Trois ans après le début de l’invasion russe sur son territoire, l’Ukraine s’apprête à déposer officiellement la première demande de réparations climatiques liées à une guerre. Depuis novembre 2022, le pays a été reconnu victime d’«acte d’agression illégal» par l’Assemblée générale des Nations unies, qui a également estimé que la Russie devrait réparer les dommages.

Selon la Banque Mondiale, l’Ukraine aura besoin d’au moins 524 milliards de dollars (506 milliards d’euros) pour se reconstruire après la guerre. Mais selon Kiev, 43 milliards de dollars (37 milliards d’euros) de dommages climatiques sont également à déplorer.
«Certains dégâts n’ont pas de frontières»
«La Russie mène une guerre sale et notre climat en est également victime », a expliqué à Vert Pavlo Kartashov, ministre ukrainien de l’environnement et de l’agriculture. «Certains dégâts n’ont pas de frontières : les quantités massives de carburant brûlé, les forêts incendiées, le béton et l’acier pour la reconstruction… Tout cela a un coût climatique considérable et concerne le monde entier».
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Une fois la demande officiellement soumise au Conseil de l’Europe, début 2026, «l’Ukraine deviendra le premier pays à tenir un autre État responsable des émissions climatiques sur son sol», explique Lennard de Klerk, de l’Initiative pour la comptabilisation des gaz à effet de serre de la guerre (Iggaw). Il est l’auteur d’un rapport, sur lequel s’est appuyé l’Ukraine, qui estime que l’invasion russe a généré des émissions équivalentes à 236,8 millions de tonnes de dioxyde de carbone (CO2), soit plus que les émissions annuelles d’un pays comme la Colombie.
Trois millions d’hectares de forêts détruits
La majeure partie de ces émissions (34%) provient des activités militaires des deux camps, et notamment de la consommation de 18 millions de tonnes de carburant, suivie par celles liées aux immenses quantités d’acier et de ciment utilisées pour fortifier des centaines de kilomètres de lignes de front (27%). Environ un tiers supplémentaire découle des incendies de guerre, des frappes visant les infrastructures énergétiques et du déplacement des civils. Enfin, le rapport met en évidence que la destruction de trois millions d’hectares de forêts a réduit leur capacité d’absorption des gaz à effet de serre de 1,7 million de tonnes par an. L’Ukraine abrite 35% de la biodiversité européenne, selon l’ONU.
Pour arriver à la somme de 43 milliards de dollars (37 milliards d’euros) de réparation, l’Ukraine a utilisé le concept économique de «coût social du carbone», qui évalue le montant des dégâts provoqués par chaque tonne de CO2 supplémentaire émise. Avant l’arrivée de Trump au pouvoir, l’administration Biden souhaitait fixer ce coût à 190 dollars (185 euros) la tonne. «Nous voulons utiliser ces réparations pour minimiser les dommages climatiques futurs et notamment pour restaurer les sols et replanter les forêts, construire des bâtiments bas-carbone et installer des énergies renouvelables», a indiqué le ministre ukrainien, Pavlo Kartashov. Il est toutefois peu probable que la Russie s’acquitte un jour de cette dette. Elle n’a d’ailleurs pas officiellement réagit à la demande.
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