Remède à la gueule de bois électorale. Lors de son déplacement dans les Hauts-de-France hier, au lendemain du premier tour de la présidentielle, le président-candidat Emmanuel Macron a reconnu que son projet devait être « enrichi, notamment sur l’écologie ». Vert lui a mâché le travail.
Pour remporter son duel face à Marine Le Pen, Emmanuel Macron doit adresser des signaux clairs aux électeur·rices de gauche et à la jeunesse qui l’ont boudé. Si Jean-Luc Mélenchon a appelé à « ne pas donner une voix » à Marine Le Pen, Yannick Jadot a rappelé que le vote à Emmanuel Macron pour faire barrage à l’extrême droite « ne vaut pas caution pour ce quinquennat de l’inaction climatique (…) et du mépris démocratique ».
Les préoccupations de ces électeur·rices sont largement négligées dans le programme du président. Souvent déçu·es par un mandat qui est allé à l’encontre du climat et de la justice sociale, elles et ils ne veulent pas se faire avoir une nouvelle fois.
Alors que l’État français a été reconnu coupable par la justice de « carence fautive » dans la lutte contre le réchauffement climatique, Emmanuel Macron pourrait commencer par expliquer comment il compte atteindre la neutralité carbone – soit l’équilibre entre le CO2 émis et celui que l’on est capable d’absorber – d’ici à 2050. Comme l’indique l’analyse réalisée par les Shifters, le programme du candidat sur la décarbonation « fixe des objectifs plus qu’[il] ne présente des mesures à mettre en œuvre », voire comporte des angles morts au regard de la Stratégie nationale bas-carbone (SNBC, la feuille de route de la France pour lutter contre le changement climatique). Pour l’heure, seule la construction de nouveaux réacteurs nucléaires EPR2 lui tient lieu de programme, ou presque.
Il aurait été bien inspiré d’écouter les propositions de la Convention citoyenne sur le climat, instance qui avait pour mission de trouver comment réduire les émissions nationales de 40 % d’ici à 2030, « dans un esprit de justice sociale ». Emmanuel Macron avait promis de reprendre « sans filtre » ses quelque 150 mesures ; détricotée par les lobbies, la loi « climat et résilience » qui en a découlé s’est révélée bien décevante. En matière démocratique donc, le candidat Macron pourrait aussi choisir d’être plus à l’écoute et de renoncer aux slogans, ainsi que lui suggèrent les associations réunies dans le pacte démocratique.

Sur le front de l’agriculture, nombre de chantiers pourraient être revus : l’interdiction du glyphosate (prévue, mais remise aux calendes grecques) et des néonicotinoïdes (autorisés de nouveau alors qu’ils étaient interdits par la loi) pourrait enfin être mise en œuvre. Plutôt que de favoriser l’agriculture industrielle, la déclinaison française de la Politique agricole commune pourrait conditionner ses aides à celles et ceux qui usent de pratiques écologiques. Si la guerre en Ukraine laisse présager un recul sur ce sujet (nous l’expliquions ici) il demeure que ces questions sont plus urgentes que jamais pour protéger la santé humaine et la biodiversité. Sur le sujet, Emmanuel Macron peut se référer aux propositions faites par l’association Générations futures.
Comme le rappelait récemment Claire Nouvian, la fondatrice de l’association Bloom, « l’inaction pour l’environnement est coupable, mais l’action contre l’environnement est criminelle ». En matière de gestion des forêts publiques, d’aménagement du territoire, d’extraction minière, de cadeaux faits aux chasseurs ou aux pêcheurs industriels, nombre de chantiers mériteraient d’être considérés avec plus de responsabilité par celui qui a reçu de l’ONU le prix des Champions de la Terre.
Enfin, puisque fin du monde et fin du mois vont de pair, surtout dans un contexte inflationniste, il est crucial d’envisager, comme le suggère l’économiste Thomas Piketty, « une meilleure redistribution des richesses et un mea culpa enfin sincère sur les errements au pouvoir ».
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