Juliette Quef : Par où commencer pour trouver un job aligné avec ses valeurs ?
Claire Pétreault : Chercher un job, c’est un peu comme utiliser une boussole avec plusieurs points cardinaux. Ça prend du temps pour vraiment comprendre ses valeurs et se rencontrer soi-même. Ce qui comptait pour moi à 20 ans n’est pas forcément ce qui me guide aujourd’hui. Apprendre à se connaître à travers ses valeurs, c’est une étape clé.

Chacun de nous a des compétences uniques. Ceux qui réussissent à s’épanouir dans un job engagé pour la planète sont souvent ceux qui savent s’écouter et identifier leurs points forts. Parce qu’à partir du moment où l’on excelle dans un domaine, on y prend du plaisir et on trouve une vraie satisfaction.
Enfin, il y a la question du collectif : avec qui veut-on avancer ? Parfois, on passe par des environnements qui ne nous conviennent pas, et ça fait aussi partie de l’apprentissage. Il faut se poser les bonnes questions : Comment je me sens dans ce groupe ? Est-ce que la mission me porte ? Est-ce que le collectif m’aide à grandir ?
D’accord, mais comment savoir où chercher de l’information pour connaître les jobs qui existent ?
J’aime bien dire qu’il faut se mettre dans une posture journalistique pour explorer les métiers et identifier ce qui nous inspire. Ensuite, il faut aller à la rencontre des gens. Leur poser des questions : Qui es-tu ? À quoi ressemble ta journée ? Cela permet de voir si un métier nous plaît réellement.
Ces échanges, que ce soit via LinkedIn, lors d’événements ou simplement dans son entourage, aident à confirmer ou infirmer nos intuitions. Il faut oser aller vers les autres, entamer des discussions et dire clairement : «Je recherche ce type de parcours, qui pourrais-tu me conseiller ?»
Comment faire si personne de notre entourage ne peut nous aiguiller ?
Les associations sont une porte d’entrée précieuse : il en existe partout, dans chaque ville et département. Trouver les associations écolos locales – qu’il s’agisse de préservation de la biodiversité (LPO), de zéro déchet ou d’autres thématiques – permet de rencontrer des passionnés et d’élargir son réseau. Le tissu associatif regorge d’informations et d’opportunités, encore faut-il savoir où chercher. Une fois la liste en main, il ne reste plus qu’à plonger dedans.
«Oser, c’est un muscle qui se travaille : plus on l’entraîne, plus c’est facile.»
Ensuite, il faut oser : quel conseil pouvez-vous donner ?
Déjà, essayer de comprendre d’où vient la peur. Est-ce que j’ai peur d’échouer ? Est-ce qu’il y a un vrai risque ou est-ce que c’est juste l’inconnu qui me fait peur ? Ensuite, se demander : Quel premier pas je peux faire sans que ce soit trop dur ?
L’idée, c’est d’y aller petit à petit. Parler avec quelqu’un qui bosse dans un secteur qui m’intéresse, tester une action simple dans son quotidien… Pas besoin de se mettre en danger tout de suite. Et plus on avance, plus ça devient naturel. C’est comme un marathon : on ne commence pas par courir 42 kilomètres à l’entraînement.
Il faut regarder aussi ce que l’on a déjà en nous : faire la liste de ses ressources, de ses compétences. Et surtout, apprendre à écouter la voix qui rassure plutôt que celle qui fait douter. Oser, c’est comme un muscle : plus on l’entraîne, plus c’est facile.

Quels sont les grands métiers de la transition écologique ?
Il y a plusieurs stratégies. La première, c’est d’aller dans une structure verte : une asso, une boîte qui bosse sur la décarbonation… Elles ont besoin de comptables, de communicants, de commerciaux. On peut avoir un métier classique, mais dans une structure dédiée à la transition.
L’autre option, c’est de transformer les organisations qui existent et qui doivent évoluer. Former à la transition écolo, écoconcevoir des produits… Peu importe le secteur, il y a des choses à faire. Par exemple, en restauration : comment rendre un resto moins nocif pour l’environnement ?
Le meilleur endroit, ça dépend de ta personnalité. Faire changer une boîte depuis l’intérieur, ça peut prendre des dizaines d’années. Pour certains, c’est décourageant ; pour d’autres, c’est un challenge motivant. Dans une structure engagée dès le départ, on voit l’impact plus rapidement. À chacun de voir ce qui lui correspond.
Les erreurs à ne pas faire ?
La première, c’est de miser uniquement sur son engagement écolo quand on postule. Dire : «Je veux bosser avec vous parce que je suis végétarien», ça ne suffit pas. Les recruteurs cherchent avant tout des compétences.
Ensuite, avoir trop d’attentes et viser des organisations ou des missions trop «pures», c’est le risque d’être déçu. Même dans les structures engagées, l’impact environnemental n’est pas toujours parfait. Il faut observer la réalité, sinon gare aux grosses désillusions.
