Dans un jugement historique rendu le 3 février 2021 (notre article sur ce sujet), le tribunal administratif de Paris avait pointé les « carences fautives de l’Etat », condamné pour n’avoir pas respecté ses propres objectifs de réduction de gaz à effet de serre entre 2015 et 2018 (Stratégie nationale bas-carbone). Une inaction aux conséquences potentiellement lourdes sur le climat, contre laquelle se battent de concert les quatre ONG (Greenpeace, Oxfam, Notre affaire à tous et la Fondation Nicolas Hulot) à l’origine de l’« Affaire du siècle ». Début 2019, en parallèle de l’immense succès de leur pétition signée par 2,3 millions de personnes – un record, les associations avaient lancé une action en justice pour contraindre l’État à agir.
Ce jeudi, huit mois après cette condamnation inédite mais encore symbolique, la rapporteuse publique du tribunal administratif présentait ses recommandations sur les actes à suivre par le gouvernement. La magistrate s’est refusée à préconiser des actions précises : « Il ne s’agit pas de dicter au gouvernement quelle doit être sa politique climatique, mais de lui dire que ses engagements doivent être respectés et que leur non-respect engage sa responsabilité », a expliqué Anne Baratin aux juges. Elle leur a toutefois demandé de prononcer une « injonction » pour contraindre le gouvernement à prendre « toutes les mesures utiles » avant le 31 décembre 2022, afin de réparer le « préjudice écologique » lié à ses trop fortes émissions.
Mais la rapporteuse n’a pas demandé aux juges de fixer d’astreinte financière, alors que les associations réclamaient 78,5 millions d’euros par semestre de retard mais il s’agit tout de même d’une « immense victoire », s’est félicité Emmanuel Daoud, avocat de l’association Notre Affaire à tous. Le tribunal devrait se prononcer d’ici deux à trois semaines.
Autre affaire, même urgence. Dans une décision rendue début juillet, le Conseil d’Etat a donné neuf mois au gouvernement pour que celui-ci prenne des mesures suffisamment ambitieuses pour réduire les émissions nationales de 40 % d’ici 2030 par rapport à 1990. L’instance avait été saisie en janvier 2019 par la commune de Grande-Synthe (Nord), qui plaidait que ses administré·e·s étaient mis·es en danger par l’inaction de l’exécutif. Le Conseil d’État estime que cette demande est valable, alors que « la baisse des émissions en 2019 est faible et que celle de 2020 n’est pas significative car l’activité économique a été réduite ».
Comme le Haut-Conseil pour le climat l’a souligné en juillet 2020, la France est hors des clous (rapport) pour réduire ses émissions de 40% d’ici dix ans. Pis, depuis, l’Union européenne s’est donné un nouvel objectif à atteindre pour 2030 : -55%. C’est acculé de toutes parts dans son pays que l’exécutif se rendra à Glasgow dans un mois lors de la 26ème conférence de l’ONU sur le climat (COP26).