Analyse

En campagne, Emmanuel Macron fait sa transition nucléaire

Nucléaire de la campagne. Autrefois timide sur le sujet, Emmanuel Macron se positionne désormais clairement en faveur du développement du nucléaire alors que les prix de l'énergie flambent et que l'élection présidentielle se rapproche.
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Ce mar­di matin, le prési­dent de la République présen­tait France 2030 : un pro­gramme d’in­vestisse­ment pub­lic dans plusieurs nou­velles tech­nolo­gies. Une enveloppe d’un mil­liard d’eu­ros sera attribuée au nucléaire, dont une par­tie devra encour­ager la recherche et développe­ment autour des Small mod­u­lar reac­tors (SMR). Ces petits réac­teurs nucléaires ont une puis­sance com­prise entre 50 et 250 mégawatts (MW), con­tre 900 à 1 400 MW pour les réac­teurs déjà instal­lés en France. Alors que le chantier du nou­v­el EPR de Fla­manville — et ses réac­teurs de 1 700 MW — est un véri­ta­ble fias­co et endette lour­de­ment EDF, l’exé­cu­tif veut pro­mou­voir ces petits réac­teurs comme une alter­na­tive plus sim­ple et déploy­able rapi­de­ment, d’i­ci 2030. Une tech­nolo­gie encore bal­bu­tiante : pour l’heure, il n’ex­iste qu’un seul SMR en activ­ité, en Russie, et 70 autres sont en pro­jet (lire l’ar­ti­cle de 20 Min­utes à ce sujet).

En par­al­lèle, depuis la fin 2019, EDF, le min­istère des finances et celui de la tran­si­tion écologique planchent à la demande du gou­verne­ment sur la con­struc­tion de six nou­veaux réac­teurs EPR (à eau pres­surisée) : d’après un doc­u­ment con­sultés par Con­texte, leur coût pour­rait se mon­ter à 47,2 mil­liards d’eu­ros et les instal­la­tions seront « mis­es en ser­vice » entre 2035 et 2044.

Dimanche, le min­istre de l’é­conomie Bruno Le Maire pub­li­ait une tri­bune avec ses homo­logues de neuf pays (dont la Pologne, la République Tchèque ou la Fin­lande), appelant l’UE à con­sid­ér­er le nucléaire comme une énergie « verte », dans le cadre de la nou­velle tax­onomie européenne (les expli­ca­tions de Car­bone 4). Ce qui lui per­me­t­trait de béné­fici­er de béné­fici­er de cer­tains flux financiers des­tines à la tran­si­tion vers une économie « durable ». Dans leur mis­sive, les sig­nataires plaident que l’atome « con­tribue de manière déci­sive à l’indépendance de nos sources de pro­duc­tion d’énergie et d’électricité », alors que les prix du gaz et de l’élec­tric­ité flam­bent (Vert).

Emmanuel Macron en 2016, alors min­istre de l’é­conomie, vis­ite la cen­trale nucléaire de Civaux en com­pag­nie de Jean-Bernard Levy, PDG d’EDF © Guil­laume Sou­vant / AFP

Mais Emmanuel Macron n’a pas tou­jours défendu l’atome. « Nous réduirons notre dépen­dance à l’én­ergie nucléaire, avec l’ob­jec­tif de 50% d’én­ergie nucléaire à l’hori­zon 2025 », promet­tait le can­di­dat à l’élec­tion prési­den­tielle de 2017. A qua­tre années de l’échéance annon­cée, le nucléaire com­pose tou­jours près de 75% du mix élec­trique. Dans son pro­gramme, il prévoy­ait la fer­me­ture de la cen­trale de Fes­sen­heim, réal­isée en 2020. Et se remet­tait prudem­ment à l’avis de l’Au­torité de sûreté du nucléaire pour décider de la pro­lon­ga­tion des plus vieilles cen­trales au-delà de 40 années d’ex­ploita­tion : ce à quoi l’ASN a ouvert la voie en févri­er 2021 (Vert). Un an plus tard, en 2018, il annonçait vouloir fer­mer 14 réac­teurs d’i­ci 2035.

Depuis des mois, la droite (comme l’ex­trême droite) mène une bataille féroce con­tre les éner­gies renou­ve­lables. En tête desquelles fig­urent l’éolien, qui se développe de manière « anar­chique » et représente un « déni de démoc­ra­tie » pour Xavier Bertrand, can­di­dat à l’in­vesti­ture à l’élec­tion prési­den­tielle pour Les Répub­li­cains. Fin août, ce dernier dénonçait l’absence de « déci­sion courageuse sur le nucléaire » (Figaro). Emmanuel Macron aura donc décidé de tranch­er sa posi­tion pour couper l’herbe sous le pied de ses adver­saires les plus directs.