Océan ébullition. Moins visible que les grands incendies terrestres, une importante canicule marine frappe actuellement l’océan Atlantique. La biodiversité et la pêche risquent d’être totalement bouleversées.
Il n’y a pas que la forêt qui brûle. La température de l’océan nord Atlantique a atteint 23,05°C le 18 juin, soit 1,22°C de plus que la normale, selon l’Agence américaine d’observation océanique et atmosphérique (NOAA). «C’est inédit, on a jamais vu des températures de surface aussi élevées au mois de juin dans cette zone», s’alarme auprès de Vert Raphael Seguin, chercheur en écologie marine à l’Université de Montpellier.
En plus du réchauffement climatique, la zone pourrait être en train de subir les effets d’une moindre diffusion des poussières du Sahara dans l’atmosphère ainsi qu’une réduction des rejets de soufre par les bateaux. Deux éléments qui participent généralement à réfléchir les rayons du soleil dans l’atmosphère et ainsi contenir la température à la surface de l’eau. «C’est l’exemple parfait d’une combinaison de facteurs qui risque de rendre la situation encore plus compliquée à gérer. On entre maintenant dans l’inconnu», avance Raphael Seguin.
«Ces vagues de chaleur agissent comme des incendies»
Jusque-là, l’océan agissait comme un climatiseur géant pour la planète, absorbant près de 90% du réchauffement climatique global. La fréquence des vagues de chaleur marine, moins visibles, a pourtant déjà doublé depuis les années 1980, selon le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (Giec). Et le rythme s’accélère : près de 40 % des océans à l’échelle mondiale seraient actuellement en situation de canicule marine, selon la NOAA, c’est-à-dire avec des températures de surface plus élevée que 90% du temps, pendant au moins cinq jours consécutifs.
«Ces vagues de chaleur agissent comme des incendies, mais il n’y a pas de fumée pour nous alerter», illustre Raphael Seguin. Dans l’incapacité de fuir ce stress thermique extrême, les végétaux — comme les coraux, algues et éponges de mer — sont alors les premières victimes. Plus de 90% des coraux gorgones rouges ont par exemple disparu dans la Méditerranée entre 10 et 30 mètres de profondeur après une canicule marine l’année dernière.
«Le rythme de réchauffement est si rapide que l’adaptation est très compliquée. Cela pourrait produire des effets cascades, puisque le plancton n’aura plus rien à manger, les invertébrés et les poissons non plus», explique Raphael Seguin. Au final, les zones de pêche risquent d’être totalement bouleversées, ce qui pourrait mettre à mal l’équilibre alimentaire de certaines communautés.
Le phénomène risque aussi de provoquer des tempêtes (alimentées par des eaux plus chaudes) et des pluies plus importantes, tout en réduisant les capacités de stockage du carbone de l’océan. «Personne ne connait vraiment bien l’océan, mais notre avenir et notre quotidien en dépend», rappelle Raphael Seguin. Plus facilement prévisibles que sur terre, les canicules marines pourraient notamment être anticipées par des mesures d’urgence au secteur de la pêche afin d’éviter de trop lourdes pertes.
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