Tribune

Activistes et scientifiques appellent à abroger la loi Duplomb : «Elle renforce un modèle agricole industriel et destructeur»

Duplomb B. «Alors que début septembre 2025 s’ouvre une séquence d’importantes mobilisations en France, et que la justice vient de rendre une décision historique ordonnant à l’État de revoir ses procédures d’autorisation des pesticides, les attentes des millions de citoyen·nes qui ont signé la pétition contre la loi Duplomb ne peuvent être balayées d’un revers de main», estiment les signataires de cette tribune à Vert.
  • Par

La loi Duplomb a été votée après un processus politique contestable et contesté par les malades, médecins, scientifiques et agriculteur·ices, qui à l’inverse appelaient à une réforme profonde de notre système agricole et alimentaire. Le 7 août, le Conseil constitutionnel a censuré la réintroduction de certains néonicotinoïdes, comme l’acétamipride.

Note aux lecteur·ices :

Cette article est une tribune, rédigée par des personnes extérieures à la rédaction de Vert.

Loin d’être une victoire, cette censure n’est qu’un sursis. Rien n’empêche Laurent Duplomb et ses soutiens de revenir à la charge avec une nouvelle proposition. La FNSEA ne s’en est pas cachée lors de sa conférence de presse du 2 septembre en appelant au dépôt rapide d’un nouveau texte.

Un rassemblement contre la proposition de loi Duplomb, le 30 juin, à Paris. © Esteban Grépinet/Vert

Un tel scénario n’est pas concevable compte tenu de la mobilisation sans précédent de ces dernières semaines. En effet, face au scandale démocratique et au péril que la loi fait peser sur notre souveraineté alimentaire, ce sont plus de 2,1 millions de citoyens qui ont signé la pétition «Non à la loi Duplomb». Un record. Alors que cette mobilisation ouvre la possibilité d’un débat (sans vote) à l’Assemblée nationale, nous demandons à nouveau à nos parlementaires d’en respecter la volonté : en abrogeant la loi Duplomb ; en rejetant toute nouvelle proposition de loi visant la réintroduction de néonicotinoïdes ; en adoptant une nouvelle loi répondant aux vrais enjeux agricoles, alimentaires et sanitaires du pays ; en révisant les règles qui rendent possible l’adoption de lois au mépris de la science et du débat démocratique.

Pesticides, mégabassines et fermes-usines

Soyons clairs : la loi Duplomb est une mauvaise loi, pour le monde agricole et plus largement pour l’ensemble des citoyen·nes. Elle ne répond pas aux véritables problèmes auxquels est confronté le monde agricole, mais aux intérêts de l’agro-industrie. Elle ne garantit pas une rémunération plus juste, ni une meilleure protection face aux maladies liées aux produits chimiques. Elle ne prépare en rien notre agriculture aux réalités du changement climatique. Et perpétue un modèle agricole reposant sur l’exploitation intensive des sols et tourné massivement vers l’exportation, au lieu de viser une alimentation saine, durable, résiliente et accessible.

La loi Duplomb vient renforcer un modèle agricole industriel et destructeur, tourné vers les intérêts de quelques-uns, au détriment de notre capacité collective à nous nourrir demain. Par exemple, en facilitant la construction de mégabassines, qui accentuent les tensions sur la ressource en eau, et en permettant l’accélération du développement d’élevages industriels et de fermes-usines. Cette loi affaiblit le rôle de l’Office français de la biodiversité et tourne le dos aux connaissances scientifiques, en réactivant la stratégie du doute propre aux lobbies comme celui des pesticides. Combien de scandales sanitaires, en métropole et dans les outre-mer, comme ceux du chlordécone, de l’amiante ou des polluants éternels faudra-t-il encore pour que nous tirions enfin les leçons du passé ?

