Dans cette vaste pinède maritime, la découverte du parasite a provoqué un vent de panique. À Seignosse, dans les Landes, un foyer de nématode du pin a été officiellement détecté le 3 novembre, a annoncé le ministère de l’agriculture.
Ce ver microscopique, présenté par la Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles (Fredon) comme l’un des ravageurs les plus dangereux pour les forêts de conifères, fait son apparition en France pour la première fois. Dévastateur, il s’attaque à la sève des pins, sapins et autres épicéas, «pouvant conduire à la mort des arbres infectés en quelques semaines», selon un document interne de la préfecture de Nouvelle-Aquitaine, consulté par Vert.
Classé organisme de quarantaine prioritaire au titre de la législation européenne (il est susceptible d’avoir un impact néfaste en cas de prolifération), le nématode du pin pourrait avoir de lourdes conséquences pour la santé des forêts… et pour l’économie de la filière sylvicole, importante dans la région. Son origine reste «non identifiée», malgré de forts soupçons autour d’un «apport de marchandises» contaminées, indique une source proche du dossier, qui a requis l’anonymat.
En réaction, un arrêté préfectoral interdit la circulation des végétaux sensibles, des bois et écorces de résineux, ainsi que l’ensemble des travaux d’exploitation (notamment les coupes d’arbres) dans un rayon de 20 kilomètres autour du foyer détecté à Seignosse.
Un foyer au cœur du chantier d’interconnexion électrique
Le foyer a été découvert dans l’une des communes concernées par le controversé chantier de ligne à très haute tension franco-espagnole (notre article).
Ce projet, déclaré d’«utilité publique» par le ministère de la transition écologique, et qui vise à doubler les capacités d’échanges électriques entre les deux pays, suscite depuis plusieurs années une levée de boucliers, à cause de préoccupations environnementales.

Une partie de son tracé passe sous la forêt landaise – ou à proximité immédiate. La semaine dernière, la secrétaire nationale des Écologistes et candidate déclarée à la présidentielle, Marine Tondelier, a réclamé un moratoire (une suspension d’activité) sur la poursuite des travaux.
RTE (Réseau de transport d’électricité), gestionnaire du chantier, indique «respecter à la lettre l’arrêté préfectoral» et suspend ses coupes d’arbres dans les zones concernées.
Les travaux ne sont toutefois pas totalement à l’arrêt, contrairement à ce que réclame l’association écologiste locale Stop THT 40 : «Ils se poursuivent autour de la création de chambres de jonction», des ouvrages en béton permettant de tirer et d’assembler plusieurs tronçons de câbles.
«Le risque zéro n’existe pas»
Malgré les mesures restrictives décidées par le préfet de Nouvelle-Aquitaine, une source proche du dossier juge le risque de propagation toujours élevé : «Le risque zéro n’existe pas.»
Le parasite, jusqu’ici cantonné au Portugal et à l’Espagne, «ne peut pas passer seul d’un terrain à un autre. En revanche, son vecteur principal de transmission pourrait être le monochamus, un insecte très présent dans les Landes, qui se nourrit du bois», poursuit cette même source.

Si sa période de vol est terminée, il pourrait quand même «être déplacé, lui ou les vers, à cause des activités humaines», explique-t-elle encore. C’est ce que redoute le collectif Stop THT 40, qui réclame l’arrêt total du chantier de RTE : «Ce n’est pas sérieux de continuer tant qu’il y a un risque sanitaire pour les résineux, estime Marie Darzacq, militante du collectif. Les machines déplacées risquent d’entraîner une propagation des vers.»
Interrogée sur ce risque par Vert, une représentante de RTE indique «ne pas être en mesure de répondre à cette question». La préfecture des Landes, elle, s’est refusée à tout commentaire, renvoyant vers des communiqués de presse publiés en début de semaine. Elle y appelle à signaler «tout arbre résineux dépérissant ou mort récemment dans la zone délimitée et en priorité les pins maritimes».
Un foyer détecté depuis plus d’un mois
La préfecture y évoque aussi une reconnaissance officielle du foyer de nématode le 3 novembre 2025 par le laboratoire national de référence de l’Anses, l’agence nationale de sécurité sanitaire.
Or, le foyer avait été découvert il y a plus d’un mois, le 3 octobre 2025, lors d’une prospection menée par l’organisme Fredon, avec des prélèvements sur 15 arbres, selon un document interne de la préfecture. Une information confirmée par des sources concordantes.
«Pendant un mois, tous les travaux, y compris les coupes de 300 arbres par RTE, se sont poursuivis, malgré les risques sanitaires pour la forêt, s’indigne Marie Darzacq. La préfecture aurait dû prendre un arrêté dès le 3 octobre, par principe de précaution.»
Une surveillance pendant quatre ans
Des opérations de prospection et de prélèvements sont «en cours pour définir des mesures de lutte», précise la préfecture dans un communiqué. Une source proche du dossier insiste : «Il faut aller vite» pour endiguer la présence du parasite.
Les résineux du foyer de nématode devraient être abattus et le site fera l’objet d’une surveillance pendant quatre ans. Le doute reste entier sur les conséquences actuelles et futures de ce parasite dans la forêt des Landes.
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