Décryptage

Fin de la banquise en été dès les années 2030 : sommes-nous tous foutus ?

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La fonte qui glace. La glace de mer de l’Arctique pour­rait fon­dre totale­ment en été dès la décen­nie 2030, alerte une étude sor­tie ce mer­cre­di. Un point de bas­cule irréversible a‑t-il été franchi ?

Le pre­mier mois de sep­tem­bre sans glace de mer en Arc­tique pour­rait sur­venir dès les années 2030, selon les auteur·rices de cette impor­tante étude parue dans Nature com­mu­ni­ca­tions. Ce mois, util­isé comme référence par les glacio­logues, est celui où la ban­quise atteint sa plus faible super­fi­cie chaque année. C’est une décen­nie plus tôt que ce qu’avaient anticipé les sci­en­tifiques du Groupe d’experts inter­gou­verne­men­tal sur l’évolution du cli­mat (Giec).

C’est la pre­mière fois que des sci­en­tifiques parvi­en­nent à une esti­ma­tion aus­si alar­mante, qui devrait sur­venir même dans un scé­nario «opti­miste», avec de faibles émis­sions de gaz à effet de serre. «Quoi qu’on fasse, on per­dra la ban­quise d’ici quelques années pen­dant l’été», selon Hei­di Sevestre, glacio­logue, qui n’a pas par­ticipé à l’étude.

A‑t-on pour autant atteint un point de bas­cule, ce moment à par­tir duquel un sys­tème change irréversible­ment d’état ? «L’article ne le dit pas», relève la sci­en­tifique. Pour Hei­di Sevestre, la notion est débattue par­mi les sci­en­tifiques : «Si les tem­péra­tures redescen­dent, la ban­quise revien­dra, mais vu la vitesse de réchauf­fe­ment de l’océan, c’est dif­fi­cile­ment réversible».

«Grand climatiseur» du Groenland

La dis­pari­tion de la ban­quise — de l’eau glacée déjà présente dans l’océan — n’entraînera pas directe­ment une élé­va­tion de la mer. À l’inverse de la glace d’eau douce présente sur la terre du Groen­land qui, si elle fond, élèvera l’océan. Mais la fonte de la glace de mer entraîn­era inéluctable­ment un réchauf­fe­ment de la région : immense espace blanc, la ban­quise réflé­chit la lumière quand le soleil brille 24 heures sur 24 en été. Elle per­met de faire descen­dre la tem­péra­ture de l’Arctique, à l’image d’un «grand cli­ma­tiseur», illus­tre Hei­di Sevestre, et de garder le reste des glaces solides.

Signal d’alarme pour les autres écosystèmes

Sans cette ban­quise, l’océan — som­bre — absorbe la chaleur et se réchauffe automa­tique­ment, entraî­nant une hausse glob­ale de la tem­péra­ture, qui fait fon­dre à nou­veau la glace, etc.

En out­re, «tant que l’Arctique reste froid, le cli­mat est rel­a­tive­ment sta­ble dans l’hémisphère nord», pré­cise la glacio­logue. L’élévation de la tem­péra­ture glob­ale causée par la fonte de la ban­quise risque en retour d’entraîner des évène­ments cli­ma­tiques extrêmes : canicules, sécher­ess­es, inon­da­tions…

La dis­pari­tion de la ban­quise esti­vale est directe­ment liée aux émis­sions de gaz à effet de serre dues aux activ­ités humaines, souligne l’étude. «Plus on brûle d’énergies fos­siles, plus on fait tomber des écosys­tèmes comme la ban­quise», met en garde Hei­di Sevestre.

Cette annonce majeure dans la com­mu­nauté sci­en­tifique ne doit pas démo­bilis­er la pop­u­la­tion. S’il est déjà «trop tard pour la ban­quise», pour Dirk Notz, de l’université de Ham­bourg, co-auteur de l’étude auprès de The Guardian, les autres écosys­tèmes comme les coraux, les forêts vierges, doivent être pro­tégés, intime Heï­di Sevestre. «C’est un sig­nal d’alarme énorme, mais il est encore temps de sauver tout le reste».