Accentuer la pression sur les politiques

Un changement de cap s’impose. Il est tout à fait possible de concilier souveraineté alimentaire, revenus dignes, droit à l’alimentation, protection de la biodiversité et santé publique. Dans l’urgence, des solutions s’imposent parmi lesquelles : clauses de sauvegarde pour cesser l’importation de produits traités avec des substances interdites en France, réorientation des aides publiques vers le soutien à l’agroécologie dont l’agriculture biologique, etc. Dans les prochains jours, des mobilisations vont prendre place : blocages du 10 septembre, appels à la grève dans de multiples secteurs le 18, puis marche pour le climat, la démocratie et la justice sociale le 28. La loi Duplomb, tant sur la forme que sur le fond, fait partie des déclencheurs amenant des citoyen·nes à exprimer leur refus et leur colère.

Nous invitons les millions de signataires et soutiens citoyens et acteurs de la société civile à accentuer la pression sur les responsables politiques. Sur le budget, le modèle agricole, la santé, les services publics, comme sur les règles mêmes du jeu démocratique : tout doit être repensé. Nos signatures sont un cri pour une démocratie vivante, pour le respect de notre santé, pour une agriculture à la hauteur des enjeux du 21ème siècle et pour améliorer la vie de celles et ceux qui nous nourrissent, dont la majorité ne veut pas de ce modèle qu’on leur impose.

La loi Duplomb contribue à la perte de crédibilité inédite de nos gouvernants ces derniers mois. Ils doivent revenir à la raison : abroger cette loi, ouvrir un véritable débat sur notre modèle agricole et alimentaire et adopter de nouvelles pratiques démocratiques donnant moins de pouvoirs aux lobbies et plus de pouvoir aux citoyennes et citoyens. Nous n’avons peur ni du débat, ni du progrès. À vous, responsables politiques, de vous montrer à la hauteur !

