Ni pesticides ni choléra. Après l’interdiction des dérogations pour les néonicotinoïdes, plusieurs associations environnementales et des parlementaires de gauche enfoncent le clou et demandent à la justice de contraindre le gouvernement à s’assurer de la non-toxicité à long terme des produits phytosanitaires avant leur mise sur le marché.
Jeudi, une trentaine d’ONG et près de 28 député·es de la Nupes comme Loïc Prud’homme (LFI) ou Sandra Regol (EELV) ont déposé un recours auprès du Conseil d’État pour dénoncer les « carences dans l’homologation des pesticides » de la part de l’exécutif et « la sous-évaluation de leur toxicité ».
À l’heure actuelle, les pesticides utilisés en France peuvent obtenir une autorisation de mise sur le marché après l’étude des seules substances actives déclarées par les fabricants. Pas suffisant pour les requérant·es, qui demandent aux pouvoirs publics d’inclure dans les procédures d’autorisation l’examen des effets de tous les formulants qui entrent dans la composition du produit phytosanitaire. Des études scientifiques ont en effet démontré que les industriels fabriquaient leurs agrotoxiques avec de l’arsenic, du plomb ou des composés perfluorés. Des substances non déclarées dont « l’effet cocktail » pourrait être hautement nocif pour la santé humaine. Une exposition à ces produits pourrait potentiellement déclencher des maladies chroniques comme des cancers.
Les plaignant·es, parmi lesquelles Notre Affaire à tous, la Confédération paysanne, Générations Futures ainsi que des fédérations d’apiculteurs, réclament que l’État modifie la réglementation française et se mette en conformité avec la législation européenne. Dans un arrêté rendu en 2019, la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) stipule en effet que « les procédures conduisant à l’autorisation d’un produit phytopharmaceutique doivent impérativement comprendre une appréciation non seulement des effets propres des substances actives contenues dans ce produit, mais aussi des effets cumulés de ces substances et de leurs effets cumulés avec d’autres composants dudit produit ».
Cette action devant la juridiction administrative française fait suite à plusieurs alertes déjà émises quant à la nécessité de revoir les procédés d’évaluation et d’autorisation des pesticides. En novembre 2022, la Commission nationale de la déontologie et des alertes en santé publique et environnement (CNDASPE) avait examiné les dossiers d’autorisation de plusieurs produits et constaté que ces derniers n’étaient pas soumis aux études prescrites par le droit européen. Dans ses recommandations, la Commission appelait les pouvoirs publics à « renforcer les moyens alloués à l’Anses [l’Agence nationale de sécurité sanitaire, NDLR] afin qu’elle soit en mesure de satisfaire les prescriptions européennes (…) lors de l’examen de la demande d’autorisation de mise sur le marché de chacune de ses préparations commerciales ». Un avis uniquement consultatif, que le gouvernement n’avait pas choisi d’appliquer.
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