Dans l'actu

La pêche industrielle détruit l’océan et crée deux fois moins d’emplois que la pêche côtière, selon l’association Bloom

  • Par

Pique et pêche. Grâce à une nouvelle méthode d’évaluation des impacts des navires de pêche, l’association de défense des océans, Bloom, montre que la pêche industrielle émet plus de gaz à effet de serre, endommage les fonds marins et crée moins d’emplois que la pêche côtière.

L’association Bloom a travaillé pendant une année aux côtés d’une équipe de chercheur·ses, du laboratoire d’idée The Shift Project et de la coopérative Atelier des jours à venir pour élaborer de nouveaux critères permettant de mesurer les impacts de la pêche sur l’océan, sur l’économie et sur les pêcheurs eux-mêmes. Le résultat de cette vaste étude a été publié ce mercredi 24 janvier.

Pour Claire Nouvian, la fondatrice de Bloom, il s’agissait de sortir d’une évaluation sur le seul critère de la productivité, dont les conséquences sur la santé des espaces marins s’avèrent absolument désastreuses. L’équipe s’est concentrée sur les flotilles françaises qui interviennent sur la façade Atlantique-Nord, entre Dunkerque et Hendaye, soit environ 2700 navires dont les volumes pêchés représentent 70% des prises métropolitaines. Un prochain bilan se penchera sur la Méditerranée.

Pêcheries côtières et chalutiers

Si l’océan est aujourd’hui très fragilisé par le réchauffement climatique, «la première cause de destruction de la biodiversité marine demeure la pêche professionnelle, rappelle Bloom ce mercredi 24 janvier lors de la présentation de son rapport. Dans l’Atlantique Nord, elle a conduit à une réduction de 90% de l’abondance des espèces prédatrices comme le cabillaud ou le flétan depuis 1900».

Reste que cette «pêche professionnelle» désigne des réalités très différentes dans les méthodes et les effets : entre pêcheries artisanales et chalutiers, les impacts n‘ont rien de comparable. Si ces différences sont bien documentées depuis de longues années, la nouvelle comptabilité proposée par Bloom offre une vue d’ensemble plus nette.

10 critères pour évaluer

Sur quels critères repose l’évaluation ? Il y en a une dizaine. On en compte 5 pour mesurer les principales empreintes de la pêche au niveau environnemental : la surexploitation, les juvéniles, l’abrasion des fonds marins, les espèces sensibles et l’empreinte carbone. Et 5 autres pour évaluer les résultats économiques et sociaux des flottilles : l’emploi, les salaires, la richesse créée (par emploi ou par tonne produite), la rentabilité et le recours aux subventions publiques.

Une fois tous ces critères appliqués, la pêche industrielle se taille la part du lion de mer en matière d’effets délétères : elle est plus émettrice en dioxyde de carbone (37% des émissions du secteur, contre 17% pour la pêche côtière) ; par sa pratique de la pêche au chalut, qui racle les fonds marins, elle est beaucoup plus destructrice que celle pratiquée avec des lignes, des filets ou des casiers ; elle crée deux fois moins d’emplois que la petite pêche côtière et s’avère aussi moins rentable. Enfin, et surtout, elle «aspire» 55% des subventions publiques (contre 16% pour la pêche côtière).

«Aujourd’hui, on subventionne donc les mauvais bateaux, mauvais tant au niveau écologique qu’économique», résume Didier Gascuel, professeur en écologie marine qui a participé aux travaux.

Photo d’illustration : Paul Einerhand/Unsplash