Analyse

Le palais des congrès de Nice, «un projet écologique aberrant» pour accueillir la conférence des Nations unies sur l’océan

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Nice fait, ni à faire. La mairie de Nice vient de dévoiler les plans du nouveau palais des congrès, qui hébergera la conférence des Nations unies sur l’océan en juin 2025. «Gâchis de béton», risques de submersions… le projet ne fait pas l’unanimité.

«Il y a une incohérence entre la carte postale et la réalité», déplore auprès de Vert Thomas Ghestem, membre du réseau d’associations l’Alliance écologique sociale (AES) des Alpes-Maritimes, à propos du futur palais des congrès de Nice. Les travaux ont commencé mi-octobre sur le quai Infernet, où le bâtiment doit être construit en cinq mois, afin d’accueillir 30 000 participant·es lors de la conférence des Nations unies sur l’océan (Unoc) de juin prochain.

À l’été 2023, la mairie a fait démolir l’ancien palais des congrès, l’Acropolis, parce que, selon elle, le bâtiment ne répondait plus aux attentes des organisateur·ices de grands congrès. Pour le remplacer, elle promet «une grande halle événementielle» faite de verre et de bois. «Semi-permanente», celle-ci sera démontée après quelques années d’utilisation. Elle jouxtera une nouvelle gare maritime qui accueillera des «navires électrifiés» et «des croisières haut-de-gamme».

Rassemblement des opposants·es au projet en juin 2023. © Alliance écologique et sociale

Alors que le maire (Horizons) Christian Estrosi préside une coalition mondiale des villes côtières menacées par la montée des eaux, ce choix en fait tiquer plus d’un·e. «Le projet [de centre des congrès] est aberrant tant sur le plan écologique qu’économique», affirmait ainsi l’AES en juin 2023, dans une lettre adressée à l’ONU, l’un des financeurs du projet.

«Le crédo du maire est de détruire pour reconstruire», déplore Thomas Ghestem. Un constat que partage l’élue écologiste de l’opposition, Juliette Chesnel-Roux, qui regrette «beaucoup de béton gâché».

Une digue fragile pour protéger des risques de submersions

«On est un peu inquiets pour le système de protection du port», ajoute la conseillère municipale. Le palais des congrès se situe au bout du quai Infernet, protégé par la digue. En 2021, un rapport du Cerema, le centre d’expertise public sur la transition écologique et l’aménagement, avait souligné la fragilité de cette infrastructure, qui protège le port des tempêtes, des vagues et autres coups de mer. Des travaux à 25 millions d’euros étaient préconisés pour éviter les risques d’affaissement et colmater les brèches.

Nice est l’une des métropoles françaises qui seront les plus touchées par l’élévation du niveau de la mer, selon plusieurs projections scientifiques. D’après une simulation de l’organisation scientifique Climate central, son aéroport pourrait être sous l’eau d’ici à 2050. La mairie prévoit pourtant l’extension d’un de ses terminaux.

«À partir de 2040, on risque d’assister à une accélération de la fréquence des submersions», rappelle à Vert Joël Guiot, directeur de recherche émérite au Centre national de la recherche scientifique (CNRS) sur le changement climatique et membre d’un groupe d’experts qui étudie les conséquences de la crise climatique sur la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Les zones les plus proches de la mer seront plus souvent submergées lors des tempêtes. Est-ce pour cette raison que le nouveau palais des congrès sera déconstruit après utilisation ? Contactée par Vert, la mairie n’a pas souhaité répondre à nos questions.

Un projet à 20 millions d’euros

Juliette Chesnel-Roux déplore également le coût du projet – 20 millions d’euros – qui, selon elle, auraient pu servir à adapter la ville aux effets de la crise climatique. La mairie avait d’abord débloqué la somme en conseil municipal pour financer elle-même le projet, avant d’annoncer que ce sera finalement la métropole de Nice qui le prendra en charge. Le palais des congrès sera ensuite loué pour dix millions d’euros à l’État pour le Sommet des océans.

«Alors que la ville est déjà endettée, on pourrait plutôt réfléchir à la végétaliser», propose l’élue d’opposition. Une allusion aux 60 nuits tropicales consécutives – au dessus de 20 degrés – qu’a connues la métropole cet été.

Le montant de ces nouveaux équipements est d’autant plus décrié qu’ils seront «semi-provisoires», sans que l’on sache précisément après combien d’années ils seront démontés. Ils doivent accueillir le village des médias à l’occasion des Jeux olympiques d’hiver 2030 et le Nice boating tomorrow fin 2025, «un salon consacré au nautisme de demain».

Image de synthèse du projet du palais des congrès et de la gare maritime. © Métropole Nice Côte d’Azur

«La politique de Monsieur Estrosi ne prépare pas la ville aux effets du changement climatique, car elle suit une logique d’accroissement du tourisme international et priorise l’accueil de grands sommets internationaux», s’insurge Thomas Ghestem. Selon la mairie, 37 organisateur·ices de congrès seraient déjà intéressés pour louer le nouveau palais.

Navires électrifiés et croisières de luxe

Quant à l’accueil de navires électrifiés et de croisières haut-de-gamme prévu dans le projet, rien de surprenant, selon Juliette Chesnel-Roux. «On est dans une ville qui est un modèle de luxe», assène-t-elle. Penser à l’électrique pour ces bateaux, c’est toujours trouver des solutions techniques à un problème qui est celui de leur inutilité».

Une stratégie du luxe à rebours des recommandations de la plateforme océan-climat pour l’adaptation des villes côtières, qui souligne l’importance de la justice sociale dans les stratégies d’aménagement. Une étude publiée dans Nature cities fin août montre que la majorité des villes côtières sont insuffisamment préparées aux effets du réchauffement climatique. Selon elle, les solutions fondées sur la nature sont plus efficaces que les réponses techniques.

L’Alliance écologique et sociale réfléchit, elle, à l’organisation d’un contre-sommet en juin prochain.

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