Signe de l’importance de cette mobilisation ô combien symbolique : c’est la première grève de la Commission nationale du débat public (CNDP), en trente ans d’existence. Cette autorité indépendante veille à la participation du public sur l’élaboration des projets ayant un impact sur l’environnement. Elle accompagne la mise en œuvre de projets pour assurer que le public est informé de leurs implications et puisse exprimer son avis, et garantit que les responsables répondent aux interrogations du public.
Le gouvernement a pour projet de réformer la CNDP depuis plus d’un an, dans l’idée de gagner du temps sur la mise en place de projets pour accélérer la réindustrialisation de la France. Concrètement, cette réforme viendrait supprimer les projets industriels de la liste du Code de l’environnement qui régit les infrastructures concernées par le débat public obligatoire. Mine de lithium, usine de batteries, projets de reconversion de centrales à charbon… un ensemble considérable d’établissements ne seraient plus assujettis au débat public, pourtant essentiel pour améliorer les infrastructures et réduire leurs impacts. «Les projets industriels représentent une part importante de l’activité de la CNDP, et sans doute l’une des parts les plus emblématiques car ils sont très localisés dans un territoire, et font partie des débats publics qui mobilisent le plus la population», détaille Florent Guignard, salarié gréviste de la CNDP, auprès de Vert.
La réforme «fait presque l’unanimité contre elle»
Cette simplification avait d’abord été évoquée en janvier 2024 par Gabriel Attal, alors premier ministre, lors de sa déclaration de politique générale. Les mesures concrètes de la réforme avaient ensuite été annoncées par son successeur, Michel Barnier, à Limoges (Haute-Vienne), le 29 novembre dernier, quelques jours seulement avant la censure de son gouvernement. Ironie du sort, c’est lui qui avait créé la CNDP en 1995 avec la loi Barnier.

Le 4 décembre, un décret actant ces modifications avait été mis en consultation publique, avec des résultats plutôt nets. Sur les plus de 4 000 contributions enregistrées, «on en a dénombré seulement onze qui sont favorables à la réforme, a noté Florent Guignard. Elle fait presque l’unanimité contre elle.»
«Cela ne signifie pas seulement que la population n’aura plus son mot à dire sur ces projets, mais aussi qu’elle ne sera même pas informée de leur existence, de leur impact, de leur coût…», avait regretté Ilaria Casillo, vice-présidente de la CNDP, au moment de la consultation de décembre. «Fragiliser la CNDP, c’est renoncer à une participation citoyenne où les gouvernants ne sont pas les seuls à décider ce qui doit être débattu en démocratie», s’étaient inquiété·es les politistes Alice Mazeaud et Guillaume Courgues dans une tribune dans le Monde.
Affaiblir, voire supprimer la CNDP
Lundi, le gouvernement a annoncé que cette réforme serait finalement proposée sous la forme d’un amendement dans le projet de loi sur la simplification de la vie économique, dont l’examen a débuté le même jour en commission. Le décret aurait été abandonné après avoir été retoqué par le Conseil d’État, d’après une information du média Contexte et rapportée à Vert par plusieurs sources. Le Conseil d’État n’a pas été en mesure de confirmer : «Les avis que nous rendons dans le cadre de notre fonction consultative appartiennent aux demandeurs et il leur revient l’initiative de communiquer», précise l’instance.
La Commission nationale du débat public risque d’être prise pour cible au cours de l’examen de cette loi. Ces derniers mois, des député·es de la droite et de l’extrême droite ont fait connaître leur intention de supprimer la CNDP, jugée inefficace et coûteuse, via une proposition de loi déposée en octobre 2024. Il y a fort à parier qu’elles et ils pousseront pour un affaiblissement de ses compétences – si ce n’est plus. Mais même si l’amendement du gouvernement était voté, il finirait sûrement par être censuré par le Conseil constitutionnel, au nom des droits du public à l’information et à la participation dans l’élaboration des politiques ayant un impact sur l’environnement. Ces derniers sont garantis par l’article 7 de la Charte de l’environnement. Des droits qui seraient bien difficiles à faire respecter sans le travail de la CNDP.
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