Chronique

De la joie, des chansons et des textes de Jean Giono : «Le bruit du blé», un spectacle à cœur ouvert

Faure est vert. Le compositeur-chanteur Gaël Faure et le comédien Nicolas Martel repartent pour une nouvelle moisson du «Bruit du blé», un spectacle d’une beauté époustouflante qui mêle textes de l’écrivain Jean Giono et chansons de Gaël Faure. Un récit plein de joie qui réveille les poètes-paysans.
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D’habitude, le spectacle se déroule au milieu des champs et se poursuit par un repas sur de grandes tablées. Exception est faite en cette fin mai au Consulat Voltaire, à Paris – «en ville !» Mais la ville s’oublie vite, à mesure que se font entendre les textes de l’écrivain Jean Giono, dans la pièce Le bruit du blé qui se joue à plusieurs reprises jusqu’à l’automne.

Gaël Faure (à gauche) et Nicolas Martel (à droite), lors d’une représentation du «Bruit du blé». © Valentin Izzo

Sur scène, des extraits de la Lettre aux paysans sur la pauvreté et la paix, publiée en 1938, ou du célèbre Que ma joie demeure, de 1935, sont entremêlés aux chansons de Gaël Faure, accompagnées par sa guitare. Le comédien Nicolas Martel appose sa voix puissante. À deux, ils font vibrer la poésie d’un monde paysan révolu : celui des semeurs, des corps mis à mal par les heures d’un travail harassant, des gestes répétitifs – chorégraphiés ici par Émilie Lalande.

Gaël et Nicolas sont les nouveaux Bobi – le héros de Que ma joie demeure, un acrobate itinérant qui vient semer la joie auprès des paysans. Un miroir parfait du spectacle lui-même, qui se joue le plus souvent en territoire rural, dans les fermes.

À genoux devant Giono

Gaël Faure a rencontré l’œuvre de Jean Giono dans une librairie de seconde main à Arles (Bouches-du-Rhône). C’était en avril 2019. Il est tombé sur l’ouvrage Regain, dont le titre faisait écho au second album qu’il avait lui-même publié en 2018. «Mon père m’a appris que le regain, c’est la deuxième coupe de l’herbe – elle est plus nourrissante pour les vaches», raconte-t-il à Vert. Il tombe amoureux de la langue et de la philosophie de Giono : «Je lis à voix haute sur les chemins du Sud.»

Le chanteur-compositeur Gaël Faure. © Valentin Izzo

Fils de paysan ardéchois, Gaël Faure a fait un lycée agricole avant de se tourner vers la chanson – à 18 ans, il participe à l’émission télé Nouvelle Star, puis sort plusieurs albums. 2025 marque la quatrième saison – il dit «moisson» – du Bruit du blé, qui compte une dizaine de dates. Soutenu par l’actrice Françoise Gillard de la Comédie française, le spectacle est produit en circuit court : Gaël Faure contacte lui-même les fermes qui l’accueillent.

Le «Bruit du blé» se joue principalement dans des fermes. © Valentin Izzo

Cet équilibre précaire pour les deux comédiens-musiciens ne les protège ni de la charge de travail ni d’annulations au dernier moment. Mais il représente pour eux une nouvelle manière d’organiser les tournées – moins de dates, mieux choisies – et illustre leurs idéaux d’émancipation et d’écologie : «Je suis un artisan de la chanson, confie Gaël. Je veux appréhender la proposition artistique sur un temps plus long, en sortant de la consommation d’albums et des tournées vite périmées.»

Une joie que Gaël, à la manière de Bobi, trouve «dans des petites choses minuscules, les interstices du quotidien».

En plein air, les éléments s’invitent au spectacle : ici «des bruits de pomme», là, le vent ou même la grêle, comme lors de leur dernière représentation, la semaine passée, dans la dernière ferme urbaine de Lyon. Des mots, des voix qui resèment la joie et restent accrochés au cœur.

Dates du spectacle

→ 28 juin : Ferme du prieuré à Rennemoulin (Yvelines)

→ 12 et 13 septembre : Climax festival à Bordeaux (Gironde)

→ 4 et 5 octobre : Festival Sèment & S’aimeront à Bruyères-le-Châtel (Essonne)