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Loi Duplomb : le Conseil constitutionnel censure le retour des néonicotinoïdes et freine le développement des mégabassines

Dans une décision rendue publique ce jeudi, le Conseil constitutionnel a jugé certains articles de la loi Duplomb contraires à la Constitution, notamment au sujet du retour de pesticides controversés. Le texte pourrait être promulgué dans les prochains jours sans les articles en question. Explications.
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Une «victoire pour la santé et la biodiversité». L’article 2 de la Loi Duplomb, le plus contesté, visait à réintroduire des pesticides néonicotinoïdes, dont l’acétamipride, un insecticide interdit en France depuis 2018 en raison de ses effets nocifs pour la santé humaine et la biodiversité. Il a été censuré par le Conseil constitutionnel dans sa décision rendue jeudi 7 août.

Le Conseil a estimé que l’article entrait en contradiction avec la Charte de l’environnement de 2005, texte à valeur constitutionnelle qui affirme notamment que «chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé». «Le Conseil a déduit que, faute d’encadrement suffisant, les dispositions méconnaissaient le cadre défini par sa jurisprudence, découlant de la Charte de l’environnement», peut-on lire dans la décision.

Composé de neuf membres nommé·es pour neuf ans (trois sont nommé·es par la présidence de la République, trois par celle de l’Assemblée nationale et trois par celle du Sénat), le Conseil constitutionnel veille à la conformité des lois avec la Constitution. © Conseil Constitutionnel

Par ailleurs, les «Sages» ont formulé plusieurs réserves concernant l’article 5 de la loi – celui qui visait à faciliter les projets de stockage d’eau (dont les très critiquées mégabassines). Contrairement à ce que prévoyait le texte, il sera notamment toujours possible de contester en justice «l’intérêt général majeur» d’un projet, généralement employé pour contourner les obligations environnementales. Enfin, ces projets ne seront autorisés que s’ils garantissent un accès équitable à la ressource en eau.

L’Élysée a déjà annoncé qu’Emmanuel Macron avait pris «bonne note de la décision du Conseil constitutionnel» et «promulguera la loi». Laurent Duplomb, sénateur (LR) à l’origine du texte, a déclaré : «Je prends acte et je respecte la décision des Sages.»

«C’est une bonne nouvelle pour la santé des paysans et des citoyens», s’est félicité Thomas Gibert, maraîcher et porte-parole national de la Confédération paysanne, sur France info. «Mais c’est une victoire en demi-teinte, une victoire d’étape puisque l’intention première de ce texte reste la même : toujours plus de compétition», estime-t-il.

L’association Générations futures, qui a bataillé pendant de longs mois contre le texte, regrette «que les articles relatifs à l’eau et à l’élevage sont validés par le Conseil constitutionnel. [Mais] la censure de l’article 2 constitue néanmoins une victoire pour Générations futures et ses alliés, surtout pour la santé et la biodiversité».

Fleur Breteau, porte-parole de Cancer colère et visage de la contestation, abonde auprès de Vert : «Ça prouve que c’est possible, que la colère populaire autour de l’empoisonnement généralisé fonctionne.» Pour rappel, la loi Duplomb a suscité une vaste mobilisation : scientifiques, médecins, apiculteur·ices et bien d’autres spécialistes avaient demandé son retrait, tout comme plus de deux millions de citoyennes et citoyens via une pétition devenue la deuxième la plus signée de l’histoire du pays. «On est déçus que la loi ne soit pas retoquée dans son intégralité, regrette cependant Fleur Breteau. Parce qu’elle est tellement anachronique.».

Le Conseil n’a pas censuré la loi sur la forme

En revanche, le Conseil constitutionnel a jugé que la procédure d’adoption de la loi «n’avait pas été irrégulière», contrairement à ce que beaucoup d’observateur·ices avaient prédit. Le 26 juin, les député·es Les Républicains et du socle présidentiel avaient adopté une motion de rejet préalable pour éviter les débats en séance publique sur ce texte qu’elles et ils soutenaient pourtant. De quoi empêcher l’examen des quelque 3 500 amendements déposés – dont les deux tiers émanant des groupes écologistes et insoumis. Le texte avait été directement envoyé en commission mixte paritaire (CMP), une instance composée de sept député·es et sept sénateur·ices chargé·es de trouver un compromis entre les deux chambres. Majoritairement à droite, cette CMP avait validé la version initiale du texte.

Dans sa décision, le Conseil explique : «Au regard des conditions générales du débat, l’adoption de la motion de rejet préalable en première lecture à l’Assemblée nationale n’a méconnu ni le droit d’amendement, ni les exigences de clarté et de sincérité du débat parlementaire.»

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