sont plutôt les pêcheurs industriels, qui peuvent aller plus loin au large». Grand reproducteur (une femelle peut pondre plusieurs millions d’œufs), le cabillaud n’est pas en voie de disparition, mais il est classé «vulnérable» sur la liste rouge des espèces menacées de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN).
Saumons, sardines, merlus… le cas du cabillaud n’est pas isolé. «On pêche à un rythme qui ne laisse pas le temps aux populations de se reconstituer», souffle Frédéric Le Manach. Les bateaux remontent de plus en plus de jeunes poissons, avant que ceux-ci n’aient pu se reproduire.
L’effondrement du cabillaud a même atteint un point de non-retour à l’ouest de l’Atlantique. Les juvéniles sont mangés par des petits prédateurs, comme les capelans, qui étaient autrefois régulés par les gros cabillauds. «C’est ce qu’on appelle un “tipping point” [un «point de bascule» en anglais], quand le système bascule et qu’on ne peut plus revenir en arrière», analyse Patrick Giraudoux, professeur émérite d’écologie à l’université de Franche-Comté.
De la «guerre de la morue» au réchauffement climatique
Pour limiter l’épuisement des populations, des quotas de pêche ont été mis en place dans les eaux européennes. En 1992, après des années de «guerre à la morue» avec Saint-Pierre-et-Miquelon, le Canada a même instauré un moratoire (une suspension de la pêche), sur lequel il est finalement revenu en juin dernier.
Mais ces dernières années, une nouvelle menace plane sur le cabillaud : les changements climatiques (l’objet du prochain épisode de cette série). À cause du réchauffement des eaux, ce poisson d’eau froide a tendance à remonter vers le pôle Nord. En 2022, une étude a déterminé que le climat constituait un plus grand danger que la surpêche pour les populations de la mer du Nord.
Pourquoi, alors, trouve-t-on encore du cabillaud dans nos assiettes ? «Le marché du poisson est très mondialisé et donne cette illusion de l’abondance», explique Frédéric Le Malach. Une grande partie du cabillaud que nous consommons vient des eaux froides d’Europe du Nord, où les populations sont encore abondantes… pour le moment.
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