Enfin, ne pas faire de son engagement un sacrifice. J’ai vu trop de pépites finir en burn-out militant. Dans un grand groupe, une personne en RSE a craqué parce qu’il y avait un décalage énorme entre les ambitions et les moyens alloués, avec des injonctions contradictoires. Comme elle était portée par la cause, elle pensait pouvoir y arriver… alors que le système ne suivait pas.
Même dans une structure engagée, un jeune diplômé ultra motivé s’est laissé happer par le sujet au point d’en oublier de s’écouter. Résultat : son corps a dit stop. S’engager, oui, mais pas au point de se perdre.
«Notre corps, c’est le véhicule de notre engagement : si l’on veut tenir sur la durée, il faut en prendre soin.»
Dans votre livre, vous parlez beaucoup de santé mentale, comment se protéger de l’épuisement au travail ?
Le corps est souvent le premier à donner l’alerte : fatigue, troubles de la concentration, du sommeil, perte d’appétit… Autant de signaux qu’il envoie pour dire que quelque chose ne va pas.
Ensuite, il y a la honte qui peut venir avec l’épuisement. Mais il n’y a aucune honte à ressentir ça. Il faut s’autoriser à en parler. Personnellement, j’en ai discuté avec ma médecin, qui m’a orientée vers un psychologue.
Et quand on réalise qu’on est à la limite, il faut s’autoriser à souffler. Prendre un jour off, ralentir. Se rappeler que notre corps, c’est le véhicule de notre engagement : si l’on veut tenir sur la durée, il faut en prendre soin.
Comment détecter le greenwashing de certaines entreprises ?
C’est une pression énorme d’essayer de repérer le greenwashing en amont. Parfois, on se trompe, et personne ne doit s’en vouloir d’y avoir cru. Avant l’entretien, il faut regarder ce qui est publié sur le site internet, lire la presse, écouter les fondateurs ou les dirigeants, voir comment ils parlent de l’engagement écologique.
Pendant l’entretien, il faut oser poser les bonnes questions et observer les réactions. Certains accueilleront la question sans souci, d’autres seront vexés et ça, c’est un mauvais signe. La période d’essai est aussi l’occasion de mener son enquête. Il faut écouter les collègues, les recruteurs, les gens en général. Parce qu’on a tendance à considérer les entreprises comme des entités froides, mais au fond, ce sont juste des humains.
Un bon conseil ?
Je suis dans une phase où je rencontre plein de pépites, et je leur dis : Crois-y ! Parce que c’est tellement puissant d’être aligné avec ses valeurs. Nous sommes en train de construire le monde de demain, celui qui fait sens, un monde de partage. Et surtout, il ne faut jamais rester seul. Il n’y a rien de pire. Le mieux est de se rapprocher d’autres personnes qui cherchent aussi un emploi, de structures comme France travail, qui peuvent apporter du soutien.
Comment bien choisir sa formation ?
Il y a des écoles spécialisées sur la transition écologique. Beaucoup sont privées et relativement nouvelles, donc nous n’avons pas encore assez de recul sur leur taux d’insertion professionnelle. Du coup, le mieux, c’est de regarder ce que font les alumni [les ancien·nes étudiant·es, NDLR]. Ne pas hésiter à demander à l’école d’être mis en contact avec eux. Beaucoup de ces établissements sont en alternance, ce qui est super pour se professionnaliser rapidement.
Une autre stratégie, c’est de partir de ta passion. Par exemple, si tu es passionné par la finance, deviens un expert dans ce domaine, puis forme-toi à la finance «verte». Beaucoup de personnes qui bossent dans le «développement durable» n’ont pas fait un master spécifique. L’entreprise joue aussi un rôle dans la formation continue, il est toujours possible de se former en cours de route.
L’idée, c’est d’essayer de t’orienter vers des parcours qui résonnent vraiment en toi.
Un autre message que vous voudriez passer ?
Un parcours que j’aime vraiment mettre en lumière, c’est celui de Théophile. Il était compagnon du devoir, formé pour devenir ferronnier d’art et, en parallèle, bénévole à la LPO [Ligue de protection des oiseaux, NDLR] d’Angers (Maine-et-Loire). Puis, il s’est réorienté pour se consacrer à la préservation de la biodiversité. Il a découvert la faune et la flore de l’Anjou, puis est parti à Annecy (Haute-Savoie), où il travaille maintenant à France nature environnement. Ce qui est inspirant, c’est qu’il s’est écouté assez tôt, il a su trouver les ressources et les solutions pour travailler dans ce qui le passionne. Il a trouvé sa voie.
Ce que je trouve fort dans son parcours, c’est qu’il a su s’engager. L’associatif est un milieu accessible et inclusif pour ceux qui veulent vraiment y entrer. Le bénévolat, c’est une école de l’engagement.
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Travailler moins pour rêver plus. Elle est philosophe, il est économiste. Dans le cadre de la nouvelle série de Vert autour du travail et du dérèglement climatique, nous avons voulu croiser les regards de la philosophe Céline Marty, autrice de «Travailler moins pour vivre mieux» et de Gilles Raveaud, économiste, maître de conférences à l’Institut d’études européennes (Paris 8 – Saint-Denis), autour de cette question : pour endiguer la crise climatique, faut-il travailler moins ?