Analyse

Insectes, oiseaux, champignons, microbes… une étude prouve la nocivité des pesticides pour l’ensemble de la biodiversité

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Chimique mac. Ces substances nuisent à de nombreuses espèces qu’elles ne sont pas censées cibler, démontre une étude majeure publiée dans la revue Nature Communication, jeudi. Une preuve supplémentaire de leur rôle dans l’effondrement du vivant.

En théorie, un insecticide est censé nuire uniquement à certaines espèces d’insectes dits «ravageurs». Cette idée, défendue par l’industrie agroalimentaire, est battue en brèche par une étude internationale qui vient de paraître dans la revue Nature Communication. Son titre est éloquent : «Les pesticides ont des effets négatifs sur les organismes non-ciblés».

Autrement dit, un insecticide peut non seulement avoir des impacts négatifs sur toute une variété d’autres insectes (abeilles, coccinelles, papillons…), mais aussi sur des oiseaux, des poissons, des amphibiens, des champignons, des bactéries… «On suppose souvent que les pesticides sont principalement toxiques pour les organismes nuisibles ciblés, et pour ceux qui sont étroitement liés, mais c’est faux», tranche Dave Goulson, professeur de biologie à l’université de Sussex (Grande-Bretagne) et coauteur de l’étude. «Les pesticides menacent l’intégrité des écosystèmes», complète ce spécialiste reconnu des insectes.

Plus de 800 espèces impactées négativement

Que les pesticides soient néfastes pour l’environnement… nous le savions déjà, pourrions nous penser. «Il y a eu de très nombreux articles au sujet des effets des pesticides sur des groupes d’organismes précis : les abeilles domestiques, les poissons, les vers de terre… Ce qui est nouveau avec cette étude, c’est qu’il s’agit d’une “méta-analyse”, qui compile énormément d’études sur la question», explique à Vert Philippe Grandcolas, directeur de recherche en écologie au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui n’a pas participé à l’étude.

Un agriculteur épend des pesticides sur une parcelle agricole des Yvelines. © Nicolas Duprey/Flickr

Concrètement, les douze auteur·ices ont analysé plus de 1 700 études réalisées en laboratoire et en «plein champ», sur 471 types des pesticides différents (insecticides, herbicides et fongicides).

Le résultat est sans appel : des effets négatifs sont constatés sur 800 espèces différentes, représentatives de toute la richesse de la biodiversité. Au-delà de la mortalité directe, les pesticides ont des effets dits «sublétaux» (qui mènent à une mort indirecte) : impacts sur la croissance, la reproduction, la capacité à se nourrir, se déplacer…

«Le dogme du pesticide ciblé est complètement faux»

Pour Philippe Grandcolas, cette étude «montre à quel point le dogme du pesticide ciblé est complètement faux, c’est une excellente réponse à tous les lobbyistes qui tentent de dire l’inverse». Selon lui, il y a désormais un consensus scientifique sur le rôle majeur de ces substances dans l’effondrement en cours de la biodiversité.

«Les pesticides sont un mal nécessaire, sans lequel la production alimentaire mondiale et les moyens de subsistance des agriculteurs risqueraient de s’effondrer, nuance Ben Woodcook, chercheur en écologie au UK centre for ecology and hydrology (UKCEH) et coauteur de l’étude. Mais nos résultats soulignent la nécessité de mettre en place des politiques et des pratiques pour réduire leur utilisation.»

Un message qui paraît «contradictoire face à l’actualité parlementaire française», regrette Philippe Grandcolas. Le Sénat a fait voter la semaine dernière le principe «pas d’interdiction de pesticides sans solution» dans le projet de loi d’orientation agricole, vivement dénoncé par l’association Générations futures (voir notre article). Et, dans quelques semaines, les député·es devront examiner la proposition de loi Duplomb, qui souhaite réautoriser partiellement l’acétamipride, l’un des fameux néonicotinoïdes «tueurs d’abeilles».

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