Et en même temps. Depuis Belfort (Territoire de Belfort), où il s’est rendu pour annoncer le rachat de General Electric par EDF, le président en campagne a fixé un nouveau cap pour le futur énergétique du pays. Tant pis pour celles et ceux qui espéraient une transition franche vers un mix énergétique composé à 100% de renouvelables – ou tout-nucléaire, d’ailleurs. « Aucun expert ne dit que ces deux schémas sont réalistes, sérieux, possibles pour la nation, a‑t-il tranché, s’appuyant sur la récente étude du gestionnaire de réseau RTE, qui a ébauché six pistes vers la sortie des fossiles pour 2050 (notre article). Avec l’électrification de nombreux usages et la fin programmée des énergies fossiles à plus ou moins longue échéance, « la réalité […], c’est que nous n’avons d’autre choix que de miser en même temps sur ces deux piliers », a jugé Emmanuel Macron.
Une manière de clore un débat qui mérite pourtant d’être posé : l’association negaWatt a échafaudé des scénarios vers le tout-renouvelable (voir ci-dessous) ; s’ils posent des défis techniques indéniables, ils ne sont pas hors d’atteinte. Mais pour cela, il faudrait se résoudre à davantage de sobriété, ce que n’envisage pas le président. Au reste, trois des six scénarios de RTE envisagent de ne pas construire de nouveaux réacteurs, contrairement à ce qu’a indiqué Emmanuel Macron.
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Ainsi, Emmanuel Macron a promis le début des travaux « à horizon 2028 » de six réacteurs à eau pressurisée EPR2, pour une mise en service d’ici 2035. Un délai qui impose de prolonger la durée de vie de « tous les réacteurs nucléaires qui peuvent l’être sans rien céder sur la sûreté », au-delà de 50 ans dans la mesure du possible. Le discours du candidat de 2022 tranche avec celui qui fut le sien cinq ans plus tôt : « Nous réduirons notre dépendance à l’énergie nucléaire, avec l’objectif de 50% d’énergie nucléaire à l’horizon 2025 », promettait l’aspirant à l’Elysée en 2017. Un an plus tard, il déclarait vouloir fermer 14 réacteurs d’ici 2035. A Belfort, il a annoncé que huit EPR 2 supplémentaires étaient à l’étude, soit un total de… 14 nouveaux réacteurs. Il a également promis de « doubler la production électrique des énergies renouvelables d’ici 2030 ». 50 parcs éoliens en mer devraient voir le jour d’ici 2050, et la capacité de l’éolien terrestre devrait être multipliée par deux.
Une drôle de conception du débat
Pour que l’on ne l’accuse pas de décider seul, le président a promis « une large concertation du public » qui « aura lieu au second semestre 2022 sur l’énergie, puis des discussions parlementaires se tiendront en 2023 pour réviser la programmation pluriannuelle de l’énergie », le texte qui fixe la stratégie nationale en matière de transition énergétique. Des discussions qui interviennent, donc, après que le président aura tranché.
Une fois encore, comme ce fut le cas à chaque génération de centrales nucléaires, l’exécutif engage le pays dans la construction de réacteurs sans avoir consulté les citoyen·nes — ni même leurs représentant·es à l’Assemblée nationale. En décembre dernier, la Commission nationale du débat public (CNDP) avait jugé dans un avis qu’il s’agissait pourtant d’« un choix démocratique majeur, engageant les générations futures. Toute personne vivant en France doit pouvoir être pleinement informée de ces enjeux et participer à l’élaboration des décisions concernant cette politique. Faute de débat, il est à craindre « une radicalisation des conflits et un accroissement de la défiance à l’égard des responsables publics », avait prévenu la CNDP.
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La discussion publique apparaît d’autant plus nécessaire qu’il s’agit, ni plus ni moins, que d’engager le pays dans des transformations profondes qui doivent lui permettre d’affronter le bouleversement du climat. En outre, le seul réacteur mis en chantier depuis 1991, c’est l’EPR de Flamanville (Manche), véritable fiasco industriel. Ce réacteur de nouvelle génération, en travaux depuis 2007, devait entrer en service cinq ans plus tard et coûter trois milliards d’euros ; à cause d’innombrables retards, il ne devrait pas commencer à produire avant la mi-2023, et la facture s’est envolée à 19 milliards d’euros, selon la Cour des comptes.
Outre le torrent de critiques de la droite, qui lui reproche d’avoir viré sa cuti, ou de la gauche, qui tance son entêtement dans le nucléaire, les annonces du président ont particulièrement inspiré les réseaux sociaux. Mieux vaut en rire, à défaut d’avoir son mot à dire.
Pour tout comprendre aux mille sujets qui entourent l’atome, lisez notre dossier sur les neuf idées reçues qui polluent les débats sur le nucléaire.