Les joutes politiques des derniers mois, en particulier dans le contexte des élections européennes du 9 juin, ne laissent guère de place positive aux sujets qui traitent de l’environnement. Dans ce domaine, on assiste à des reculs en tous genres : depuis la suspension du plan Écophyto, qui entend lutter contre l’usage massif des pesticides, les faveurs accordées aux NGT (ces nouveaux «quasi-OGM»), en passant par la tolérance affichée vis-à-vis de la destruction d’espèces protégées… mais non-intentionnelle (oups !).
Bien sûr, rien de tout cela ne pourra aider les petits agriculteurs vertueux, étranglés par les circuits de distribution ou la concurrence déloyale ; ou encore ceux et celles qui s’essaient à l’agroécologie ou au bio. Rien donc qui pourrait réellement permettre de nourrir les Français·es, et de les garder en bonne santé, de concert avec une bonne gestion de l’environnement.
Les Français·es se soucient pourtant très sincèrement des questions environnementales ; sans oublier tous ces scientifiques, écologues, agronomes ou médecins qui prennent la parole publiquement pour dire leur extrême inquiétude quant à la dégradation des écosystèmes naturels. Pendant ce temps, une partie notable de la classe politique s’obstine à rétropédaler.
Un peu comme si les tenants des partis dominants (d’après les sondages !) pensaient échapper à ces questions cruciales, et à la réalité, en pratiquant une sorte de pensée magique technocratique. Ou en cultivant l’ignorance.
En somme, la préoccupation environnementale est prise en tenaille entre le premier de la classe et le cancre. Le premier de la classe cultive la pensée magique, pensant résoudre les crises du climat et de la biodiversité grâce à la captation du carbone, l’avion à l’hydrogène ou les plantes génétiquement modifiées. Cela séduit ceux et celles qui aiment leurs propres modes de vie à forte empreinte et ont foi dans la technologie pour trouver les solutions aux problèmes qu’ils et elles ont eux-mêmes créés. Tous ceux et toutes celles qui ont une confiance aveugle (c’est bien le mot) dans la technologie et l’érigent en totem social ou de pouvoir.
Le cancre, quant à lui, est versatile dans l’ignorance, mais il prend systématiquement le contre-pied de la science, surtout quand elle est contrariante, et prétend défendre tout ce qui est local. Il oublie la réciprocité des échanges et que les frontières n’arrêtent ni le gaz carbonique ni le loup. Ce faisant, il amuse la galerie et se fait plein de «potes».
Pour ma part, j’ai l’impression d’être revenu au collège, avec des forts en thème, bien peu réalistes et entichés de leur position dominante ; et des cancres, dont la popularité éphémère cache une ignorance et une inconséquence crasses.
Que faire, au final ? Attendre la fin de l’année scolaire et se dire que l’on tombera dans une classe plus sympa l’année prochaine ? Ou espérer la rixe qui conduira à l’exclusion du premier et du cancre ?
En matière de crises du climat et de la biodiversité, difficile d’attendre l’année prochaine ou la chute providentielle des mauvais tenants, au regard de l’extrême urgence de la situation.
On en viendrait à espérer stupidement la survenue d’un aléa majeur, comme la pandémie de Covid qui a momentanément figé la situation et laissé brièvement entrevoir un monde nouveau. Ce serait tragiquement oublier qu’elle a causé des millions de morts. Et c’est bien ce qui se passe désormais : entre pics de chaleur, feux, inondations, maladies émergentes et production alimentaire défaillante.
Réveillons-nous et n’attendons pas la sonnerie de la fin de la classe pour restaurer une vraie prise en compte de ce qui gouverne tous les aspects de nos vies : le climat et la biodiversité !
Par Philippe Grandcolas, écologue et directeur de recherche au CNRS.
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