Signataires

Camille Amand, présidente, ActionAid France ; Lucie Anizon, directrice opérationnelle, Coop-médias ; Jean Autard, administrateur, Association Wwoof France ; Jean Azan, représentant légal, Les Ami·e·s de la Confédération paysanne ; Cassandre Bachellier, co-fondatrice, Fertîles ; Tom Baquerre, co-président, Combat Monsanto ; Alice Barbe, directrice, Académie des futurs leaders ; Marie-Andrée Besson, présidente, Solidarité paysans ; Evelyne Boulongne, porte-parole, MIRAMAP ; Ophélie Bourgeois, agricultrice et créatrice de contenu ; Fleur Breteau, fondatrice et porte-parole, Cancer colère ; Loïc Bronnec, gérant élu, Coop communs ; Matthieu Brunet, président du directoire, Arcadie ; Noémie Calais, agricultrice ; Isabelle Carsalade Demonte, pédopsychiatre et agricultrice ; Frah Charon, Shaka Ponk ; Camille Chaudron, mediactiviste ; Olivier Chollet, co-président, Vaurais nature environnement ; Céline Cieplinski, porte-parole, Montgeron en commun ; Christian Clot, président, Human adaptation institute ; Marie Cohuet, co-présidente, Amis de la Terre France ; Sam Cottet, créateur de contenu engagé @healthy.lalou ; Leslie Coutterand, réalisatrice, actrice ; Morgane Créach, directrice générale, Réseau action climat ; Monique Dallet, présidente, Association des amis d’accueil paysan ; Maxime de Rostolan, entrepreneur ; Blaise Desbordes, directeur général, Max Havelaar France ; Cyril Dion, réalisateur, écrivain ; Mathieu Duméry, animateur d’émission scientifique ; Sylvain Duthu, artiste ; Laëtitia Eïdo, artiste et comédienne ; Claude-Emmanuelle Gajan-Maull, artiste et militante ; Elodie Gérôme, directrice, Quatre pattes ; Gael Giraud, chercheur en économie ; Jacques Godard, coprésidence, SOL ; Muriel Gruszka, ; Karine Jacquemart, DG, Foodwatch ; Marine Jobert, coordinatrice nationale, Collectif Les pieds dans le plat ; Eric John, président de la fédération, Terre de liens ; Julie Chapon, directrice générale, Yuka ; Jean-François Julliard, directeur général, Greenpeace France ; Stephen Kerckhove, directeur général, Agir pour l’environnement ; Julien Kien, président, Bio consom’acteurs ; Maxime Kurkdjian, fondateur, fondation Choisyclub ; Nicolas Laarman, délégué général, Pollinis ; Nadine Lauverjat, DG, Générations futures ; Armel Le Coz, fondateur, Démocratie ouverte ; Julien Le Guet, porte-parole, Bassines non merci ; Emily Loizeau, artiste auteure compositrice interprète ; Yvan Lubraneski, intervenant sur les questions de démocratie ; Lucie Lucas, actrice, activiste ; Jean-Jacques Mabilat, président, Coquelicots de Paris ; Tanguy Martin, administrateur mandaté, Ingénieurs sans frontières – Agrista ; Hélène Martinelli, artiste ; Charles Merlin, créateur de contenu ; Guillaume Meurice, humoriste ; Sandra Nkaké, artiste, compositrice et chanteuse ; Sébastien Pasadovic, secrétaire départemental, POI27 ; Magali Payen, fondatrice, On est prêt ; Chloé Penderie, créateur de contenus – influenceur ; Philippe et Dominique Piard et Masset, co-présidents, Secrets toxiques ; Thomas Piet, auteur et comédien ; Marie-Hélène Pillot, médiatrice territoriale – animatrice de dynamiques de coopération ; Jean-Yves Pineau, directeur, Les Localos ; Christian Pons, président, UNAF ; Rémy Poulain, membre du CA, Victoires populaires ; Hadi Rassi, acteur, Ami des lobbies ; Jean-Jacques Rebuffat, président, Civam PACA ; Jacques Réjalot, représentant légal, Wwoof France ; Franck Rinchet-Girollet, porte-parole, Avenir Santé Environnement ; Marie-Monique Robin, réalisatrice et écrivaine ; Béatrice Robrolle, présidente, Terre d’Abeilles ; Corinne Rogeon, créatrice de contenus insta @iletaituneveggie ; Julien Roirant, fondateur, AgoraLab ; Jean-François Roustan, formateur ; Simon Sarazin, entrepreneur et chercheur en économie des communs ; Monique Savatier, co-présidente, Riverains ensemble ; Yvan Savy, directeur, CIWF France ; Fiona Schmidt, autrice ; Julie Schwarz, dirigeante, Econovia ; Réjane Sénac, chercheuse, CNRS – Sciences Po ; Yves Sintomer, scientifique ; Margot Smirdec, membre du cercle d’orientation, Alliance santé planétaire ; Caroline Span, entrepreneure et activiste pour la démocratie ; Jacques Taburet, président, Nous voulons des coquelicots grand Châtellerault ; Elise Thiébaut, autrice ; Laura Thiéblemont, co-présidente, Amis de la Terre France ; Cécile Thoreau, agricultrice ; José Tissier, président, Commerce équitable France ; Beverley Toudic, directrice adjointe, Institut Rousseau ; Claire Touzard, écrivaine ; Matthias Van Khache, acteur ; François Veillerette, expert environnement ; Nicolas Verzotti, président, Réseau Civam ; Jean-François Vincent, conservateur des bibliothèques ; Mathou Virfollet, autrice et illustratrice ; Marina Yakovlev, activiste et créatrice de contenu ; Anne-Marie Zaninotto, retraitée de l’éducation nationale.

Dans le chaos actuel, plus de 12 500 personnes ont fait le choix de soutenir Vert avec un don mensuel, pour construire la relève médiatique à nos côtés. Grâce à ce soutien massif, nous allons pouvoir continuer notre travail dans l’indépendance absolue.

Alors que l’objectif de contenir le réchauffement à moins de 1,5°C est un échec, les scientifiques le martèlent : chaque dixième de degré supplémentaire compte. Dans le contexte médiatique que nous connaissons, chaque nouveau membre du Club compte. Chaque soutien en plus, c’est plus de force, de bonnes informations, de bonnes nouvelles et un pas de plus vers une société plus écologique et solidaire.

C’est pourquoi nous voulons désormais atteindre les 13 000 membres du Club. Ces membres supplémentaires nous permettront de nous consolider, alors que la période est plus incertaine que jamais, d’informer encore plus de monde, avec du contenu de meilleure qualité.

Rejoignez les milliers de membres du Club de Vert sans perdre une seconde et faisons la différence ensemble.