Senne de crime. Au moment même où se tiennent les Assises annuelles de la pêche à La Rochelle (Charente-Maritime), de multiples voix exhortent le gouvernement français à peser pour faire interdire à Bruxelles la pêche à la senne démersale – une technique qui menace les océans et les petits pêcheurs.
Entamée depuis plusieurs mois par les pêcheur·ses du nord de la France, la mobilisation contre la pêche à la senne a pris une tournure beaucoup plus politique, ce mardi, avec la parution dans le Monde d’une tribune signée par 120 parlementaires de tous bords. Elles et ils enjoignent au gouvernement français d’exercer son pouvoir pour faire interdire cette technique de pêche au niveau européen. Le président de la région Hauts-de-France, Xavier Bertrand (LR) a lui aussi appelé à une « mobilisation sans faille de l’État auprès des institutions européennes ».
Outre les menaces sur la biodiversité, élu·es et comités régionaux des pêches s’inquiètent pour l’économie locale. Depuis la fin des années 2000, petits et moyens bateaux français souffrent de la concurrence de géants technologiques en provenance des Pays-Bas et de Belgique. Le député communiste normand Sébastien Jumel (PCF) évoque à ce sujet une « hémorragie de l’emploi qui croise une hémorragie de la ressource sauvage ».
Réalisé par deux organisations de pêcheurs, un récent sondage a montré que les pêcheurs locaux souhaitent faire interdire la pêche à la senne démersale à la quasi-unanimité (98 % des 208 répondant·es). À la tête de l’association Bloom, qui œuvre à la sauvegarde des mers, Claire Nouvian alerte sur une « urgence écologique et sociale. La dévitalisation du port de Dunkerque, par exemple, est la conséquence réelle et directe de politiques publiques inadaptées et mortifères ». Elle fustige la « course à la technologie qui accroît les revenus, mais laisse un désert derrière ».
Le 12 juillet dernier, l’espoir d’une interdiction de la pêche dite « danoise » a atteint son paroxysme. Un amendement à la politique commune de pêche (PCP), actuellement en révision, porté par l’eurodéputée belge Carole Roose (Verts-ALE) a été approuvé en commission Pêche du parlement européen. Il vise à interdire la pêche à la senne démersale dans les eaux territoriales françaises proches des côtes (moins de 12 milles nautiques) dans la Manche. Celle-ci a déjà été interdite en Bretagne et en Nouvelle-Aquitaine par arrêté préfectoral. Des arrêtés qui, s’ils étaient pris en Normandie et dans les Hauts-de-France, ne concerneraient que les bateaux français ; les pavillons étrangers étant régis par les lois européennes. Or, sur les 54 senneurs identifiés par l’association Bloom dans cette zone, 40 appartiennent à des armateurs néerlandais.
Pour être définitivement adopté par l’Union européenne, l’amendement du parlement doit désormais être validé dans le cadre d’un « trilogue » entre instances européennes (Commission, Conseil et Parlement européen) qui se tiendra jeudi 29 septembre. Sébastien Jumel entend rassembler largement des parlementaires pour déposer une proposition de résolution européenne dans les prochains jours et « faire entendre la voix des Quais ». De son côté, l’association Bloom a lancé une pétition qui a déjà recueilli 15 000 signatures. Contactés par Vert, la représentation de la France à Bruxelles et le secrétariat d’État à la mer n’ont pas répondu à nos questions.
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